«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers
Par Florian Ielpo, Head of Macro et Graham Burnside, Trader, Fixed Income
En résumé:
- Les banques centrales devaient faire une pause ces prochains mois mais l’inflation semble plus visqueuse que prévu.
- Les marchés ont changé leur fusil d’épaule révisant leurs anticipations de taux rapidement – taux courts et taux long tout à la fois.
- Les marchés action prennent pour le moment la nouvelle avec une certaine désinvolture, les valeurs technologiques n’interrompant pas leur rallye pour autant – pour combien de temps?
L’année 2023 devait être relativement télégraphiée, par rapport à une année 2022 qui a pris l’ensemble des investisseurs à contre-pied. L’idée était simple: les banques centrales avaient dressé en 2022 un mur de taux pour protéger nos économies d’une vague d’inflation qu’on n’avait pas vu depuis les années 70. Ces montées de taux devaient générer un ralentissement rapide de la croissance économique sans pour autant plonger le monde dans une récession profonde – le scénario du «soft landing». Les investisseurs seraient restés prudents un certain temps, privilégiant les obligations pour profiter de la désinflation avant de se retourner vers des actions dont les valorisations seraient devenues plus alléchantes avec la revalorisation de la baisse nécessaire des résultats des entreprises, cette seconde étape survenant peut-être en fin d’année. Le fait que la Fed signale au cours de sa dernière réunion sa volonté d’entamer une pause était bien cohérent avec ce «narratif». Force est de constater que l’histoire de 2023 s’écrit bien autrement et la faute en incombe au «joli mois de mai» qui est venu avec une série de données démontrant que l’inflation était toujours là, et que la croissance (même aux Etats-Unis) restait résiliente. Disons-le franchement : quel banquier central ne verrait pas rouge? La porte est ouverte pour faire de cette pause une courte (voire très courte) halte. Et les marchés ont commencé à réagir à ce nouvel environnement – anatomie d’un mois pivot.
Des taux réels qui montent partout
Si un unique phénomène devait servir à décrire le mois de mai ce serait celui de la remontée des taux réels à long terme. Au cours du mois, les taux réels de long terme ont progressé significativement, et plus important encore, partout. Qu’il s’agisse des Etats-Unis ou ces taux ont progressé de 20 points de base, de la zone Euro avec 16 points de base ou plus impressionnant encore, de la Grande Bretagne avec des taux réels qui explose de 56 pdb, le constat est sans ambages – et c’est le message de la Figure 1 plus bas. Les taux réels ont progressé partout et ont couté une fois de plus de façon inattendue aux porteurs d’obligations un peu plus de 1% quand le cash rapportait autour de 40 points de base. L’exposition au facteur duration se trouvait ainsi une nouvelle fois tenu en échec alors que les actions se repliaient sur la même période: un petit arrière-gout de 2022. Mais voilà, cette remontée des taux réels apparaissait à un moment alors que la Fed expliquait au même moment à quel point elle se préparait à une marquer une pause dans son cycle de remontée des taux – pause que la plupart des investisseurs ont très vite confondu avec «fin». Depuis l’annonce de cette pause, les taux réels n’ont fait que remonter, à mesure que l’on découvrait que l’inflation semblait plus visqueuse que prévu. L’indicateur d’inflation préféré de la Fed, le «PCE» était ainsi publié à 4.7% contre 4.6% le mois précédent et l’indicateur global lui-même sortait à 4.4% contre 4.2% le mois précédent. Comment la Fed gère-t-elle la situation?
La politique monétaire sur le devant de la scène
La communication de la Fed a ainsi très vite évolué face au constat d’une inflation qui reste trop forte. Si le 5 mai (soit deux jours après le meeting de la Fed annonçant la pause) les marchés anticipaient qu’en décembre 2023 la Fed aurait déjà baissé ses taux 4 fois (de 100 points de base en tout), cette anticipation a progressivement été révisée à la hausse. A la fin du mois de mai, le marché ne s’attendait plus à voir une seule baisse de taux pour décembre 2023: la messe d’un pivot é venir était dite. Plus intéressant encore, si les marchés anticipaient qu’une hausse de taux n’avait quasiment aucune chance de se produire en juin ou en juillet, cette probabilité a été considérablement révisée à la hause au cours du mois. Après la publication du «PCE deflator», elle atteignait 60% pour le mois de juillet 2023 (voir Figure 3). La pause aura été de très courte durée et les différents «speakers» de la Fed ont organisé cette communication de façon à géré le principal capital de la Fed: sa crédibilité.
Un marché peu concerné
Si la nouvelle de hausses de taux inattendues avait fait grand bruit en 2022, faisant plonger les actions dites de «croissance» et poussant les investisseurs à leur préféré les actions dites «value», le mois de mai a vu un «price action» bien différent. Comme le montre la Figure 4, au fur et à mesure de 2022, les marchés avaient commencé à prendre leur distance vis-à-vis de l’importance de cette remontée de taux réels. La Figure 4 montre ainsi que les actions «value» continuaient à surperformer les actions croissance lorsque les taux réels montaient mais que leur réponse s’est peu-à-peu réduite, laissant un grand fossé entre les deux indicateurs. Aujourd’hui la situation est plus frappante encore. Non seulement ce gap est là, mais la rotation s’est inversée: les hausses de taux réels conduisent en mai les actions de croissance à surperformer les actions «value». L’inversion de cette relation – la «NVIDIAsation» du marché action doit pousser les investisseurs à s’interroger sur la durabilité de cette situation. Pour le moment un double constat s’impose: l’inflation est plus persistante que prévu et la pause risque d’être de courte durée. Le marché action prend la nouvelle avec une certaine désinvolture qui doit nous inciter à la prudence.
Pour dire les choses simplement, la pause de la Fed risque d’être repoussée – c’est la viscosité de l’inflation en décidera.
Macro/Nowcasting Corner
L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs nowcasting indiquent actuellement :
- Notre indicateur de croissance a reculé cette semaine, principalement du fait des enquêtes de la Fed qui ont atteint des niveaux plus bas et parce que la situation en Chine a montré des signes de détérioration. La croissance mondiale reste faible et se détériore actuellement.
- La situation de l’inflation a montré quelques variations récemment : de faibles et déclinantes, les pressions inflationnistes sont devenues « faibles et stables » – la pause de la Fed a beaucoup de sens de ce point de vue.
- Notre indicateur de politique monétaire continue d’indiquer une certaine modération de la part de nos banques centrales, conformément à leur communication concernant leur pause. Comme nous l’avons expliqué plus haut, la prudence reste de mise pour l’instant, compte tenu de l’inflation plutôt persistante.
Source : Bloomberg, LOIM
Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).
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