Brice Prunas et Maxence Radjabi, co-gérants du nouveau fonds ODDO BHF Artificial Intelligence, sont convaincus d’avoir créé un processus d’investissement jusqu’ici unique en son genre.
Avec le fonds ODDO BHF Artificial Intelligence, lancé à la mi-décembre 2018, la société de gestion franco-allemande ODDO BHF Asset Management a créé, selon ses propres déclarations, la toute première solution thématique investie dans l’intelligence artificielle (IA) et exploitant cette même notion dans son processus d’investissement. Les explications de Brice Prunas et Maxence Radjabi, les co-gérants du fonds.
Le concept d’intelligence artificielle peut répondre à différentes définitions. Que désigne-t-il pour vous?
Brice Prunas : Même si jusqu’à présent, il n’existe pas de définition unique de l’intelligence artificielle, l’IA est déjà à la base de nombreuses technologies courantes. Songez par exemple aux algorithmes des moteurs de recherche Internet, aux technologies du cloud ou aux véhicules sans conducteurs. Nous distinguons actuellement cinq principaux domaines d’application de l’IA: le Big Data, l’automatisation, l’apprentissage-machine, le Deep Learning et l’informatique cognitive. Ce qui rend ce thème intéressant dans le cadre de l’investissement, c’est le fait qu’il se produit actuellement sous nos yeux une sorte de révolution silencieuse, qui devrait transformer tous les aspects de la société et de l’économie. C’est pourquoi, avec ce nouveau fonds, notre objectif premier est d’identifier les entreprises les plus liées au thème de l’intelligence artificielle.
Pourtant, il existe déjà de nombreux fonds qui se réclament de ce thème d’investissement. En quoi votre approche se distingue-t-elle de la concurrence?
Brice Prunas : Je pense qu’on peut affirmer que nous offrons une vraie innovation dans le secteur de la gestion d’actifs. À mon avis, nous avons mis au point un processus d’investissement unique qui unit de manière prometteuse le thème de l’intelligence artificielle avec un savoir-faire en de gestion quantitative d’actions développé en interne pendant de longues années. Pour créer de l’alpha à long terme, nous ne faisons pas que miser sur le thème désormais très attractif de l’intelligence artificielle: nous nous servons précisément de l’IA dans notre processus d’investissement pour sélectionner les valeurs les plus intéressantes au regard de ce concept.
Comment cela se reflète-t-il dans la pratique?
Maxence Radjabi : Nous suivons un processus en trois étapes, qui combine à la fois le thème de l’intelligence artificielle et des analyses, quantitative et fondamentale. Nous commençons par rechercher les actions les plus intéressantes et qui entretiennent le plus de liens possible avec le thème de l’IA dans l’univers mondial. Pour cela, nous avons recours à une expertise spécialisée dans la science des données. D’énormes quantités de données sont analysées afin de réduire l’univers d’investissement de notre fonds à environ 300 actions. Nous procédons ensuite à une évaluation quantitative basée sur les indicateurs financiers et les paramètres de risque pour restreindre encore une fois cet univers à environ 60 actions. Pour finir, le portefeuille est soumis à un examen qualitatif final de la part des gérants du fonds, en vue d’identifier à temps d’éventuelles incohérences.
Lorsque vous parlez «d’énormes quantités de données», que voulez-vous dire exactement?
Brice Prunas : Nous disposons d’un algorithme exclusif, développé en interne, qui passe au crible plus de quatre millions de jeux de données par jour. Cet outil filtre les entreprises les plus attractives et les plus robustes en lien avec le thème de l’IA, sur la base de critères de sémantique et de sentiment, à partir de différentes sources d’information rassemblées par Bloomberg. Nous sommes en capacité d’analyser les tendances de sentiments sur les entreprises étudiées; ce qui s’avère avoir une composante prédictive assez bénéfique en termes de génération d’alpha. En étudiant la sémantique précise en lien avec ce thème, comme par exemple les propos tenus en public par un PDG au sujet de son entreprise, nous pouvons déduire la probabilité d’évolutions futures.
Concrètement, quels indicateurs financiers et paramètres de risque analysez-vous?
Maxence Radjabi : Nous employons notre propre modèle quantitatif, «Algo 4», qui fait ses preuves depuis déjà plus de dix ans dans les mandats de gestion quantitative d’actions de ODDO BHF Asset Management. Pour chaque action, nous analysons non seulement des facteurs comme la valorisation et la qualité, ou encore le «momentum» et la capitalisation de marché, mais aussi différents ratios de risque, afin de réduire la volatilité et la perte maximale au sein du portefeuille.
L’examen fondamental final sert-il à éviter d’éventuels «accidents»?
Maxence Radjabi : Cet examen ne nous sert pas seulement à faire en sorte d’éviter le plus possible ces «accidents», comme vous les appelez. Nous considérons que l’analyse qualitative offre aussi un bon moyen d’approfondir notre connaissance fondamentale des entreprises sélectionnées, en particulier avec des visites. De plus, nous cherchons à pondérer de manière égale les 60 entreprises environ qui composent le portefeuille : de cette manière, en cas d’accident, un seul investissement ne doit pas empêcher le fonds d’atteindre une performance globalement positive. Cet objectif serait difficile à atteindre si le fonds était beaucoup plus concentré.
Vu l’importance des États-Unis dans le thème de l’IA, on comprend facilement pourquoi le fonds investit presque les deux tiers de son actif en actions américaines. Mais pourquoi une si faible exposition aux actions chinoises alors que la Chine est le 2ème plus grand marché de l’IA?
Brice Prunas : C’est avant tout lié à des raisons pratiques. Il est vrai qu’il existe de nombreuses entreprises chinoises intéressantes qui sont actives dans le segment de l’intelligence artificielle. Seulement, la plupart d’entre elles ne sont pas encore cotées en bourse. Nous ne pouvons pas nous y exposer, car le fonds a sciemment choisi de ne pas investir dans le Private Equity.
En termes de performances, à quoi peut-on s’attendre?
Maxence Radjabi : Bien sûr, il est encore beaucoup trop tôt pour juger vraiment de notre performance. Mais depuis son lancement il y a seulement quelques mois, le fonds a déjà atteint un résultat satisfaisant. Cela est principalement lié au fait qu’il soit investi à hauteur de 30% environ dans des petites et moyennes capitalisations. Beaucoup d’entre elles passent pour ainsi dire au travers du radar de nombreux autres gérants, alors qu’elles offrent un potentiel de croissance beaucoup plus élevé qu’un grand nombre de grosses entreprises.
Compte tenu des progrès de l’intelligence artificielle, ne craignez-vous pas qu’un jour, le rôle de gérant de fonds ne devienne obsolète?
Brice Prunas : Cela n’arrivera pas avant longtemps. Le facteur humain est encore loin d’être superflu dans le domaine de la gestion de fonds.