Les synergies créées entre l’intelligence artificielle et la robotique sont sur le point de transformer de nombreux pans de l’économie. Comment les investisseurs peuvent-ils adapter leur stratégie d'investissement à long terme en prévision de ces changements structurels?

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Qu’est-ce que l’automatisation intelligente?

L’automatisation intelligente (AI) désigne la synergie entre l’automatisation des processus par la robotique (RPA) et de l’intelligence artificielle (IA), qui, ensemble, permettent de créer une méthode de production plus efficace. Les ordinateurs deviennent d’année en année de plus en plus puissants. D’ailleurs, ils ont déjà dépassé les humains pour des tâches programmables très spécifiques. Les processus fixes et répétitifs observés dans la production en usine sont quant à eux destinés à être automatisés à temps plein, ce qui a d’ailleurs soulevé d’importantes préoccupations concernant le marché du travail.

 

L’économie de l’automatisation

L’automatisation a un effet important sur le travail et la productivité. La première phase d’automatisation remonte à l’époque de l’industrie artisanale. Ces métiers étaient très peu automatisés, ce qui impliquait un besoin élevé en main d’œuvre et de faibles volumes de production.

L’introduction de machines industrielles, qui ont permis d’augmenter le taux de croissance de l’économie, fût accompagnée d’un besoin croissant de main d’œuvre – et non le contraire. Certes, plus le niveau d’automatisation s’accroît et plus le niveau de production augmente, moins l’implication humaine est nécessaire. Mais les excédents de rendements créés grâce à l’automatisation sont idéalement réinvestis dans l’économie, ce qui a pour effet d’augmenter la demande de main d’œuvre.

Une productivité accrue peut conduire à un niveau de bien-être plus élevé, car l’automatisation permet d’accumuler plus de capital et de richesse. Aux Etats-Unis, dans le secteur des services, il existe une corrélation significative et positive entre la productivité et l’emploi. L’inverse est cependant observé dans le secteur manufacturier ; en d’autres termes, l’augmentation de la productivité réduit la demande de main-d’œuvre (mais cette analyse ne tient pas compte de la délocalisation de la main-d’œuvre).

En synthèse, même si l’automatisation peut constituer une menace pour l’emploi à court terme, il n’existe pas de lien avéré entre l’augmentation de l’automatisation et la destruction d’emploi. Prenons par exemple le cas récent des services de restauration qui, une fois automatisés, ont ouvert des postes dans la livraison, la préparation des aliments et le nettoyage. Le fait est que l’automatisation peut pousser l’être humain à faire des tâches plus stimulantes, plus précises et à petite échelle, c’est-à-dire les tâches que les machines ne sont pas capables de remplir.

Il faut également mentionner que la division entre le capital et le travail diffère d’un pays à un autre. D’une manière générale, les pays en voie de développement ont généralement des industries à plus forte intensité de capital – c’est le cas par exemple de la Chine et de l’Afrique du Sud. Par contre, les pays développés dépendent davantage des métiers à forte intensité de main-d’œuvre, d’où leurs économies axées sur les services.

Les recherches suggèrent que les pays ayant des scores plus faibles en STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) seront davantage impactés par l’automatisation, car les nouveaux emplois créés exigeront des travailleurs plus hautement qualifiés. Par exemple, l’Estonie, qui se situe en tête du classement par percentile des performances scolaires, devrait voir 31% de ses emplois exposés à 50% au risque d’automatisation, et 12% des emplois exposés à 70%. En d’autres termes, même les pays qui sont déjà bien positionnés dans les métiers liés aux STIM pourraient être affectés par l’automatisation si la division entre travail et capital leur est défavorable.

Dans de nombreux pays se pose la question du réinvestissement de l’excédent de production en faveur de l’emploi. Il existe deux approches bien connues : la première est la taxation des «robots» et la deuxième est le revenu de base universel. Une taxe sur les robots pourrait contribuer à la mise en place d’un filet de sécurité en créant une meilleure sécurité sociale. Mais lorsque les machines sont détenues par des entreprises, faut-il les classer dans la catégorie de la main d’œuvre ou celle du capital? S’il s’agit de capital, alors un impôt équivalent à celui sur les plus-values pourrait être mis en place, ce qui serait avantageux à la fois aux investisseurs et à l’ensemble de la société. Quant au revenu de base universel, il pourrait protéger ceux qui perdent leur emploi à cause de l’automatisation. Mais il a évidemment un coût élevé pour l’ensemble de la société.

La conduite autonome

Les véhicules et la conduite autonomes sont actuellement sous les feux des projecteurs et constituent un exemple intéressant dans la thématique de l’automatisation intelligente.

