Aux Etats-Unis, depuis près d’un an, la question de l’augmentation des prix s’est peu à peu introduite dans les échanges des principaux acteurs économiques. Elle a d’abord pénétré les bureaux feutrés de la Fed, puis les conseils d’administration des entreprises.

Par Clément Inbona, fund manager et Olivier de Berranger, CIO

 

Clément Inbona
Clément Inbona, Fund Manager, LFDE

Ce sujet a fini par s’inviter à la table des ménages américains. Cette introduction inopinée s’est réalisée à juste titre, l’une des rares mesures phares disponibles à ce jour sur l’intégralité de l’année 2021 – le Consumer Price Index (CPI) – dévoile la hausse des prix à la consommation sur l’année 2021. Elle atteint 7,1% contre 1,3% l’année précédente, soit la plus forte hausse depuis près de 30 ans, mais également la plus forte accélération annuelle depuis près de 40 ans ! Un ajustement d’une telle violence, qu’il ne peut que provoquer quelques dommages ou bénéfices collatéraux.

Pour les salariés américains, c’est la douche froide. Malgré une hausse de 4,7% de leurs salaires hebdomadaires, que beaucoup d’Européens pourraient envier, le compte n’y est pas. Leur panier de consommation moyen a en effet vu son prix augmenter de 7,1%. En termes réels, il s’agit ainsi d’un appauvrissement relatif de -2,4%. Pour les étudiants ou les retraités, le constat est a priori un peu plus amer encore.

Olivier de Berranger
Olivier de Berranger, CIO

Même si la Fed a dans un premier temps considéré cet épisode de tension sur les prix comme «temporaire», l’institution a dû se résigner à abandonner cette qualification maladroite et se préparer à lutter frontalement contre ce phénomène, comme son mandat l’y oblige. Ainsi se prépare-t-elle à monter ses taux à 4 reprises cette année, en débutant dès mars prochain. La Banque centrale cessera de gonfler son bilan par des rachats d’actifs conjointement. Certains de ses membres envisagent déjà 5 hausses de taux en 2022, signe que la situation leur paraît urgente.

Pour les entreprises, si l’inflation impacte fortement leur base de coûts – les prix à la production ont augmenté de 9,7% en 2021 –, cela n’empêche pas un cru bénéficiaire exceptionnel. En attendant les résultats définitifs du quatrième trimestre qui seront dévoilés ces prochaines semaines, le consensus s’attend à un chiffre d’affaires pour les entreprises du S&P 500 en hausse de 12,5%. Un chiffre plus élevé que la hausse des prix de leurs intrants donc. Les bénéfices des entreprises devraient littéralement s’envoler, avec une croissance anticipée de 48,7%. Ce sont donc les grands gagnants du phénomène à ce stade. Avec tant de liquidités disponibles, les entreprises ont donc le loisir d’investir ou d’envisager des acquisitions stratégiques pour préparer l’avenir, ou encore de récompenser leurs actionnaires en distribuant des dividendes ou en rachetant leurs propres actions.

Jusqu’ici une boucle prix-profits semble avoir bel et bien avoir eu lieu. Mais l’inflation pourrait persister plus durablement, alimentée par le maintien d’un marché immobilier tendu ou par une vague de Covid paralysant l’usine du monde chinoise. Surtout, elle pourrait s’auto-alimenter par une hausse des salaires, des négociations salariales plus dures étant probables dans un contexte de rareté de la main d’œuvre. Autrement dit, après une boucle prix-profits, il s’agit bien d’une boucle prix-salaires qui risque de se concrétiser.

 

Rédaction achevée le 14.01.2022


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