«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers
Par Florian Ielpo, Head of Macro et Natalia Bucci, Co-Head of Convertible Bonds
En résumé:
- Le secteur des services est clairement l’exception de ce cycle post-Covid : les embauches y sont sans précédent.
- Ce rythme d’embauche reflète une industrie dont le taux de croissance de la productivité est anormalement bas : pour produire plus, il faut plus de bras.
- Les embauches massives ont probablement accru les effets multiplicateurs des plans fiscaux en engendrant un excès de demande à leur tour – et ce faisant, stimulant le niveau des prix.
Si l’est un mot que nos médias ont su relayer ces derniers mois, c’est celui de l’inflation. La croissance des prix était en 2021 le problème des marchés et elle est devenue celle du grand public en un rien de temps. Là ou lors des précédentes montées d’inflation l’arrivée du thème dans les médias grand-public marquait plus ou moins la fin de la problématique – rappelons-nous de l’inquiétante inflation de l’été 2008 ou bien encore du premier trimestre 2011 – cette fois-ci, il en va bien différemment. L’inflation est non seulement plus élevée qu’à l’habitude mais aussi plus persistante que jamais. Son caractère inhabituel interroge: quel facteur ou quelle combinaison de facteurs peut bien expliquer le coté exceptionnel de la situation? L’une des pistes de nos réflexions tient à l’industrie de services: celle-ci s’est considérablement nourrie des stimulus des 2020 et 2021, menant les services à connaitre une expansion tant en termes de production qu’en terme d’emploi. Non seulement ce choc de demande des services a su créer de l’inflation, mais il est intervenu dans un contexte de productivité anormalement faible: pour produire plus, il a fallu embaucher plus. Faible productivité et choc de demande ne font historiquement pas bon ménage et c’est la piste qu’on explore ici.
Une industrie des services en ébullition
L’un des éléments sur le plan macro qui distingue nettement la situation actuelle de la précédente décennie est clairement la situation de l’industrie des services. On en a déjà parlé dans les précédentes éditions de cette chronique, non seulement les services ont connu un essor économique fort une fois passée la réouverture post-Covid de nos économies, mais le secteur pour faire face à cette demande en forte expansion a su réagir rapidement en embauchant à un rythme jamais vu. La Figure 1 présente l’évolution sur long terme de la main d’œuvre employée par les secteurs des biens et des services. Coté biens, il conviendrait de retraiter la tendance de la perte d’emplois industriels jamais récupérée depuis la crise de 2008. Cependant, même en opérant cet ajustement, l’industrie des biens panserait encore ses plaies de 2020 à l’heure actuelle. Celle des services, elle, se porte au mieux: en l’espace de quelques trimestres elle a connu sa pire contraction et a quasi intégralement récupéré de cet effondrement en deux ans. Le rythme de cette récupération est à la mesure de la profondeur de la contraction, et il est essentiel d’en comprendre l’origine.
Faute de productivité, on embauche
La problématique des services est ainsi la suivante. Le secteur a été confronté à un choc de demande et pour y faire face a dû faire face à un autre problème : le secteur a vu sa productivité au cours de la précédente décennie s’effondrer. Les services ne sont pas un secteur dans lequel les gains de productivité sont particulièrement forts et encore moins élastiques. Nos estimations montrent une croissance de la productivité des services d’environ 0.9% sur très long terme (1960-2023). Cette croissance de la productivité s’est effondrée au cours de la précédente décennie à 0.3%, trois fois moins que sa tendance de long terme. C’est un problème structurel qui ne peut pas se régler à coup de dépense budgétaire ou de baisse de taux: la reprise de 2021-2022 a dû s’en contenter. La solution quand des gains de productivité ne sont pas possibles, c’est d’accroitre la quantité du facteur permettant de répondre à la demande: le travail. Sans surprise, une période telle que la période actuelle s’accompagne naturellement d’un large nombre d’embauches, puisque pour produire plus on ne peut qu’employer davantage de personnes. Ce n’est pas le cas de l’industrie des biens: sa productivité de la précédente décennie était plus faible mais depuis la reprise, cette productivité s’est rapidement redressée. Tout ceci apparait relativement clairement sur les graphiques présentés en Figure 2.
Source: LOIM, Bloomberg
Ce qu’il se passe quand la productivité des services est en berne
Les embauches dans le secteur des services sont donc fortes et une partie de l’explication de cette situation tient à la faible croissance de la productivité du secteur. Le problème avec cette situation c’est bien évidemment les effets boule de neige liés à cette situation : le stimulus fiscal de 2020-2021 a conduit à une explosion de l’emploi dans les services, et ces embauches ont à leur tour créer un surcroit de demande qui a su prolonger l’effet du choc de demande. La faiblesse de la productivité des services a ainsi joué le rôle d’un catalyseur dans cette réaction de nos économies aux mesures liées à la pandémie. Pour dire les choses de manière très économiques, la faible productivité semble avoir nourri le multiplicateur keynésien, et la synchronisation des plans dans l’hémisphère nord a limité la fuite des effets multiplicateurs vers l’étranger. La figure 1 compare la croissance de la productivité des secteurs des biens et des services à l’inflation. Autant la relation en 2010-2020 pour les services semblait de l’histoire ancienne, autant 2022-2023 a su retrouver la tendance de long terme, et tutoie désormais la séries de points appartenant à la fin des années 1970. Faible productivité = plus forte inflation, et nous en faisons à présent l’amère expérience. Nos banquiers centraux ont probablement vu juste en remontant les taux aussi fortement et aussi rapidement : il leur a fallu bien plus de temps pour réagir en 1970, avec les conséquences que l’on connait. Plus que jamais, observons l’industrie des services car c’est elle qui semble détenir la clef de l’énigme de l’inflation actuelle.
Pour dire les choses simplement, la faible de productivité des services a contraint le secteur à massivement embaucher, et cette embauche a mis le feu aux poudres de la demande et de l’inflation.
Macro/Nowcasting Corner
L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs nowcasting indiquent actuellement:
- Notre nowcaster de croissance reste faible pour l’instant. Seule la Chine montre encore des signes d’amélioration.
- Notre nowcaster d’inflation a légèrement baissé au cours de la semaine, les données de la zone euro continuant à suggérer que l’inflation devrait diminuer maintenant.
- Notre nowcaster de politique monétaire oscille entre 45% et 55%, augmentant légèrement cette semaine grâce à l’amélioration des données chinoises.
Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).
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