La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

L’annonce par Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant la période critique précédant le 31 octobre a surpris (et indigné parfois) les commentateurs mais elle suit une logique claire:

• Si le Parlement réussit finalement à bloquer le hard Brexit (un scénario que seuls des experts chevronnés pourraient évaluer à ce stade), M. Johnson pourrait alors provoquer des élections en se présentant comme le seul défenseur de la volonté populaire issue du référendum, empêché dans sa tâche par le Parlement, et espérer ainsi récupérer les voix perdues au profit du Brexit Party.

• Si le Parlement vote une motion de censure contre lui (avec, nécessairement, des Tories dissidents), il aura beau jeu de rejeter la responsabilité des élections sur les traitres remainers, alors qu’il a fraichement obtenu l’investiture du parti et qu’il est assez populaire au-delà dans le pays.

• Si le Parlement n’obtient ni la censure, ni le blocage du hard Brexit, il récupère une marge de manoeuvre totale sur l’opération, qui redonne de la crédibilité à sa menace vis-à-vis des européens.

C’est clairement là sa meilleure chance d’obtenir des concessions de l’UE.

S’il n’obtient rien, il conserve la possibilité de demander un report, s’il le juge opportun, au dernier moment. A contrario, ne rien faire était la quasi-certitude de se subir le même destin que Mme May, pris en étau entre une UE inflexible, un Parlement bloquant toute proposition et une hémorragie d’électeurs vers le Brexit Party.

Le coup est donc bien calculé mais il comporte aussi le risque d’être considéré comme une dérive institutionnelle dangereuse, ce que les électeurs pourraient plus tard sanctionner. Mais le Brexit – un projet dans son essence populiste – a montré qu’il était incompatible avec l’ensemble des procédures et contre-pouvoirs de l’Etat de droit. Il fallait un référendum, avec peu d’information à l’époque sur les enjeux concrets du projet, pour en prendre la décision et il faudra probablement une forme de restriction démocratique pour arriver à le mettre en oeuvre.

Italie: un premier ministre tout-terrain

Pour un parti initialement antisystème, le mouvement cinq étoiles – et le président du Conseil qui en est issu – a montré une belle capacité de manoeuvre dans les arcanes du pouvoir. Selon toute probabilité aujourd’hui, le MS5 et le parti démocrate vont former une coalition qui marquera l’éviction de la Lega, cette dernière ayant ainsi perdu sa tentative de provoquer des élections.

M. Conte a progressivement acquis sa stature de chef d’Etat, notamment en adoptant une attitude responsable face à l’UE. C’est lui qui a joué les médiateurs lors de la négociation du budget et son action pour que MS5 vote pour Mme von der Leyen le positionne clairement comme un euro-compatible. Les marchés ont donc salué chaleureusement sa confirmation au pouvoir (qui reste toutefois soumise à l’approbation des adhérents du MS5), particulièrement maintenant qu’il travaille avec le PD, dont les convictions européennes sont claires, avec une forte baisse des taux souverains.

En moins d’un an, le 10 ans italien a perdu plus de 250bp, pour s’établir à 1% aujourd’hui. Il faut préciser que l’Espagne et le Portugal flirtent avec des taux nuls sur cette maturité. L’ampleur de la baisse des taux procure à l’Italie des taux réels négatifs sur toutes les échéances et donc une poussée progressive vers la baisse du ratio de dette sur PIB (provoquant un cercle vertueux dans la baisse des taux). En outre, la stabilité effective du gouvernement pourrait permettre la poursuite de ce mouvement dans les prochains mois. Comme cela a été le cas pour tous les souverains périphériques, la rationalité financière semble l’emporter contre les discours europhobes, un fait que l’on oublie pourtant à chaque poussée d’aversion au risque sur les marchés.