Les «taxis robots» devrait sans doute étendre le marché du transport individuel grâce à l’arrivée des véhicules autonomes. Selon une étude d’Ark Invest, corrigé de l’inflation, le coût de possession et d’utilisation d’une voiture personnelle n’a pas changé depuis les années 30. D’ici 2025, le coût des taxis autonomes pourrait bousculer le statuquo. Le marché des taxis «traditionnels» génère aujourd’hui 150 milliards de dollars de revenus dans le monde entier et le prix du kilomètre pour les consommateurs est de 1,85 $, avec des bénéfices réalisés par les sociétés de transports de 0,28 $ par mile. L’arrivée des véhicules autonomes devrait permettre aux sociétés de transport de maintenir quasiment la même marge bénéficiaire (0,25 $ par mile) alors que le prix payé par les consommateurs sera considérablement réduit à environ 1 $ par mile.

Les stratégies adoptées par Tesla, Waymo (de Google) et Apollo (de Baidu) devraient chacune permettre de développer cette industrie. Par exemple, l’approche de Tesla qui est basée sur les caméras est plus flexible et beaucoup plus évolutive, alors qu’une approche basée sur les LiDar et la cartographie HD comme celle de Waymo est plus perceptible mais plus difficile à mettre en œuvre. La question demeure: qui seront perdant dans cette transition? Les pays en voie de développement qui dépendent plus fortement des taxis traditionnels devraient faire preuve d’une plus grande résistance au changement et donc être défavorisés. Mais rien n’est moins sûr. Certains avaient tablés sur une faible croissance de Uber du fait du lobby des chauffeurs de taxi. Aujourd’hui, Uber est très bien implanté partout dans le monde.

Mythes sur les robots et l’Intelligence Artificielle

Mythe numéro 1

Il faut une armée de robots pour faire fonctionner l’automatisation. Il est vrai qu’une volumétrie minimale est nécessaire pour rentabiliser à la fois l’investissement initial dans les robots et les frais généraux récurrents liés à leur fonctionnement. Il est aussi courant pour les vendeurs de spécifier un nombre minimum de licences à acheter, mais ces minimums ne sont en aucun cas trop élevés, ni même prohibitifs pour l’exécution de processus d’automatisation à petite échelle. En d’autres termes, il est possible d’investir très peu dans l’automatisation et d’en retirer un bénéfice.

Mythe numéro 2

Les robots détruisent les emplois. Keynes avait prédit que l’avenir serait marqué par un taux de chômage élevé en raison du développement technologique. Cependant, si l’on considère les 25 dernières années, nous avons vu plus d’emplois créés que perdus. Les organisations qui cherchent à s’automatiser ne le font pas au détriment de leur main-d’œuvre, mais plutôt afin de donner des tâches à plus haute valeur ajoutée aux employés. À terme, machines et êtres humains travailleront ensemble.

Mythe numéro 3

Les robots pensent comme les humains. Ni la RPA (processus d’automatisation par la robotique) ni l’IA (Intelligence Artificielle) ne reproduisent réellement le raisonnement humain: les robots imitent le comportement humain dans leur façon d’interagir avec les interfaces utilisant les applications, mais ils suivent des protocoles stricts différents des nôtres. Le jour où les robots seront indiscernables de l’homme pourrait peut-être arriver un jour, mais ce ne sera sûrement pas de notre vivant.

Quelques acteurs majeurs de l’industrie

Comme discuté ci-avant, l’automatisation intelligente devrait avoir des effets bénéfiques sur l’économie : une amélioration de la productivité et des bénéfices réinvestis dans l’économie réelle via la création d’emplois et de nouveaux services. Qu’en est-il des sociétés directement exposées à cette thématique?

Keyence (6661 JP) développe et fabrique des capteurs d’automatisation, des systèmes de vision, des lecteurs de codes-barres, des marqueurs laser, etc. Le géant japonais est par contre absent de la phase de fabrication, ce qui signifie qu’il planifie mais ne fabrique pas de produits finaux.

Cadence Design Systems (CNDS) développe des logiciels pour la conception et la construction de circuits et d’appareils électroniques. Les produits comprennent l’automatisation de la conception électronique et le matériel d’émulation.

ABB (ABBN SW) s’engage dans le développement et la commercialisation de technologies d’automatisation et d’alimentation électrique. Ses activités comprennent des segments dans les domaines de l’automatisation industrielle et de la robotique.

Brooks (BRKS) fournit des solutions d’automatisation pour de multiples marchés tels que les biens d’équipement pour les semi-conducteurs, et la gestion et le stockage d’échantillons biologiques.

Entreprise basée en Chine Hollysys Automation (HOLI) fournit des systèmes de contrôle de l’automatisation. Elle se concentre sur l’automatisation industrielle, le transport ferroviaire et les solutions mécaniques.

Rockwell Automation (ROK) fournit des solutions d’automatisation industrielle et de transformation numérique. Ses produits incluent des contrôleurs d’automatisation programmables dans des logiciels de conception, de visualisation et de simulation.

 

NB : Il n s’agit pas de recommandations d’investissement

 

Rendez-vous sur www.flowbank.com