Faire rimer ubiquité avec électricité est une étape nécessaire à l’adoption de masse des véhicules électriques. Certains acteurs de niche pourraient tirer profit des besoins importants en bornes de recharge.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Charles-Henry MoncheauAlors que les ventes de véhicules électriques continuent de monter en flèche, nous avons peut-être négligé la deuxième étape de la transition vers l’électrique: l’ubiquité des points de recharge des batteries. Il est facile de faire de courts déplacements et de remettre son véhicule à charger dans son garage.

Mais comment les gouvernements et les compagnies impliquées dans ce projet mettront-ils en œuvre les solutions pour recharger les batteries au plus grand nombre d’endroits et ce rapidement? Une chose est certaine, tout le monde semble très en retard sur l’agenda initialement prévu.

L’avènement des véhicules électriques

Il n’a échappé à personne que le secteur des véhicules électriques (VE) a le vent en poupe (cf. graphique de la production annuelle mondiale de VE).

production annuelle de voitures électriques

Aux Etats-Unis, 28% des émissions de carbone proviennent des transports. Le gouvernement fédéral a pour objectif de réduire ces émissions de 50% d’ici 2030. L’oncle Sam va donc devoir agir rapidement, en commençant par le secteur des voitures pour particuliers.

Les ventes et la production de VE progressent et les prévisions pour les années à venir sont toutes très optimistes. En 2020, pas moins de 300’000 véhicules électriques ont été vendus aux États-Unis, soit 2% du marché automobile américain total. Ce n’est qu’un début, car selon certaines estimations, il faut s’attendre à ce que 35 millions de véhicules électriques circulent sur les routes américaines d’ici 2030.

Un facteur limitant est que les véhicules électriques sont généralement plus chers que les véhicules à moteur à combustion interne (Internal Combustion Engine ou «ICE»). Bien que ce problème soit résolu avec un plan à 100 milliards de dollars de subvention afin de proposer un rabais sur les VE, posséder un véhicule électrique n’est que la première étape du processus. Pour le faire rouler, il faut encore pouvoir le charger de manière pratique. Comment les gouvernements, potentiellement en collaboration avec l’industrie, parviendront-ils à installer un réseau adéquat permettant le développement de l’une des plus grandes transformations de mobilité de l’histoire?

Le défi pour les États-Unis: obtenir suffisamment de bornes de recharge pour tout le monde

Comme dans tout progrès technologique, la difficulté d’adoption («pain of adoption») est une barrière importante à franchir. Dans le domaine des VE, cette barrière est constituée par le déploiement des points de recharge.

35 millions de véhicules sur le sol américain, c’est un nombre considérable.

Si nous considérons le processus de chargement des véhicules à essence, les choses ne peuvent être plus simples. Premièrement, les stations-service sont partout, en trouver une n’est jamais un problème. Deuxièmement, faire le plein de sa voiture prend entre 3 et 5 minutes. Nous sommes tous familiers avec ce processus, mais il semble important de souligner sa rapidité et sa simplicité.

Les conducteurs de VE, quant à eux, ont développé un nouveau traumatisme que l’on pourrait appeler l’anxiété de l’autonomie. Ceci est dû à deux raisons qui contrastent avec la simplicité d’un plein d’essence. Premièrement, il n’y a manifestement pas assez de bornes de recharge. Si vous vous retrouvez en manque d’énergie, loin de votre domicile, trouver une borne de recharge dans la nature peut s’avérer être un défi, du moins pour l’instant. Deuxièmement, le chargement d’un véhicule électrique peut prendre du temps: selon la station et le type de batterie, le temps de chargement peut durer entre 6 minutes et 26 heures.

Il existe 3 types de prises de charge:

Niveau 1 – Prise CA 120 V (où vous chargez votre téléphone), 2 à 5 miles par heure de charge (1 mile est égal à 1,069 km).
Niveau 2 – Prise 240 V CA, 10 à 60 miles par heure de charge.
Niveau 3 – 480V DC. 180-240 miles par heure de charge.

Le dilemme de la poule et de l’œuf

Aujourd’hui, 80% des conducteurs de VE américains rechargent leur voiture à domicile avec des bornes de recharge de type 1 ou de type 2. Le dilemme repose désormais sur le développement de la demande et nous entrons dans un problème de la poule et de l’œuf: d’une part, de nombreux conducteurs électriques rechargent leur voiture chez eux et n’ont donc pas besoin de tant de bornes de recharge publiques. D’un autre côté, de nombreuses personnes n’adopteront pas les VE s’il n’y a pas suffisamment de bornes de recharge publiques. Il s’agit donc de pousser l’offre vers le consommateur afin de forcer une adoption croissante.

