Les mauvaises nouvelles économiques pourraient tourner à l’avantage des actions chinoises si le risque croissant de déflation incite les autorités à prendre des mesures budgétaires et monétaires plus agressives.

Par David Rees, Économiste senior spécialiste des marchés émergents

 

David Rees
David Rees

Les investisseurs sont à l’affût d’un catalyseur qui déclencherait un rebond des actions chinoises. Même si nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance, il est peu probable que l’amélioration marginale des données sur l’activité entraîne un rebond majeur. Au lieu de cela, l’élément déclencheur est plus susceptible de provenir d’un changement de cap dans la définition des politiques. À cet égard, même si l’Assemblée nationale populaire n’a pas suscité d’enthousiasme cette semaine, les mauvaises nouvelles pourraient finir par devenir un avantage si le risque croissant de déflation oblige Pékin à passer à l’action.

En ce début d’année, nous nous attendions à ce que l’économie chinoise connaisse une légère accélération de sa croissance au premier semestre. L’amélioration des exportations de produits manufacturés et les effets d’un assouplissement de la politique monétaire autorisaient à anticiper cette tendance. Toutefois, cette embellie ne nous semblait pas devoir durer longtemps, dans la mesure où il était peu probable qu’une croissance mondiale ralentie puisse soutenir un cycle d’exportation solide, et où les mesures de soutien étaient relativement limitées.

Solidité à l’extérieur, fragilité à l’intérieur

Notre opinion de l’été dernier selon laquelle une reprise du cycle manufacturier mondial soutiendrait les exportations chinoises commence à être largement partagée après la récente flambée des indices PMI manufacturiers. Plusieurs indicateurs avancés confirment désormais que les exportations nominales de la Chine atteindront une croissance d’environ 15% en glissement annuel d’ici la mi-2024. Les exportations chinoises ont certes bien démarré 2024, avec une croissance en janvier et février nettement plus forte que prévu à 7,1% en glissement annuel. Les données de janvier et de février sont présentées conjointement pour tenir compte des variations liées à la période des fêtes du Nouvel An lunaire.

Dans le même temps, nous avons nettement revu à la hausse notre prévision de croissance mondiale, en particulier aux États-Unis où la consommation est solide. Cela signifie que la demande finale sera suffisamment robuste pour soutenir une augmentation des exportations plus importante que nous ne l’avions prévu auparavant. Les entreprises chinoises semblent devoir réduire leurs prix pour écouler la production, les exportations progressant beaucoup plus rapidement lorsqu’elles sont mesurées en volume plutôt qu’en valeur. Mais bien que cela soit préoccupant pour les marges des producteurs, c’est une bonne nouvelle pour la croissance du PIB réel. Ainsi, alors que les échanges commerciaux nets ont soustrait environ 1 point de pourcentage à la croissance du PIB au cours de l’année écoulée, ils devraient apporter une contribution positive équivalente dans les mois à venir.

2024.03.22.Expenditures

Toutefois, la situation intérieure reste fragile. L’impulsion du crédit s’est améliorée ces derniers mois grâce aux émissions d’emprunts d’État, l’assouplissement de la politique budgétaire commençant à se faire sentir dans les statistiques. Le mauvais état des finances des collectivités locales laisse penser que ce soutien budgétaire sera moins efficace que par le passé. Mais l’histoire montre que l’impulsion du crédit précède généralement l’activité de neuf mois, ce qui est de bon augure pour les mois à venir. Le problème est que les mesures de relance ont jusqu’à présent été fragmentaires et que l’Assemblée nationale populaire n’a annoncé qu’un léger assouplissement supplémentaire de la politique budgétaire cette année. Par conséquent, ce soutien à la croissance devrait s’estomper plus tard dans l’année, mettant en évidence la faiblesse de la demande de crédit du secteur privé.

2024.03.22.Credit impulse

La faiblesse de la demande de crédit du secteur privé s’explique par la crise actuelle du marché immobilier. Les acheteurs de logements étant préoccupés par la baisse des prix, encore incertains quant à la livraison des projets en cours et dissuadés d’acheter des biens immobiliers à des fins d’investissement, la demande de crédit s’est considérablement affaiblie. Les émissions d’obligations d’entreprise ont diminué, les promoteurs immobiliers ayant rencontré des difficultés. Dans le même temps, les prêts bancaires ont progressé de 10,4% sur un an en janvier, soit leur croissance la plus faible depuis près de deux décennies, et parmi ces encours, les prêts à moyen et long terme aux ménages, assimilables à des prêts hypothécaires, n’ont augmenté que de 1,9%.

Manque de demande de crédit

En février, la baisse de 25 points de base, la plus forte en deux décennies, du taux préférentiel des prêts à cinq ans, taux utilisé pour les prêts hypothécaires, pourrait stimuler légèrement les achats de logements. Mais il est peu probable qu’elle soit la solution pour résoudre le casse-tête de la faiblesse de la demande de crédit. Après tout, le lien entre la baisse des taux d’intérêt à long terme et l’accélération de la croissance du crédit s’est complètement rompu en raison de l’impact de la politique restrictive du gouvernement sur le marché du logement et des achats spéculatifs de biens immobiliers. Ce n’est pas tant le coût du crédit qui semble freiner la croissance des prêts à ce stade, mais plutôt le manque de demande d’emprunt.

