Les marchés d’actions des EAU enregistrent des performances parmi les meilleures au monde depuis le début de l’année et le creux du mois de mars 2020. Explications.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Charles-Henry MoncheauLes Emirats, un des «gagnants» de la pandémie

Mars 2020. Il n’y a pas que la chaleur qui devient étouffante aux Emirats Arabes Unis. Une crise sans précédent s’abat sur ce riche pays de moins de 10 millions d’habitants. La pandémie du COVID-19 a cloué au sol les flottes impressionnantes des compagnies aériennes d’Emirates et de Etihad. Les hôtels grands luxes et «Malls» géants ferment leurs portes d’un même élan.

Quelques semaines plus tard, les cours de l’or noir s’effondrent, avec des effets dramatiques sur les dépenses budgétaires des pays du Golf, dont Abu Dhabi, 6ème producteur mondial de pétrole.

Une «double peine» qui risque alors de sonner le glas pour un marché immobilier à la peine depuis plusieurs années déjà, en raison d’une offre excédentaire de projets immobiliers et d’hôtels.

Mais 15 mois plus tard, les Emirats Arabes Unis semblent figurer parmi les «gagnants» de la pandémie. Cela fait déjà des mois que la vie est «presque» revenue à la normale grâce notamment à la très bonne gestion de la pandémie: dispositions sanitaires strictes (et respectées à la lettre) dont le port du masque, test PCR à grande échelle dans le pays mais aussi aux frontières (l’un des premiers pays à le faire), traçages réguliers du personnel dans de nombreuses sociétés, etc. Les Emirats ont également mis en œuvre une campagne de vaccination de masse très bien réussie. Ces mesures ont permis aux Emirats d’ouvrir leurs portes aux touristes dès le mois d’octobre 2020, au moment où de nombreux pays fermaient leurs frontières.

Résultats: pas de nouvelles vagues ou confinements. Dubaï est même devenu cet hiver une destination incontournable pour de très nombreux touristes. Plus de 200,000 voyageurs se sont rendus à Dubaï pour les fêtes de fin d’année, dont de nombreuses personnes pour la première fois. Des célébrités n’ont pas hésité à en faire sa promotion.

Certes, les aéroports de Dubaï et Abu Dhabi, véritables «hubs» de l’aviation, n’ont pas retrouvé les niveaux de trafic qui étaient les leurs avant la pandémie. Mais le rebond est là avec une hausse du niveau de carburant demandé par les compagnies aériennes en hausse de 40% par rapport à 2020.

En ce qui concerne la marche des affaires, le port commercial de Jebel Ali profite de la forte reprise des échanges mondiaux, avec un nombre de transactions enregistrées à fin avril en hausse de 70% par rapport à 2020.

Le Centre financier de Dubaï – le DIFC – enregistre ses meilleurs résultats depuis sa création il y a 16 ans avec une hausse de 20% des inscriptions au 1er trimestre 2021 (en glissement annuel).

Quant aux recettes liées au secteur de de l’énergie, elles sont bien supérieures aux prévisions du fait de l’embellie des cours du pétrole. Les dépenses gouvernementales ont de fortes répercussions sur l’économie des Emirats et la hausse des recettes permettent donc une certaine générosité budgétaire qui bénéficie directement à Abu Dhabi et indirectement à Dubaï, très visitée par ses voisins du Golfe (Arabie Saoudite, Kuweit, Iraq, Oman, Bahreïn, etc.)

A la surprise de nombreux observateurs, le marché immobilier est en pleine reprise. Le volume des ventes d’appartements et de villas de luxe progresse de 20% en glissement annuel et les prix sont en hausse pour la première fois en 6 ans.UAE

Et il ne s’agit pas que d’une reprise cyclique de la demande d’immobilier. En effet, les investisseurs reprennent confiance, saluant notamment des avancées géopolitiques ainsi que des réformes qui devraient pousser encore davantage de particuliers et d’entreprises à élire domicile à Dubaï ou dans d’autres Emirats.

Sur le plan géopolitique, citons par exemple la normalisation des relations avec Israël. Au mois de septembre, les Emirats ont signé les accords d’Abraham avec l’Etat hébreu. Ces accords incluent des relations diplomatiques et commerciales. Les relations se normalisent également avec le Qatar, pays avec lequel les Emirats étaient en froid depuis 2017.

Au mois de novembre, les Emirats ont introduit des réformes aussi bien sur le plan sociétal (possibilité pour les couples non-mariés de cohabiter, assouplissement des lois sur l’alcool, nouveaux types de visa, etc.) qu’au niveau économique (par exemple, les sociétés émiriennes peuvent désormais être détenues à 100% par des étrangers).

