Il ne fait nul doute, à notre avis, que 2022 a été une «annus horribilis» pour le marché obligataire. L’envolée des taux d’intérêt à travers le monde a entraîné la chute des prix des obligations, n’épargnant ni les emprunts d’État, ni les crédits aux entreprises de première qualité, ni les titres à haut rendement plus risqués.
Par Chris Bowie, Partner, Portfolio Management
À quelques mois de la fin de l’année 2023 cependant, les perspectives sont bien différentes. Les obligations ont renoué avec des rendements considérablement plus élevés, tous secteurs confondus, sur fond de conviction croissante que les cycles de relèvement des taux des banques centrales approchent de leur fin.
Dans ce contexte, bien que les perspectives d’investissement soient désormais relativement plus favorables quels que soient les instruments obligataires considérés, certains secteurs du marché sont plus attrayants que d’autres, les obligations à courte duration s’avérant particulièrement intéressantes.
Courbes de rendement inversées
L’un des principaux facteurs ayant contribué à la situation actuelle est le fait que les courbes de rendement demeurent inversées. Dans des conditions de marché normales, les rendements des obligations à long terme sont, en toute logique, supérieurs à ceux des obligations à court terme. Les obligations à long terme, lorsqu’elles sont détenues jusqu’à leur échéance, ne permettent de récupérer l’investissement initial qu’au terme d’une période plus longue, sont associées à des risques plus élevés et devraient donc récompenser les investisseurs par des rendements supérieurs.
Or, dans les conditions actuelles du marché, la situation est inversée: les rendements des obligations à un an sont supérieurs à ceux des obligations associées à des échéances à 10 ou 30 ans. Le facteur à l’origine de cette inversion est l’anticipation d’une baisse des taux par les banques centrales, après de nombreux mois de relèvements successifs, destinée à éviter éventuellement un atterrissage brutal de leurs économies. Nous pensons que cette situation a donné un coup de fouet considérable aux rendements des obligations à court terme.
La Réserve fédérale américaine n’a certes pas modifié ses taux en septembre, mais cette décision intervient après onze relèvements de ses taux directeurs (le dernier à hauteur de 25 points de base en juillet) dans le cadre de ses efforts pour juguler l’inflation. Il en résulte une fourchette du taux cible des fonds fédéraux située entre 5,25% et 5,50%.
Entre temps, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a annoncé fin septembre que bien que les coûts d’emprunt aient peut-être atteint leur pic, ils ne baisseront pas avant que l’inflation ne soit maîtrisée.
À la mi-septembre, la BCE avait relevé ses taux d’intérêt de 25 points de base pour les porter à 4%, un niveau record depuis la création de la zone euro.
L’aplatissement actuel des courbes de rendement signifie que, dans l’ensemble, le crédit à plus long terme ne génère aucun rendement supplémentaire. Dans de telles circonstances, pourquoi prendre un risque de capital supplémentaire lorsqu’il est possible d’obtenir le même rendement avec des obligations à court terme?
Plaidoyer en faveur des obligations d’entreprises à court terme
Nous avons constaté que des rendements encore plus importants sont possibles avec des obligations d’entreprises à court terme. De plus, en associant duration faible et qualité de crédit élevée, les investisseurs peuvent bénéficier de rendements très attrayants sans s’exposer à des risques de capital élevés, même si l’éventualité d’une récession mondiale devait se concrétiser.
Nos stratégies Investment Grade visent à générer des rendements réguliers ajustés au risque en limitant l’univers d’investissement principalement à des titres qui sont considérés comme étant de qualité supérieure et moins exposés au risque de défaut.
En ce moment, les obligations d’entreprises à court terme présentent un attrait supplémentaire dû à l’aplatissement actuel des courbes de rendement, ce qui signifie, en jargon technique, que les «seuils de rentabilité» sont maximisés.
Une caractéristique spécifique de l’aplatissement actuel des courbes de rendement réside dans le fait que les indices de crédit Investment Grade de différentes échéances offrent des rendements identiques, une situation extrêmement rare.
Si les rendements sont identiques, il va de soi que les durations ne le sont pas, ce qui signifie que le «seuil de rentabilité» de chaque indice est radicalement différent. Le seuil de rentabilité est un concept simple: il désigne l’augmentation de rendement nécessaire pour obtenir une perte en capital correspondant exactement et inversement au rendement actuel de cette obligation (ou de cet indice ou de ce portefeuille). En d’autres termes, la question qui se pose est de savoir de combien le rendement doit augmenter pour qu’une perte en capital compense exactement une année de rendement.
Pour calculer ce chiffre, il suffit de diviser le rendement par la duration. Ainsi, dans les exemples présentés ci-dessus, le numérateur est approximativement le même à chaque fois, à savoir de 6,08% à 6,18%, mais les dénominateurs (durations) plus faibles des indices à plus court terme signifient que le seuil de rentabilité est nettement plus important pour l’indice à 1-3 ans et l’indice à 1-5 ans que pour l’indice couvrant toutes les catégories d’échéance.
Sur les marchés actuels, cela signifie que le seuil de protection des titres IG à 1-3 ans est de 330 pb, de sorte qu’il faudrait que le rendement de cet indice augmente à plus de 8,8% pour générer un rendement total négatif sur un horizon de douze mois. Pour les titres IG à 1-5 ans, le seuil de rentabilité est plus faible, mais demeure attractif (+235 pb), ce qui permettrait d’offrir une protection appréciable contre la hausse des rendements au cours des douze prochains mois, année durant laquelle il faudrait que le rendement total progresse à plus de 7,8%.
Toutefois, le seuil de rentabilité de l’indice couvrant toutes les catégories d’échéance n’accorde qu’une marge de manœuvre de 96 pb face à la hausse des rendements, ce qui porterait le rendement à 6,5%. Cette valeur de 96 pb se situe dans la fourchette des possibilités de hausse des taux et des rendements du crédit qui pourraient survenir au cours des douze prochains mois, ce qui signifie un risque plus important de rendement total nul, voire négatif, si les rendements devaient afficher une hausse supérieure à 96 pb.
Les données indiquent que les indices à plus courte échéance offriraient, eux, une bien meilleure protection pour se prémunir contre une volatilité accrue et des hausses de rendement.
En définitive, il nous semble donc que la combinaison d’une faible duration (pour protéger le capital), d’un crédit IG (où les rendements ajustés au risque se sont constamment montrés positifs et les risques de défaut faibles) et d’un investissement dans l’extrémité avant de la courbe de rendement (où les rendements peuvent être maximisés) est ce qui se fait de mieux en ce moment.
Ces opinions sont celles de TwentyFour au 3 octobre 2023. Elles peuvent changer et également ne pas être partagées par d’autres entités au sein du groupe Vontobel. TwentyFour, ses filiales et les personnes qui y sont associées peuvent (à divers titres) disposer de positions ou négocier des titres (ou des produits dérivés connexes) identiques ou similaires à ceux décrits dans le présent article.
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