2024.03.22.Interest rates

Dans ce contexte, les révisions à la hausse de nos prévisions de croissance restent modestes et nous pensons qu’un assouplissement supplémentaire serait nécessaire pour atteindre confortablement l’objectif du gouvernement d’une croissance «d’environ 5%» cette année. Nous prévoyons désormais une croissance du PIB de 4,8% cette année et de 4,5% en 2025, contre 4,5% et 4,3% respectivement auparavant.

La déflation reste préoccupante

La morosité de la situation intérieure soulève des interrogations non seulement quant à la pérennité d’une reprise de la croissance, mais aussi sur la capacité de la Chine à continuer à lutter contre la déflation. Au cours des deux dernières années, l’inflation globale a constamment été inférieure à nos prévisions. Il est vrai que cela s’explique en grande partie par les effets des prix alimentaires, en particulier du porc, qui ont été difficiles à prévoir avec précision. En janvier, l’inflation a reculé de 0,8% sur un an, soit la plus forte baisse depuis plus de dix ans. Il faut toutefois tenir compte du fait que le Nouvel An est tombé en février cette année, alors qu’il avait eu lieu en janvier en 2023. Mais dans l’ensemble, au-delà de toutes ces distorsions, l’inflation sous-jacente est orientée à la baisse depuis 2017/2018 et s’est établie en moyenne à environ 0,5% en glissement annuel au cours des six derniers mois.

2024.03.22.Core inflation

Il est utile d’examiner l’évolution des prix à la consommation d’un mois sur l’autre pour déceler des signes de déflation pure et simple. Malheureusement, ces chiffres ne sont pas corrigés des variations saisonnières, ce qui les rend vulnérables à d’importantes fluctuations, en particulier lors d’événements majeurs tels que les fêtes du Nouvel An. Afin d’y remédier, nous avons nous-mêmes corrigé des variations saisonnières et, reconnaissant qu’il est peu probable que cela soit parfait, nous avons analysé la moyenne sur trois mois des variations mensuelles jusqu’en janvier.

Les données montrent que les prix des matières premières exercent toujours des pressions déflationnistes sur l’économie, plusieurs composantes alimentaires affichant des baisses mensuelles, ainsi que certains secteurs liés à l’énergie comme les carburants automobiles et les services aux collectivités. La baisse des prix des appareils électroménagers est également logique compte tenu de la faiblesse de l’activité dans le secteur immobilier, tandis que certains secteurs des services comme les communications et les équipements de transport ont vu leurs prix chuter.

2024.03.22.China CPI

La crainte est que, dans un contexte de faiblesse de la demande intérieure et de preuves anecdotiques de faiblesse du marché du travail et de baisse des salaires nominaux, l’inflation soit freinée par une poignée de secteurs des services. Ceci apparaît clairement si l’on exclut les hausses de prix des composants alimentaires volatils. Des politiques telles que la «prospérité commune» impliquent que les soins de santé et l’éducation (le secteur éducatif privé a fait l’objet de mesures restrictives sévères) ne constitueront probablement pas une source durable d’inflation à l’avenir. L’effondrement et l’excès d’offre sur le marché immobilier suggèrent que les composantes équipements ménagers, services et loyers ne devraient pas non plus être inflationnistes.

Les autorités s’inquiètent d’une spirale déflationniste semblable à celle du Japon

Cette conjoncture semble placer la Chine dans la position précaire de compter sur la culture, les loisirs et le tourisme pour maintenir les prix à la hausse, et il y a clairement un risque que le pouvoir de fixation des prix dans ces secteurs commence également à s’estomper. Par exemple, au cours des congés du Nouvel An lunaire cette année, alors que le nombre de voyageurs et l’activité globale ont augmenté par rapport aux niveaux de 2019, les dépenses par habitant ont diminué, ce qui indique que les individus continuent de se restreindre.

Il est difficile de trouver des indicateurs avancés fiables de l’inflation des services en Chine. Une moyenne pondérée des prix à la production des indices PMI NBS non manufacturier et Caixin des services a historiquement donné une indication des futurs points d’inflexion de l’inflation des services, mais pas du taux de variation absolu. À cet égard, la récente baisse des prix à la production est préoccupante et nous surveillerons toute nouvelle baisse dans les prochains rapports PMI.

2024.03.22.Services inflation

De toute évidence, les autorités chinoises s’inquiètent du risque de sombrer dans une spirale dette-déflation semblable à celle du Japon. Les prévisions d’inflation de 3% du gouvernement pour cette année semblent extrêmement optimistes. En effet, nous avons réduit notre prévision d’inflation globale cette année à seulement 0,2%. À ce faible niveau, notre prévision suggère que le suivi de la probabilité d’une déflation pure et simple sera probablement l’un des thèmes les plus importants cette année.

Après tout, dans un environnement rationnel, les signes de déflation à un moment où le gouvernement s’attend à une hausse significative de l’inflation devraient entraîner un changement significatif dans la définition des politiques afin d’accroître les pressions sur les prix. C’est ce que nous avons modélisé dans notre dernière série de prévisions dans le scénario de «relance en Chine», où nous supposons que la diffusion des pressions déflationnistes force le gouvernement à prendre des mesures budgétaires et monétaires plus agressives.

Alors que les investisseurs sont à l’affût d’un catalyseur qui déclencherait un rebond des marchés chinois, il est de plus en plus probable que les mauvaises nouvelles pour l’économie deviennent un avantage pour les marchés. Un retour aux réformes structurelles serait un scénario haussier sur plusieurs années. Mais une relance budgétaire plus importante visant à stimuler la demande ferait probablement l’affaire à court terme.


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