Forte reprise des marchés d’actions

Les marchés locaux ont intégré cette embellie et anticipent des jours encore meilleurs. En effet, l’indice S&P UAE Composite index (Total Return) est en hausse de 26% depuis le début de l’année. Si l’on se réfère au plus bas de mars 2020, cet indice est en hausse de 94%, une nette surperformance comparée à l’indice S&P 500 ou le MSCI Emerging Markets.

La hausse des prix de l’immobilier bénéficie aux entreprises de développement et aux banques – deux secteurs très fortement représentés dans l’indice des actions cotées au DFM de Dubaï (plus de 70% de l’indice S&P UAE contre moins de 30% pour l’indice d’Abu Dhabi). Les meilleures performances sont à mettre au crédit du leader immobilier Emaar Properties et de la banque Emirates NBD – deux titres dont les prix ont doublé depuis les plus bas du mois de mars 2020.

bourse Dubai

La faible valorisation des titres a également attiré les investisseurs «value». Même après cette forte hausse, l’indice de Dubaï DFM se traite sur des multiples de 21x les bénéfices des 12 derniers mois et de 13x les bénéfices attendus à un an. Les bénéfices des sociétés cotées à Dubaï devraient progresser de 65% en 2021 par rapport à l’année dernière.

A Abu Dhabi, le gouvernement a joué un rôle actif en améliorant la liquidité du marché et en aidant en 2020 à la restructuration de sociétés cotées telles que Aldar Properties (développement immobilier) ou Agthia Group (denrées alimentaires). On a également assisté à l’introduction en bourse de nouvelles sociétés quasi-gouvernementales telles que IHC Holding. Le cours de bourse de cette société active dans les secteurs industriels et de la santé a été multiplié par 10x depuis le début de l’année. Il s’agit désormais de la plus grande capitalisation boursière de l’indice (200 milliards de dirhams soit environ 55 milliards de dollar).

D’autres titres ont également contribué à la hausse de l’indice ADX d’Abu Dhabi (+34% depuis le début de l’année et +105% depuis les plus bas de mars 2020). First Abu Dhabi Bank – la 2ème plus importante capitalisation boursière – a bénéficié de flux étrangers importants (500 millions de dollar) en provenance de gérants répliquant l’indice MSCI Emerging Markets après que la société d’indice ait augmenté l’allocation à ce titre. Le titre de la société de télécommunications Etisalat a bénéficié également de flux acheteurs de l’étranger.

Le marché des actions des Emirats Arabes Unis reste un marché niche sur les pays émergents. Les volumes traités restent faibles – même en comparaison avec les standards des marchés émergents – et les bourses locales ne pèsent que très peu dans l’indice MSCI Emerging Markets. Les marchés locaux sont exposés de manière relativement importante à des facteurs – prix du pétrole, immobilier, taux d’intérêt, géopolitique – sur lesquels les investisseurs n’ont que peu d’emprise.

Cependant, après des années de sous-performance, les marchés d’actions aux Emirats pourraient bénéficier de vents plutôt favorables tels que la reprise de l’immobilier, un prix du baril plus élevé que prévu, des réformes structurelles, l’exposition universelle à Dubaï (EXPO 2020) ou encore la coupe du monde de football au Qatar. Dans un monde professionnel qui fait la part belle au travail à distance, les Emirats pourraient devenir une destination de choix pour de nombreux entrepreneurs, gérants de fonds, société de capital-risque, etc. Autant de développements macro-économiques qui devraient bénéficier aux titres actifs dans l’immobilier, la finance, les services et le tourisme.

Avec un ratio price-to-book de 1.2x, le marché se traite à un escompte d’environ 40% par rapport au reste des pays émergents. Le rendement moyen du dividende est proche de 4%.

Comment exposer son portefeuille aux marchés d’actions locales

Il n’existe que peu de possibilités pour investir en actions UAE. Certains brokers permettent d’investir dans les plus grandes capitalisations mais les clients doivent être en possession d’un NIN (National Identification Number) – un processus chronophage pour les intermédiaires financiers.

Parmi les grandes capitalisations citons IHC Holdings (IHC: ADX), Emaar Properties (EMAR : DFM), Emirates NBD (ENBD: DFM) et First Abu Dhabi Bank (FAB: ADX).

Il existe également quelques fonds ou ETFs mais tous ne sont pas accessibles aux investisseurs internationaux. Le iShares MSCI UAE (ticker: UAE US) s’échange sur le Nasdaq et a une capitalisation boursière de 21 millions de dollars. Les asset managers Emirates NBD, ADCB, FAB et Al Mal Capital gèrent des fonds ou mandats actifs sur la région.

 

NB : Il ne s’agit pas d’une recommandation d’investissement.

 

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