L’accroissement des écarts de richesse présente deux inconvénients majeurs pour les marchés, qui malheureusement les négligent.

ESG : et le S dans tout ça?

Il se dégage dorénavant un large consensus quant à la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’enrayer l’accélération du réchauffement climatique. Peu de sceptiques balayent encore l’idée qu’il convient d’agir, et vite. L’urgence climatique a ainsi percé parmi les sujets dont pouvoirs publics, populations et entreprises se préoccupent davantage.

Dans l’univers financier, le succès croissant des green bonds (obligations vertes) traduit cela très largement, du moins en Europe, où les intervenants de marché ont bien compris les risques qu’induisait l’orientation des flux de capitaux vers des activités contribuant à rendre la planète moins propice à la vie humaine. Il ne s’agit pas de morale, mais de rationalité.

En revanche, ledit monde financier n’éprouve pas le même sentiment d’urgence s’agissant des sujets sociaux, d’où, en partie, le moindre développement des social bonds (obligations sociales). Sans doute les marchés, lieux d’échange des actifs et de fixation de leurs prix, n’ont-ils pas perçu jusque-là l’influence que pouvaient avoir les questions sociales sur la valorisation des actions, obligations, options et autres produits financiers qu’ils traitaient. Après tout, ils n’ont pas pour fonction de jauger le degré de justice sociale, si tant est que cela se puisse. Pourtant, une fois qu’elles ont franchi certains seuils, les inégalités sociales ne peuvent que devenir un paramètre important pour eux.

Un facteur d’accumulation des risques

L’accroissement des écarts de revenus, puis de patrimoine, accroît la probabilité d’instabilité du système politique correspondant, qui peut alors muter en régime autoritaire pour juguler les contestations suscitées par des inégalités que ne toléreraient plus les populations. Les marchés ne tirent que rarement profit de pareils régimes, qui consomment trop de ressources pour assurer la coercition qu’ils doivent exercer, ce aux dépens d’autres activités économiques plus porteuses ou générant des effets de prospérité mieux diffusés. En outre, l’existence d’inégalités favorise la généralisation des pratiques de corruption, dont les effets délétères s’opposent en théorie comme en pratique à une allocation du capital efficiente. Que certains acteurs économiques puissent y trouver leur compte quelque temps ne fait aucun doute, mais par définition, ils empêchent le développement d’autres acteurs plus efficaces.

Un frein au développement économique avec l’affaiblissement des classes moyennes

L’accroissement des inégalités correspond à un affaiblissement des classes moyennes, moteur de la consommation en Occident depuis près d’un siècle et en Chine depuis plus d’une décennie. La contribution des plus privilégiés à la valeur ajoutée, par des consommations discrétionnaires accrues et un panier moyen plus onéreux, notamment via les produits de luxe selon un schéma qu’avait identifié Keynes, ne suffirait pas à compenser la perte du potentiel de consommation d’une classe moyenne étoffée. Paradoxalement, le luxe n’a rien d’une richesse. Ces deux phénomènes convergent. L’existence d’une vaste classe moyenne constitue le socle de la plupart des démocraties qui ont émergé depuis le XIXème siècle. Or, les marchés n’avaient guère à se poser la question des inégalités sociales jusque-là. Il ne s’agissait ni de leur domaine de compétence, ni d’un risque identifié, puisque les structures économiques dont ils devaient valoriser les acteurs dans les aires où ils prédominent, en clair l’Occident, avaient pour cadre l’existence de classes moyennes majoritaires.

Place à l’action

Aucune économie ne saurait prospérer sur la base d’une société inégalitaire, bien au contraire. Il est de l’intérêt des actionnaires et des porteurs obligataires de favoriser une économie inclusive, dont la croissance bénéficie à tous, la rendant par là-même soutenable.

  • Les porteurs obligataires disposent des social bonds, qui aident à flécher leurs investissements vers des émetteurs favorisant le maintien des équilibres sociaux: facilitation de l’accès au capital de connaissances, aux logements salubres, aux infrastructures de soins ou de transports, à une alimentation de qualité, à l’eau, au micro-financement, aux emplois justement rémunérés;
  • Les actionnaires, quant à eux, disposent des droits de vote pour remplir leur rôle, car influer sur la gouvernance des entreprises fait partie de leurs prérogatives. Pour indirecte qu’elle apparaisse, leur action n’en touche pas moins au cœur même du système.

Il s’agit, quoi qu’il en soit, du chemin qu’a choisi d’emprunter Mirova au nom des investisseurs qui lui font confiance.

 


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