Après avoir nourri, depuis fin 2021, les réflexions des acteurs de marchés, l’inflation a été remplacée par le débat sur la survenue prochaine d’une récession. Pourtant, le sujet inflationniste n’a peut-être pas fini de se rappeler au bon souvenir des investisseurs.

Par Enguerrand Artaz, Fund Manager et Olivier de Berranger, CIO

 

Enguerrand Artaz - LFDE
Enguerrand Artaz, Fund Manager

D’abord, parce que toutes les zones du monde ne sont pas – encore – concernées par la baisse de l’inflation, observée aux Etats-Unis notamment. Si l’inflation globale commence à refluer en zone euro grâce à la baisse des prix de l’énergie, l’inflation sous-jacente continue d’augmenter. Au Japon, longtemps épargné par la flambée des prix, l’inflation atteint des records inédits depuis les années 1990 voire les années 1980, au point d’inciter la Banque du Japon à reconsidérer la politique monétaire ultra-accommodante qu’elle met en œuvre depuis des années. Parmi les grandes économies, seule la Chine paraît pour le moment épargnée.

Mais l’Empire du Milieu dispose, justement, de carburants susceptibles de relancer la machine inflationniste mondiale. La réouverture rapide du pays, après l’arrêt subit de sa politique Zéro Covid, relancera la demande, notamment pour les matières premières. Une perspective tout sauf anodine pour le prix de ces dernières, alors que la Chine importe en moyenne un cinquième du pétrole mondial, plus de la moitié du cuivre et du nickel et les trois cinquièmes du gaz naturel liquéfié. De plus, si la République populaire n’a pas opéré de plan de relance massif par la demande – à l’instar des Etats-Unis et de leur distribution de chèques directement aux ménages –, les Chinois n’en ont pas moins beaucoup épargné pendant ces longs trimestres de politique restrictive. Ce sont en effet 2,6 trilliards de dollars qui ont été accumulés par les ménages chinois en 2022. Cette montagne de liquidités constitue un puissant réservoir de consommation, prêt à irriguer l’économie mondiale alors que Pékin rouvre largement ses frontières.

Olivier de Berranger
Olivier de Berranger, CIO

Un tel surcroît de demande devrait avoir un impact positif sur la croissance économique mondiale, notamment pour l’Europe, dont de nombreuses entreprises sont exposées à la consommation chinoise. Mais il est également susceptible de générer de nouvelles perturbations sur les chaînes d’approvisionnement, alors qu’elles commençaient tout juste à retrouver un fonctionnement à peu près normal. Et ce d’autant plus que l’accalmie est hétérogène, entre les surstockages de certains produits ces derniers mois et des pénuries persistantes sur d’autres.

Certes, il y a des doutes sur la vitesse à laquelle la réouverture de l’économie chinoise se diffusera dans l’économie mondiale. Les déboires toujours vifs dans l’immobilier domestique laissent le secteur de la construction dans l’atonie, limitant la demande pour certaines matières premières. Les prudentes habitudes de consommation prises lors de la pandémie, tout comme les incertitudes sur les perspectives économiques, pourraient tempérer l’envie de dépenser précipitamment les excès d’épargne. Néanmoins, à l’heure où le sujet inflationniste semble être sorti du focus des investisseurs et où les conditions financières se sont nettement assouplies, compliquant la tâche des banquiers centraux, le risque d’une nouvelle vague d’inflation provoquée par la réouverture de la Chine doit être surveillé de près.

 

Rédaction achevée le 27.01.2023

 


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