Dix ans après la fin de la Grande Récession, on peut encore voir les traces de ce choc sur le marché du travail. Sur cette décennie, l’emploi a progressé plus vite que la population active (rattrapage post-crise) et les gains de productivité ont été médiocres. Sauf accident majeur, ces tendances pourraient se corriger sur la décennie future. Les projections des tendances de l’emploi faites par le BLS envisagent un rééquilibrage sectoriel: ralentissement de la productivité dans la tech et le secteur pétrolier depuis un haut niveau, rebond dans l’industrie. Les services à la personne resteraient les gros contributeurs à la hausse de l’emploi.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

C’est un exercice périlleux de faire des prévisions à dix ans, mais en se dégageant des aléas du cycle, on peut en tirer quelques éclairages intéressants. C’est le travail auquel se livre tous les deux ans le Bureau of Labor Statistics. Son dernier rapport pour la décennie 2018-2028 vient de paraitre1. On a résumé les détails chiffrés de l’étude dans le tableau ci-dessous. Voici les grandes leçons à en tirer.

Ralentissement de la croissance de l’emploi. Après un effondrement de 2008 à 2010, l’emploi a fortement rebondi, progressant de plus de 1.5% par sur les cinq dernières années. C’est un effet de rattrapage. Si l’on prend comme référence le pic pré-crise, la tendance est plus modeste. Le BLS prévoit que l’emploi devrait évoluer en ligne avec son rythme naturel (la population active) de 0.5% par an.

Accélération de la productivité. Sauf à revoir radicalement le potentiel de croissance (ce qui n’est pas l’hypothèse de l’étude), des gains de productivité plus élevés sont le pendant du freinage de l’emploi. Il est logique que les entreprises fassent peu d’effort de productivité quand la main-d’oeuvre disponible est très abondante, et vice-versa. Selon le BLS, le rebond serait très net dans l’industrie.

Freinage des secteurs dynamiques (technologie, pétrole). L’informatique, notamment les nouvelles technologies, et le secteur pétrolier, avec la révolution du shale, ont largement contribué à la croissance économique post-crise. Le BLS prévoit que ces secteurs resteraient dynamiques, mais à un rythme moindre. Leur contribution à la hausse de l’activité passerait de 19% sur la décennie passée à 11% sur la décennie future. En termes d’emplois, leur contribution était somme toute assez modeste, à 9% du total, et resterait presque inchangée.

Davantage d’emplois de services aux personnes. Dans les sociétés avancées et vieillissantes, la demande en éducation, santé et autres services (restauration, loisirs) est forte. Elle va le rester. Ces secteurs représentent environ un cinquième de l’emploi total, mais leur contribution à la hausse de l’emploi depuis 2008 a été 58%. Le BLS projette que cette part monterait à 63% dans la prochaine décennie.

US : emploi et production par secteurs d’activité de 2008 à 2018, et projections du BLS de 2018 à 2028

A suivre cette semaine

Les principaux chiffres sont des enquêtes de sentiment: confiance des directeurs d’achat hors du secteur manufacturier (PMI, ISM) le 5 novembre, confiance des consommateurs (Université du Michigan) le 8.

 


1. Voir BLS (2019), Projections overview and highlights, 2018–2028