Avec 820 milliards d’euros d’actifs sous gestion au 31 mars 2021, DWS, filiale de la banque allemande Deutsche Bank, fait partie des principaux gérants d’actifs en Europe et dans le monde. La société de gestion fait l’objet de plusieurs enquêtes aux Etats-Unis et en Allemagne car elle aurait gonflé artificiellement les actifs gérés intégrant des critères ESG. Son dernier rapport annuel parle de 50% de ses encours, Quantalys a un ratio plus proche de 20%!

Par Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international

 

Quantalys - Jean-François BayAprès le Diesel Gate et VW, l’Allemagne est touchée par l’«ESG Gate» via le scandale déclenché par la société de gestion DWS. Souvenez-vous, le Diesel Gate était le scandale industriel et sanitaire lié à l’utilisation par le groupe Volkswagen, de 2009 à 2015, de différentes techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes. Cette fois-ci, c’est DWS qui fait l’objet d’enquêtes menées à la fois par la SEC, le régulateur américain des marchés, par des procureurs fédéraux à New York et également par la BaFin, le régulateur allemand, selon Bloomberg pour avoir gonflé artificiellement les actifs gérés intégrant des critères ESG.

En fait, Désirée Fixler, ancienne Global Sustainability Officer chez DWS, donc ancienne Responsable du développement durable de la société de gestion, accuse son ancien employeur d’avoir menti sur sa politique verte selon Les Echos. En fait, seule une fraction des encours gérés par le groupe prendrait en compte des critères ESG selon un document interne datant de février dernier. De plus, leur intégration dans les principales classes d’actifs des portefeuilles ne serait pas quantifiable ou vérifiable.

Dans son dernier rapport annuel sur l’exercice 2020, DWS indiquait que les encours ESG représentaient plus de 50% de ses 800 milliards d’euros sous gestion, à fin 2020. Aujourd’hui, le groupe financier affirme faire une «différence entre les «actifs sous gestion intégrés ESG» et les «actifs sous gestion ESG», appelés aussi «dédiés ESG». Ces derniers atteignaient seulement 70 milliards d’euros dans le rapport semestriel publié en juillet dernier, soit 8% environ des montants totaux!

Dans les bases de données Quantalys, on dénombre uniquement 47 fonds et ETF DWS sur un total de 404 fonds et ETF distribués en Europe et intégrant des critères ESG. Ceci représente 59 milliards € d’actifs gérés sur les 302 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Cela donne un ratio des fonds ISR de 20% des actifs sous gestion. A titre de comparaison, les sociétés de gestion comme Natixis IM, Robeco, BNP Paribas AM ou AXA IM dépassent aujourd’hui le ratio de 50% de leurs actifs intégrant des critères ESG.

Si on restreint l’univers des fonds ISR aux fonds les plus impactants, on dénombre 5 fonds DWS labellisés en Europe pour 6 milliards d’actifs gérés (soit 2% de l’univers, un chiffre très faible par rapport à ses concurrents) et 3 fonds DWS uniquement classés en Article 9 SFDR pour 1.5 milliards € (soit 0.50% sur total des AuM). Là encore, les sociétés de gestion concurrentes de DWS comme Amundi, BNP Paribas AM, Pictet, Robeco et même BlackRock dépassent allégrement le ratio de 25% de fonds ISR classés en Article 9 SFDR!

Après l’annonce de ces révélations initiées au départ par le Wall Street Journal, le cours de la société de gestion filiale de la Deutsche Bank s’est effondré en fin de semaine dernière de 15%. Et l’affaire risque de faire trembler l’industrie de la gestion financière et déclencher une série de révision de gamme de fonds pour certains gestionnaires d’actifs qui ont pu être tentés de faire gonfler leurs chiffres sur la gestion durable et responsable! Pas très responsable tout cela lorsque l’on sait que la finance durable est devenue le principal relais de croissance de l’industrie de l’Asset Management dans le monde. En effet, en Europe, selon notre dernier Observatoire de la Gestion ISR, depuis le début de l’année 2021, plus d’un euro sur deux collecté provient des fonds ISR!