La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.
Au fil des semaines, l’optimisme sur le conflit commercial sino-américain se renforce, participant à la réduction de la prime de risque et à la hausse des marchés. Des rumeurs indiquent qu’un accord serait désormais proche, qui permettrait la levée des sanctions américaines. Il satisferait les demandes portant sur les transferts forcés de technologie, la protection de la propriété intellectuelle, l’ouverture des marchés agricoles, des services, les barrières non-douanières, l’évolution des changes et la réduction du déficit bilatéral. Sur ce dernier point, il serait question de son élimination totale à l’issue d’une période de 6 ans. L’objectif est considérable, ce déficit ayant atteint 380Mds l’année dernière, et sa mise en oeuvre entrainera des perturbations importantes sur les échanges commerciaux et les flux de capitaux à l’échelle mondiale.
Compte tenu de la forte demande américaine pour les produits chinois (avec peu de substituts domestiques) et de l’objectif de la Chine de maintenir les débouchés de son industrie, la réduction du déficit ne reposerait que sur une hausse des achats chinois de produits américains. Or, celle-ci ne peut s’obtenir que par la combinaison: -d’une hausse de la demande domestique, satisfaite par des produits américains et/ou, -d’une substitution d’importations hors US par des produits américains.
La première des deux méthodes est une perspective a priori assez prometteuse, puisqu’elle représenterait une relance importante à l’échelle globale. Elle nécessiterait d’être financée par des mesures budgétaires (hausse de la demande publique) ou monétaires (stimulation la demande privée). La hausse de la demande chinoise sera un facteur de relance aux US mais risque, avec le peu de capacités productives excédentaires, de faire repartir l’inflation et le resserrement de la Fed (et accessoirement ses importations).
Du coté chinois, il n’y aurait pas d’effet de relance économique (il n’y aurait que maintien des ventes aux US) mais une hausse notable de l’endettement, alors que celui-ci progresse déjà rapidement. La hausse des achats se traduira sur la balance courante, ce qui devra être compensé, soit -par une baisse des investissements chinois à l’étranger, soit -par une hausse des investissements étrangers en Chine, soit -par une baisse des réserves de change. On voit que ces trois options poseront des problèmes aux chinois. En outre, pour que la demande excédentaire ne s’adresse qu’à des produits américains, il faudra introduire des distorsions de concurrence qui feront grincer des dents les autres partenaires.
La seconde des deux possibilités serait une baisse à due concurrence des achats chinois au reste du monde. Les économies et les produits les plus logiquement concernés seraient, selon nous: -l’UE (aviation, automobile et biens d’équipement), -le Japon (autos, biens d’équipement et semiconducteurs), -les émergents asiatiques (semiconducteurs et biens d’équipement), -le Brésil (soja et énergie) et -les pays exportateurs de pétrole. Si les montants de substitution atteints sont bien ceux annoncés, les effets collatéraux sur le reste du monde ne manqueraient pas de déclencher des réactions de défense, qui réduiraient l’intérêt de la Chine pour l’opération. On assisterait ainsi à un déplacement du conflit commercial, qui se jouerait finalement indirectement entre les US d’une part et l’UE et le Japon de l’autre, ces deux groupes se positionnant sur des gammes comparables.
Pour résumer, un plan comme celui évoqué par la presse aurait des effets bénéfiques sur la confiance (effets qui sont déjà en grande partie dans les prix des actifs), sur la demande chinoise mais il pourrait peser sur la stabilité financière, via l’endettement chinois, sur le cycle de resserrement américain (qui est heureusement au point mort aujourd’hui) et déplacerait les tensions commerciales vers les autres partenaires de la Chine.