La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Probablement déçu par l’effet mitigé qu’avait produit le dernier conseil de la BCE, Mario Draghi a redressé le tir lors d’un discours tenu cette semaine à Sintra, en détaillant les outils à la disposition de la banque centrale pour atteindre ses objectifs monétaires de moyen-terme. La guidance pourrait être plus explicite, et intégrer notamment le biais (baissier ou haussier) et les conditions attachées. Les taux pourraient être ensuite baissés, avec des mesures d’accompagnement pour épargner la profitabilité des banques.

Le QE pourrait reprendre, ce qui implique que les limites actuelles (emprise maximale et clé de répartition) pourraient facilement être revues. Enfin, il a précisé (comme l’avait fait la Fed il y a quelques mois) que l’objectif d’inflation était symétrique, ce qui implique des dépassements futurs, surtout après une longue période passée sous l’objectif.

Cet ajustement semblait nécessaire car, face au retournement spectaculaire opéré par la Fed, la BCE était apparue timide et sa politique comparativement plus restrictive, alors que la zone euro semble bien plus exposée au risque de déflation que les US (l’effondrement récent des swaps d’inflation avait été manifestement minimisé lors du dernier conseil). La BCE a dû finalement estimer qu’il était dangereux de différer plus avant ses décisions, comme cela lui avait été reproché lors de la crise de l’euro. On notera d’ailleurs que c’est Mario Draghi qui, comme à cette époque, a agi en dehors d’un conseil, en prenant un engagement verbal sans l’aval formel des gouverneurs.

Le franc parler du président américain a montré que les enjeux commerciaux pèsent aussi dans les décisions monétaires, d’abord lorsqu’il a fustigé la Fed pour ne pas supporter sa guerre commerciale en baissant ses taux, puis, cette semaine, en reprochant à la BCE d’avoir emboité le pas à la Fed pour manipuler le change. L’accusation semble assez injuste car, si les dettes souveraines et les actifs risqués ont fortement monté sur la nouvelle, le taux de change euro/ dollar est resté stable et assez proche de la parité de pouvoir d’achat.

La Fed, de son coté, a tenu un FOMC, lors duquel elle s’est positionnée au plus près possible d’une baisse des taux, sans toutefois les baisser encore. La patience n’est donc plus de mise et le report de la baisse tient juste au fait que les prochaines semaines seront riches en information sur les risques à la baisse pesant sur l’économie – une référence à peine voilée à la guerre commerciale et à la rencontre programmée du G20.

Si la Fed devait baisser les taux dès le mois prochain, ce qui semble aujourd’hui une hypothèse centrale, ce serait certainement également la fin de la réduction de son bilan, dont l’effet restrictif deviendrait gênant. Toutefois, avec le niveau actuel des taux, la Fed dispose d’une grande marge de manoeuvre avant de considérer reprendre le QE. Si les «dots» restent, en médian, au statu quo sur l’année (ce qui est manifestement sous-évalué), les marchés de futures sont, eux, centrés sur trois baisses.

Dans ce contexte de guerre commerciale, d’assouplissement des politiques monétaires internationales, et alors que son économie ralentit, la Chine est incitée à prolonger le soutien mis en oeuvre depuis le début de l’année. Le dernier rapport du conseil des affaires de l’Etat met ainsi l’accent sur l’investissement public, en privilégiant les services collectifs qui favorisent la demande domestique (distribution d’eau et d’électricité). De son côté, la BPoC, la semaine dernière, avait procédé à une injection importante de liquidités. Ces mesures n’apparaissent pas aussi énergiques que celles du début d’année, les autorités préférant sans doute réserver leur puissance de feu si le conflit devait se durcir. Il sera alors temps de considérer une nouvelle baisse des taux des réserves obligatoires, une baisse des taux interbancaires et une baisse (contrôlée) du Yuan.