Afin de fêter dignement Halloween, Anthony Doyle, Directeur des investissements au sein de l’équipe obligataire de M&G vous présente quelques-uns des graphiques financiers les plus effrayants

Les marchés financiers ont été remarquablement résistants au cours de l’année 2017. Bien sûr, l’environnement géopolitique a été émaillé de quelques journées alarmantes qui ont entraîné des ventes massives, mais dans l’ensemble, la volatilité a été faible et la plupart des classes d’actifs ont généré de solides performances totales. Cela dit, n’importe quel fan de films d’horreur vous expliquera que les moments les plus angoissants de ce genre cinématographique ont lieu quand les choses semblent relativement calmes. Dans cet esprit, voici quelques graphiques qui mettent en lumière un certain nombre de menaces qui pointent sous la surface de l’économie mondiale.

  1. La dette est un animal qui ne peut pas être apprivoisé

Dans les économies avancées du G20, le ratio dette/PIB a augmenté régulièrement au cours de la dernière décennie et s’élève désormais à plus de 260 % du PIB, soit 135 000 milliards de dollars : 135 000 000 000 000 de dollars… C’est énorme, et bien qu’il soit vrai que cette dette représente un actif inscrit sur un autre bilan, il est indéniable que les gouvernements, les entreprises, et les ménages n’ont jamais autant vécu au-dessus de leurs moyens. C’est pour cette raison que les taux d’intérêt des économies avancées sont aussi bas, et qu’ils ont peu de chances de revenir aux niveaux observés avant la crise financière de 2008. Pour les investisseurs,, cela signifie qu’il va falloir prendre davantage de risques pour obtenir des performances positives après inflation.

  1. L’assouplissement quantitatif de la BCE a soutenu les marchés d’emprunts d’Etat

La vigueur de l’économie européenne et les signes d’amélioration du marché de l’emploi dans l’ensemble de la zone euro ont constitué la bonne surprise de l’année 2017. Il est indéniable que la BCE, via son programme d’assouplissement quantitatif (QE) a joué un rôle majeur dans l’embellie économique constatée jusque-là. De nombreux observateurs font valoir que la chute des rendements obligataires des pays périphériques est un signe que la crise de la dette souveraine en zone euro est bel et bien révolue. La question est de savoir si cette baisse des rendements est la conséquence d’une plus grande confiance dans la capacité des pays de la zone euro à rembourser leur dette, ou si elle résulte simplement des achats d’actifs auxquels la BCE a procédé depuis le début du programme de QE. Le graphique ci-dessus, publié dans le dernier Rapport sur la Stabilité Financière Mondiale du FMI, montre que les achats officiels de dettes de la zone euro ont éclipsé les émissions nettes depuis mai 2015. En effet, les achats de la BCE au titre du QE représentent actuellement 7 fois le montant des émissions nettes. Dans ce contexte, doit-on s’étonner que les rendements aient baissé, et que va-t-il se passer quand la BCE va essayer de fermer le robinet de ces liquidités abondantes ?

  1. Les investisseurs se sont rués comme un seul homme sur les actifs risqués

La politique accommodante de la banque centrale a encouragé les investisseurs à détenir des actifs de plus en plus risqués. Même si on peut appeler ce phénomène un « rebalancement de portefeuille », et bien que les banques centrales considèrent que cela va les aider à relancer l’inflation, cette tendance peut aussi présenter un risque important pour le système financier mondial. Aux Etats-Unis et en Europe, les encours des fonds investis sur les marchés à haut rendement ont considérablement progressé. Du côté des marchés émergents, des politiques monétaires accommodantes de grande ampleur ont dirigé une partie importante des actifs vers ces économies. Les estimations du FMI indiquent que depuis 2010 environ 260 milliards de dollars d’actifs détenus en portefeuille peuvent être attribués au programme d’assouplissement quantitatif de la Fed.

Un regain d’aversion au risque ou toute forme de choc externe (comme l’effondrement du prix du pétrole en 2014) poseraient un sérieux problème à la performance des investissements dans les classes d’actifs risquées telles que les marchés émergents et les obligations à haut rendement. Si les investisseurs cherchaient à sortir de ces marchés, cela pourrait déclencher des ventes d’actifs risqués et moins liquides détenus dans des fonds, ce qui entraînerait des baisses de prix significatives. Le rythme très progressif de la normalisation des politiques monétaires pourrait être aggraver ces risques, le maintien d’une faible volatilité et de rendements bas encourageant les investisseurs à augmenter leur exposition au risque de crédit, la duration et l’effet de levier financier.

  1. Malgré de faibles taux de chômage, les salaires n’augmentent pas sensiblement et la productivité reste basse

Une croissance des salaires à peine perceptible, malgré de faibles taux de chômage, est un signe de la baisse du pouvoir des travailleurs à fixer les prix comme facteur de production. C’est un problème, car les marchés du travail ont toujours été considérés comme essentiels pour l’inflation, la hausse des salaires conduisant généralement à une augmentation des coûts de production, ce qui à son tour entraîne une hausse de l’inflation.

Pour la première fois, les banquiers centraux comme Mario Draghi et Haruhiko Kuroda ont appelé les syndicats à intensifier leurs exigences salariales, Draghi allant jusqu’à déclarer que les salaires sont le « principal moteur de l’inflation ».

Plus les travailleurs sont en mesure d’augmenter leur pouvoir de fixation des prix, plus les revendications salariales ont de chances d’être acceptées par les entreprises. Malheureusement les salariés à revenus faibles et moyens des économies du G7 ont vu leur pouvoir de fixation des prix chuter depuis le début des années 1990. Le déclin des taux de densité et de couverture syndicales, combiné à une baisse de la protection de l’emploi, a fragilisé la capacité des salariés à négocier des augmentations. À moins que les employés ne commencent à exiger de meilleures rémunérations, il est probable qu’ils continuent à subir une baisse des salaires réels. Cela a été le cas au Royaume-Uni : les coûts unitaires de main-d’œuvre et l’inflation ont respectivement progressé de 16 % et 25 % depuis 2008.

  1. Vous avez bien sûr droit à un graphique sur le Brexit

Si l’on en croit les articles quotidiens de la presse britannique, les négociations entre le Royaume-Uni et l’Europe n’ont pas l’air de bien avancer. Pour mettre en évidence l’ampleur du défi auquel le Royaume-Uni est confronté, ce graphique présente la part des différents types d’accords d’échange dans le commerce britannique total.

Selon Bruegel, environ 51 % des échanges britanniques sont aujourd’hui réalisés avec l’UE, 4 % avec des pays qui sont dans l’EEE ou qui ont noué un accord d’union douanière, et 9 % en vertu d’accords commerciaux préférentiels avec l’UE (« ACP »). 21 % des échanges sont réalisés avec des pays qui sont en train de négocier un ACP.

En mars 2019, à moins qu’une forme d’accord soit trouvée, le Royaume-Uni devra renégocier des accords d’échange avec la plupart de ses partenaires commerciaux. Cela représenterait un défi majeur car les accords d’échange complexes ne sont pas faciles à négocier et prennent souvent des années avant d’être signés. Si le Royaume-Uni se retrouve en dehors du marché unique et de l’union douanière de l’UE, des barrières commerciales tant tarifaires que non tarifaires (telles que des quotas, des embargos, ou des taxes) sont susceptibles d’être mises en place avec ses principaux partenaires commerciaux européens. Certains secteurs et certaines entreprises pourraient être confrontés à un accès beaucoup plus restreint au marché européen, ce qui constituerait un frein considérable à la croissance à court terme de l’économie britannique.