Chaque semaine, Charles-Henry Monchau, CIO de la banque Syz, et Valérie Noël, Head of Trading présentent 7 graphiques qui caractérisent des évènements majeurs qui se sont déroulés durant la semaine écoulée.

Graphique 1: Le rallie d’été continue

Charles-Henry MoncheauLes actions américaines poursuivent leur rebond entamé à la mi-juin. La bonne surprise de la semaine est venue de l’inflation américaine, qui montre enfin des signes d’inflexion (cf. point 5). L’indice S&P 500 a progressé de plus de 3%, soit une quatrième semaine consécutive de gains et la plus longue période de performances hebdomadaires positives depuis le mois de novembre. L’indice S&P a désormais effacé 50% de la baisse qui a eu lieu entre le sommet historique de janvier et le plus bas du mois de juin. Depuis le début de l’année, le principal indice américain reste toutefois nettement dans le rouge (-10.2%).

2022.08.15.SP500 weekly return
Performances hebdomadaires de l’indice S&P 500
Source: Bloomberg

Graphique 2: Le retour des titres les plus spéculatifs

Le Nasdaq a lui aussi connu une semaine faste alors que le rebond depuis les plus bas est désormais supérieur à plus de 20%. On note la surperformance du segment qui a le plus souffert pendant le «bear market»: les titres technologiques dits «non-profitables», càd des sociétés à un stade de croissance qui requiert des investissements et dépenses courantes supérieurs à leur chiffre d’affaires. Ce segment – qui avait brillé pendant les « années covid » et qui largement représenté dans les fonds de Ark Invest – avait enregistré 4 trimestres consécutifs de baisse. Mais depuis quelques semaines, ces titres spéculatifs enregistrent des gains spectaculaires. Deux explications: 1) Le retour sur le marché des petits porteurs (investisseurs «retail»), avides de ce type de titres; 2) L’obligation pour certains hedge funds de couvrir leurs positions «short» du fait de la hausse.

2022.08.15.Indice Goldman Sachs
Indice Goldman Sachs des actions technologiques non-profitables
Source: Bloomberg

Graphique 3: Les cryptomonnaies poursuivent leur rebond

Le rebond des crypto-monnaies se poursuit également. Le bitcoin ($BTC) teste les 25’000 dollars tandis que l’Ether ($ETH) a reconquis le niveau des 2’000 dollars tard dans la nuit de vendredi à samedi pour la première fois depuis mai, selon les données de CoinMarketCap.

La deuxième crypto-monnaie en termes de capitalisation boursière affiche une hausse de 17% au cours de la semaine et a presque doublé au cours du mois dernier. Plus de 152 millions de dollars de positions «short» sur l’Ether ont été liquidées au cours des dernières 24 heures, selon les données de Coinglass. De nombreux investisseurs anticipent les retombées positives de la prochaine mise à jour de l’Ethereum («The Merge»). Le niveau de «staking» sur la blockchain Ethereum vient d’atteindre le chiffre record de 13,2 millions d’ETH, selon les données de Beaconscan.

2022.08.15.Crypto
ETH / USD
Source : CoinMarketCap

Graphique 4: Le marché est-il trop complaisant?

Bien entendu, un certain crédit doit être accordé à la très bonne réaction du marché suite à la publication des chiffres de l’inflation (cf. point suivant). Une bonne partie des mauvaises nouvelles semblent être «dans les prix» et trop d’investisseurs restent positionnés de manière trop défensive, en particulier les hedge funds qui affichent des positions «net short». Ils sont donc contraints de couvrir leurs positions au fur et à mesure de la hausse, ce qui alimente encore davantage le rallye.

Pourtant, de nombreux observateurs sont probablement surpris de voir l’indice de volatilité implicite VIX («indice de la peur») passer sous la barre des 20 (le niveau de complaisance) pour la 1ère fois depuis avril, et ce malgré les vents contraires suivant :

  • Un taux d’inflation aux Etats-Unis qui reste proche d’un niveau record (8,5%);
  • Une politique monétaire de la Fed qui reste restrictive;
  • Des révisions à la baisse des attentes de croissance des bénéfices;
  • Un multiple P/E du S&P 500 qui ne peut être qualifié de bon marché (18x les bénéfices attendus pour les 12 prochains mois) ;
  • La baisse des indicateurs économiques ISM/PMI;
  • Une crise énergétique en Europe (cf. point 7);
  • De nombreux risques géopolitiques : Guerre Russie/Ukraine, Chine/Taïwan/États-Unis, élections au Brésil, élections de mi-mandat aux États-Unis, hausse des cas de covid en Chine, etc.

