Les actions nordiques surperforment depuis plusieurs années les marchés de la zone euro, portées notamment par la qualité et l’étendue de leurs développements technologiques. Skype et Spotify en sont les parfaits exemples.

Interview de Johan Stein, gérant de portefeuille senior, responsable du Parvest Equity Nordic Small Cap fund.

 

Comment sont répartis les marchés nordiques en termes de capitalisation?

L’univers d’investissement des petites capitalisations est le plus vaste, avec près de 1’000 entreprises dont la capitalisation boursière totale atteint 380 milliards d’euros. Le marché nordique des small caps se distingue de son homologue d’Europe continentale par un nombre bien plus élevé de micro-capitalisations en raison de la vigueur des introductions en Bourse. Les entreprises nordiques ont en effet pour habitude de lever du capital en bourse plutôt que de solliciter les familles propriétaires, comme c’est le cas en Italie et en France.

 

Quels sont les secteurs dans lesquels les actions nordiques se distinguent plus particulièrement?

Concernant la répartition sectorielle, on constate que l’industrie est de loin le secteur le plus important, en particulier en Suède et en Finlande. A l’image de l’Allemagne et de la Suisse, la Suède abrite de nombreuses entreprises industrielles de petite taille spécialisées intervenant dans des secteurs de niche. La répartition sectorielle des entreprises nordiques est bien diversifiée. Par exemple, il peut paraître surprenant que le secteur énergétique ne représente que 3% de l’indice Nordic Small Cap, alors que la Norvège en représente 19%. Le secteur de la production de saumons est plus important que celui de l’énergie dans l’univers des small caps. Le secteur de la santé est également très bien développé au Danemark et en Suède, en particulier les segments des technologies médicales, de la biotechnologie et de la pharmacie.

Dans l’univers des petites capitalisations, les valeurs financières sont moins présentes et, dans le secteur de l’immobilier, il est possible de s’exposer à des valeurs domestiques du segment de l’immobilier commercial dont les valorisations sont attractives. Les technologies de l’information ne représentent que 7% mais tous les secteurs abritent des entreprises à dominante technologique.

 

Quelles sont les valeurs nordiques qui se sont le plus illustrées ces dix dernières années?

Les entreprises nordiques ont toujours su introduire des innovations de rupture et contribuer à de nouveaux standards internationaux. Skype et Spotify, par exemple, ont été créées à Stockholm et ont remis en question le modèle économique des secteurs des télécommunications et de la musique. Cette culture de la «rupture» s’inscrit dans la tradition des entreprises nordiques qui préfèrent réinvestir leurs bénéfices dans la recherche et le développement plutôt que de verser des dividendes. En Europe, la Suède et la Finlande sont les deux pays enregistrant l’intensité la plus élevée en matière de R&D.

Ces deux pays ont récemment vu la montée en puissance d’éditeurs de jeux en ligne comme Rovio, le créateur d’Angry Birds, King avec la saga Candy Crush, Supercell, créateur de Clash of Clans et, enfin, Mojang, le concepteur de Minecraft. Les startups nordiques de ce secteur rencontrent un vif succès et s’imposent désormais comme des leaders mondiaux.

 

Comment se fait-il que les entreprises sur ces marchés se distinguent autant en matière d’innovation?

Nombre d’entre elles sont des leaders mondiaux dans des domaines innovants tels que la production d’énergie verte et les nouvelles technologies médicales. De plus, Stockholm abrite le plus grand nombre d’éditeurs de logiciels par habitant en Europe, juste derrière la Silicone Valley. L’écosystème est propice à l’innovation et, depuis 2005, les pays nordiques représentent 7% du marché des cessions d’entreprises technologiques dont la valeur se monte à plusieurs milliards de dollars.

Nombre d’entreprises nordiques sont des leaders mondiaux dans des domaines innovants tels que la production d’énergie verte et les nouvelles technologies médicales.

Les entreprises de la région sont tournées vers l’international. Compte tenu de la taille modeste de leur marché intérieur, elles ont dû se spécialiser et faire face à la concurrence des acteurs mondiaux en mettant l’accent sur l’innovation. Elles ont donc réussi à attirer des capitaux étrangers en proposant des expertises technologiques de grande qualité à des prix modérés.

Pendant les années 1990, les gouvernements des pays nordiques ont massivement investi dans les infrastructures technologiques et ont vu toute une génération grandir avec l’Internet, dotée d’une grande ouverture d’esprit et d’une culture entrepreneuriale. Ce qui explique peut-être pourquoi les sites web de partage de fichiers The Pirate Bay, Kazaa et uTorrent ont été créés en Suède. Ces deux derniers sites ont été fondés par Niklas Zennström et Daniel Ek, les futurs créateurs de Skype et de Spotify.

Le lien entre l’innovation et la recherche et développement est très fort. La Suède figure parmi les pays européens qui investissent le plus dans ce domaine: 3,3% du PIB en 2018.

 

Quels sont aujourd’hui leurs principaux leviers de croissance?

L’économie mondiale se porte bien et la période est propice aux économies ouvertes et de petite taille comme celles des pays nordiques. De plus, les exportations augmentent de nouveau et les carnets de commande des entreprises nordiques sont bien remplis. Les différents pays de la région présentent néanmoins des différences. La Suède vient d’entrer dans une phase de ralentissement car, après avoir largement profité de la hausse des investissements dans l’immobilier résidentiel, le pays pâtit de la baisse des prix des logements. Cela fit, la faiblesse de la couronne suédoise a sensiblement contribué au développement des entreprises exportatrices dont les bénéfices se sont inscrits en forte hausse.

En Norvège et en Finlande, la phase de reprise de l’économie est soutenue. C’est en Finlande que la croissance est la plus dynamique, après une longue période d’atonie. Elle est notamment portée par la très nette augmentation de l’investissement et la solidité de la consommation privée et des exportations nettes. La croissance de l’emploi devrait se poursuivre, dans le sillage de l’augmentation de l’investissement et de la croissance des exportations. La faiblesse de la couronne suédoise a sensiblement contribué au développement des entreprises exportatrices dont les bénéfices se sont inscrits en forte hausse

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°11 – octobre/décembre 2018)