Le mois dernier, nous avions analysé dans ces pages («Les obligations convertibles et la disruption: mariés au premier regard!», 21/04/22) les critères qui permettent une disruption ou rupture (innovation / demande / soutien réglementaire) et nous avions proposé deux illustrations emblématiques récentes, le séquençage du génome et les véhicules électriques. Des sociétés de ces deux secteurs avaient utilisé des obligations convertibles pour financer leur développement.
Par Sébastien Caron, co-responsable du pôle Convertibles et Crédit
L’utilisation des obligations convertibles pour financer de grandes transformations n’est pas récente – elle a commencé il y a près de deux siècles -, et nous allons voir avec quelques exemples d’hier et d’aujourd’hui que ces ruptures sont également synonymes de progrès.
Les premières obligations ont été émises par des sociétés qui s’inscrivaient dans une rupture historique: celle de la révolution industrielle. Au XIXème siècle, la première révolution industrielle a été un facteur colossal de progrès: avant cette ère, plusieurs dizaines de générations étaient nécessaires pour constater un accroissement d’un tiers du niveau de vie. Depuis la première révolution industrielle, suivie par une seconde avec l’arrivée de l’électricité et par la révolution des technologies de l’information, cet accroissement d’un tiers du niveau de vie s’opère en moyenne sur une génération (source: Bank of England). Cette mesure, le PIB par tête, néglige de plus des effets difficiles à mesurer et qui pourtant améliorent fortement les conditions de vie, comme l’arrivée de l’eau courante dans les domiciles.
Le rail était un des quelques facteurs clé de la première révolution industrielle, et les premières obligations convertibles ont été émises pour financer des sociétés qui ont déployé le réseau ferroviaire aux Etats-Unis. Ont suivi d’autres sociétés industrielles, puis des sociétés qui ont développé le télégraphe et le téléphone.
Lors de la révolution des technologies de l’information, le marché des convertibles a été utilisé par Amazon dans les années 2000, ou Microsoft et Intel dans les années 2010. La révolution en cours de la transition énergétique, conséquence nécessaire des impacts négatifs des révolutions industrielles, a vu des émetteurs comme Neoen, Enphase Energy ou Voltalia utiliser le marché des convertibles.
Les sociétés qui s’inscrivent dans des ruptures font souvent appel aux obligations convertibles, afin de baisser leurs charges financières et de limiter la dilution pour les actionnaires. Nous avons la chance d’avoir dans ce gisement un choix très large de sociétés innovantes et dynamiques. Nous entrons aujourd’hui dans une ère de progrès médicaux permis par le développement des apps embarquées par les montres et bracelets intelligents.
Santé: thérapeutiques digitales permises par les apps
Des apps ont été développées en Europe et aux États-Unis pour accompagner les patients dans leur traitement. Dans un premier temps on a vu apparaître des apps qui agissent comme des infirmières électroniques, en rappelant au patient de prendre ses médicaments à l’heure, ou en mesurant leur taux de glycémie. Leur apport peut paraître modeste, mais il permet de réduire la baisse de discipline observée couramment quelques semaines après le début d’un traitement, même pour des pathologies graves. Il a ainsi été constaté qu’un an après un accident cardiaque, la plupart des patients cessent de prendre leurs médicaments. Ce phénomène est aggravé par le fait que certaines pathologies sont souvent accompagnées d’autres risques et donc de traitements complémentaires.
Certaines apps vont plus loin: elles guident par exemple un patient souffrant de diabète sur l’impact de son alimentation, des exercices physiques et de ses habitudes de sommeil sur son taux de glycémie. Des études ont montré que ces apps, couplées au traitement habituel du patient, peuvent conduire à une réduction de son taux de glycémie deux à quatre fois supérieure à celle obtenue avec les médicaments seuls.
Baywatch électronique
Un autre type de progrès consiste à prévenir les accidents. Il s’agit de suivre des paramètres vitaux qui sont des indicateurs précurseurs d’un risque, avant l’apparition de symptômes plus évidents, qui se manifestent souvent alors qu’il est déjà trop tard pour intervenir. Cela permet ainsi d’anticiper et de prendre des mesures, par exemple de provoquer des examens médicaux plus poussés auprès de professionnels de santé. Il existe ainsi des solutions qui détectent l’arythmie cardiaque avec un appareil technologique portable (montres intelligentes par exemple). Un quart des accidents cardiaques est due à une fibrillation et la plupart de ces accidents pourraient être évités si l’arythmie était détectée et un rendez-vous était pris avec un professionnel de santé. Dans les deux cas, ces mesures et ces alertes sont permises par ces appareils de technologie portable (source: the Economist).
Ces sujets ne sont pas seulement passionnants, ils correspondent à cette réalité : ces innovations sont abordables, correspondent à une demande forte, ils peuvent connaître un essor formidable en quelques années pourvu que le sujet éthique du traitement de données soit bien abordé par les régulateurs (les dérives potentielles sont en effet sérieuses, notamment celles concernant la protection des données), ce qui en retour donnera de la visibilité aux sociétés qui innovent; elles pourront alors développer des solutions, investir dans leur développement et la qualité de vie de nombreux patients sera améliorée, des vies seront même sauvées.
Progrès et attractivité financière font bon ménage
Les obligations convertibles ont ainsi été présentes pour accompagner la révolution industrielle et la révolution des technologies de l’information. Elles le sont aussi aujourd’hui sur des sujets clés de la transition énergétique et d’une nouvelle évolution de la santé avec les thérapeutiques digitales et portables, sujets auxquels il convient d’ajouter d’autres grandes transformations actuelles comme l’autonomie et la sécurité des véhicules ou l’automatisation dans l’industrie. Ce ne sont que quelques exemples. Ils ont un point commun : ils constituent chacun un progrès pour l’humanité. Dans le cas des progrès médicaux, c’est un effet visible et immédiat. Sur les autres exemples cités ici, ce progrès est plus diffus dans le temps, puisque l’un permettra une meilleure qualité de l’air que nous respirons, l’autre une baisse des accidents de la route et le dernier une évolution des conditions de travail vers une moindre pénibilité.
Si on s’intéresse plus particulièrement à l’autonomie des véhicules, on estime que les véhicules équipés de mécanismes d’alerte de collision et de freinage automatique permettront de réduire de 56% les accidents avec blessés (source: The New-York Times). L’attractivité de ces progrès, d’un point de vue social devrait naturellement s’accompagner d’une demande massive, dès lors qu’ils seront soutenus par une réglementation favorable (c’est d’ailleurs déjà le cas par exemple pour l’autonomisation des véhicules, avec une forte accélération cette année en Europe comme aux États-Unis). Ce sont donc selon nous des investissements qui seront fortement créateurs de valeur et les convertibles, avec leur gestion embarquée du risque de baisse, sont un véhicule intelligent pour les faire.
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