De combien de bornes de recharge les États-Unis auront-ils besoin? Une étude menée par le US National Renewable Energy Laboratory a estimé que pour 1’000 véhicules électriques, les États-Unis auraient besoin de 3,4 ports de niveau 3 et de 40 ports de niveau 2. Si nous nous en tenons aux 35 millions de véhicules électriques d’ici 2030 et à leur répartition estimée dans le pays, cela représente environ 50’000 ports de niveau 3 et 1,2 million de ports de niveau 2. Cela signifie que le pays devra construire 380 bornes de recharge par jour au cours des 9 prochaines années. Jusqu’à présent, les États-Unis n’en ont installé en moyenne que 30 par jour au cours des 10 dernières années. Il y a un donc un écart conséquent à combler.

Un autre facteur limitant pour les bornes de recharge – en plus de leurs coûts de mise en œuvre – est le fait qu’elles ne sont pas profitables – en tout cas pour l’instant.

Selon Chris Nedler, chercheur à l’institut de recherche énergétique RMI, la transformation prendra des années d’investissement avant de générer un retour sur capital investi. Mais à long terme, elle deviendra rentable.

A noter que le modèle d’affaires des pompes à essence n’est pas des plus simples et les marges bénéficiaires sont relativement serrées. C’est pourquoi la plupart des stations-service essaient d’augmenter leurs ventes en proposant des collations, du café et des cigarettes. Le chargement des VE semble être une entreprise encore plus compliquée, car les utilisateurs ont également la possibilité de recharger leur véhicule chez eux.

Borne de recharge éoliennes

Quid de l’Europe?

L’Europe est également aux prises avec la mise en œuvre de son réseau, dont le déploiement semble beaucoup plus lent que le rythme de croissance des ventes mondiales de VE. Non seulement les stations ne sont pas uniformément réparties sur le territoire, mais les systèmes de paiement ne sont pas harmonisés et obligent les conducteurs à utiliser des abonnements différents pour recharger leurs VE.

A court terme, il est prévu d’avoir 1 million de bornes de recharge d’ici 2025, ce qui signifie que l’Union Européenne (UE) devrait en construire pas moins de 3’000 par semaine pour espérer atteindre son objectif.

L’Union Européenne table sur un parc de 30 millions de véhicules électriques d’ici 2030, associé à l’objectif très ambitieux de réduire les émissions à zéro d’ici 2050. À l’instar des États-Unis, l’UE va devoir décupler le rythme de déploiement de ses bornes de recharge si elle veut que son plan zéro émission à grande échelle soit mené à bien.

Actions cotées positionnées sur les bornes de recharge pour VE

Comme mentionné précédemment, les entreprises de bornes de recharge ne réalisent pas encore de bénéfices. Des sociétés telles que Blink Charging Co. et Beam Global ont généré des ventes combinées inférieures à 10 millions de dollars l’an dernier. Les modèles d’affaire varient également considérablement en fonction de l’entreprise, certaines ne facturant que les installations et d’autres optant pour des frais à la charge.

Malgré des revenus aujourd’hui très faibles, ces acteurs de niche pourraient peut-être devenir les Chevron et Ford de demain, une fois le système bien implémenté. Il s’agit d’un secteur à considérer pour les investisseurs qui sont optimistes sur la technologie VE dans un horizon temps à long-terme. Voici 3 actions cotées en bourse pour les investisseurs intéressés par l’achat de titres totalement exposés à la thématique des bornes de recharge.

Blink Charging Co. – Avec des milliers de chargeurs VE partout aux États-Unis situés à des points stratégiques tels que les aéroports, les hôtels et les établissements de santé, Blink Charging Co. est l’un des titres les plus connus dans cette industrie. La société dispose d’une plateforme facile à utiliser qui fournit aux utilisateurs toutes les informations dont ils ont besoin.

ChargePoint Holdings – Après avoir repris 9’800 points de charge pour General Electric, la société a entamé une expansion rapide, contrôlant désormais plus de 114’000 bornes de recharge à travers le Mexique, l’Australie, le Canada et les États-Unis. C’est l’un des leaders mondiaux de l’industrie. De plus, elle dispose d’un portefeuille croissant de plus de 20 brevets, ce qui lui assure un certain avantage compétitif au niveau technologique.

TPG Pace Beneficial Financial Corp – TPG est un SPAC sur le point de fusionner avec EVBox, qui possède la plus grande base installée de bornes de recharge en Europe. Étant donné que l’UE a des taux de pénétration des VE exceptionnel (plus de 50% en Norvège contre seulement 5% aux États-Unis), une exposition à ce thème sur le continent européen n’est pas dénuée de sens.

 

NB : Il n s’agit pas de recommandations d’investissement

 

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