2022.08.15.Volatility index
Indice de volatilité du S&P 500 (VIX)
Source: Charlie Bilello

Graphique 5: 1er signe d’inflexion en 18 mois pour l’inflation américaine

Il s’agit de LA bonne surprise de la semaine. Au mois de juillet, les prix à la consommation aux États-Unis ont augmenté de 8,5% en glissement annuel et sont restés stables sur une base mensuelle.  Les économistes s’attendaient à des augmentations de 8,7% et 0,2%, respectivement. Concernant le panier de biens de base («Core CPI»), il est resté inchangé par rapport à juin à +5,9%, mais inférieur aux prévisions de +6,1%.

Autre élément positif sur le front de l’inflation aux États-Unis : l’indice des prix à la production semble également fléchir. Pour le mois de juillet, il s’affiche en hausse de +9,8% en glissement annuel contre +10,4% attendu et +11,3% le mois précédent.

Pour revenir à l’indice des prix à la consommation, c’est bien la baisse des prix des produits de base et de l’énergie qui a permis cette bonne surprise (relative). A noter que le chiffre d’inflation médian (càd la hausse des prix médiane du panier de biens et services considérés pour le calcul de l’indice) a atteint 6,3% en glissement annuel, ce qui est supérieur au mois dernier. Il semblerait donc que les pressions inflationnistes restent généralisées, ce qui devrait inciter la banque centrale à rester particulièrement vigilante.

2022.08.15.US CPI
Chiffres de l’inflation américaine sur 12 mois glissant (« headline » et « core »)
Source : Bloomberg

Graphique 6: Le pic d’inflation ne rime pas forcément avec la fin du resserrement monétaire

Suite à la publication des chiffres de l’inflation, le marché a revu à la baisse les prévisions de hausses de taux lors des prochains meetings de la Fed. Les traders accordant désormais une probabilité plus élevée pour une hausse de 50 points de base (au lieu de 75 points de base) lors de la réunion du mois de septembre. Les marchés s’attendent à ce que le taux des fonds fédéraux atteigne une fourchette de 3,50% à 3,75% en 2022, avant de marquer une pause en 2023.

A noter que certains membres de la Fed ont voulu calmer les ardeurs du marché. Ainsi, Mary Daly, la présidente de la Fed de San Francisco, prévient qu’il est « beaucoup trop tôt pour « crier victoire » dans sa lutte contre l’inflation élevée après que de nouvelles données ont montré un répit dans les pressions sur les prix à la consommation. » Elle n’est pas le seul responsable de la Fed à agir de la sorte, ce qui traduit une inquiétude quant à un assouplissement prématuré des conditions financières.

Rappelons d’ailleurs que le cadence de réduction du bilan de la Fed va doubler au mois de septembre, la taille du «Quantitative Tightening» (QT) passant à 95 milliards de dollar par mois.

2022.08.15.Taux Fed
Niveau de taux d’intérêt américain anticipé lors des prochains meetings de la Fed
Source : Edward Jones

Graphique 7: la crise énergétique continue en Europe

Si les consommateurs et les entreprises américaines ont pu profiter d’une baisse du prix de l’énergie au mois de juillet, l’Europe continue de faire face à une grave crise énergétique. La hausse des prix de l’électricité continue de manière ininterrompue notamment en France et en Allemagne, ce qui augmente les risques de «stagflation» de l’économie.

Alors que l’Allemagne tente de renforcer ses réserves de gaz avant l’hiver, le régulateur prévient que l’Allemagne doit réduire sa consommation de gaz de 20% pour éviter le rationnement hivernal. Klaus Müller, directeur de l’agence fédérale des réseaux, a prévenu que le coût à long terme de la fin de la dépendance de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie serait un « prix du gaz très élevé » qui pourrait avoir de lourdes conséquences.

2022.08.15.Futures électricité
Contrats futures sur l’électricité à un an en France et en Allemagne
Source: Bloomberg

 

Très bonne semaine à toutes et à tous!