Longtemps, les banques centrales ont donné le ton. Ce n’est plus le cas. L’addiction budgétaire a remplacé l’addiction monétaire. Mais le rôle des grands argentiers reste fondamental.

Zoom de Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste de Montpensier Finance

 

La Fed et la BCE ne cessent de le répéter depuis la fin juin : la politique monétaire a stabilisé le système financier fragilisé par l’épidémie mais ne peut à elle seule relancer l’économie. Place désormais à la relance budgétaire et aux déficits fiscaux, seuls capables d’impulser une demande en dernier ressort alors que le secteur privé–particuliers comme entreprises–semble comme paralysé par les incertitudes.

Bien sûr, les institutions monétaires restent des pièces maitresses du soutien à l’activité: grâce aux différents programmes «pandémie» mis en place depuis mars 2020, ils financent à eux seuls plus de 50% des déficits publics. Dans la zone euro, depuis le mois de février, la BCE a acheté 70% des nouvelles émissions de dette des états membres et rien n’indique que le mouvement va décélérer sur la fin de l’année.

Mais le climat général a changé. La bascule du primat du monétaire vers le primat du fiscal est enclenchée. C’est le politique qui conduit et le monétaire qui soutient.

C’est un changement profond: depuis plus de dix ans et le déploiement des politiques d’assouplissement quantitatifs, associées à des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs, le monde économique et financier était suspendu aux discours des banquiers centraux.

Progressivement, les flux de liquidités sont devenus l’alpha et l’oméga des marchés. Lorsque Ben Bernanke, le président de la Fed, annonce au printemps 2013 que la normalisation de la politique monétaire approche, le «taper tantrum» affole les investisseurs et l’oblige à faire machine arrière. Inversement, l’annonce, en janvier 2015, du premier programme de QE de la BCE fait repartir de l’avant les indices malgré le contexte économique et la déflation qui menace.

A contrario, la politique budgétaire a longtemps été enserrée dans des carcans étroits, en particulier en Europe où la limite des 3% de déficit fiscal et celle–pourtant obsolète depuis des lustres–des 60% de dette publique rapportée au PIB, étaient considérées comme les règles d’airain du vivre-ensemble financier de l’Union Economique et Monétaire. Hors de la rigueur germanique, point de salut!

L’irruption du CoVid-19 a fait exploser ce schéma. Non seulement la Commission européenne a donné son aval aux plans de relances nationaux massifs des Etats, bien loin des normes budgétaires d’antan, mais l’Union Européenne a fait un pas décisif vers un endettement commun en validant, en juillet dernier, le plan exceptionnel de 750 Milliards d’euros, dit «Macron-Merkel». Même si le Parlement européen soit encore valider cette approche, le changement est considérable.

Aux Etats-Unis, la réticence devant la dépense publique est plus culturelle : la méfiance devant le «Big State» n’est pas l’apanage des seuls républicains, elle est partagée par les élus démocrates centristes, en particulier dans le Sud du pays. Seules les franges les plus «progressistes», sur les côtes Est et Ouest, étaient traditionnellement d’ardents défenseurs de la dépense publique.

Donald Trump est le premier Président depuis plus de 30 ans à s’être affranchi de ce souci d’équilibre budgétaire. Propulsée par les allègements fiscaux chers au 45ème Président des Etats-Unis, la dette américaine dépassera cette année 100% du PIB. Les Démocrates, aujourd’hui favoris pour les élections du 3 Novembre prochain, ne sont pas en reste. Le programme économique de Joe Biden–pourtant en net retrait par rapport à ses rivaux de la primaire démocrate-prévoit en effet plus de 7000 milliards de dollars d’investissement sur 10 ans dans les infrastructures, l’énergie verte et le soutien aux classes moyennes.

Cette frénésie de dépense publique est plébiscitée par les marchés, devenus accrocs au déficit budgétaire et qui s’inquiètent à l’inverse de la faiblesse de la vitesse de circulation de la monnaie, faute de projet d’investissement. Seul compte le soutien à l’économie et la détermination des politiques, soutenue par des peuples à la recherche de la prospérité envolée.

Le temps du bilan économique et des interrogations n’est pas venu et cet enthousiasme soutient les indices. Tant que l’inflation semblera un horizon lointain, les taux resteront donc bas pour longtemps, les liquidités abondantes et les banques centrales veilleront à financer sans trembler les déficits publics.

Aujourd’hui, l’essentiel pour la stabilité financière mondiale et le moral des investisseurs que la volonté des institutions monétaires de soutenir les initiatives politiques soit sans faille. Les États sont bel et bien à la manœuvre mais elles restent au centre du jeu. Quoiqu’il en coûte.

 


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