Si les courbes de nouvelles contaminations et de décès sont toujours scrutées jour après jour par les investisseurs, l’attention portée à la situation sanitaire stricto sensu, et au virus lui-même, s’est progressivement déplacée vers les conséquences économiques de la pandémie. Ces derniers jours ont toutefois rappelé aux marchés qu’au-delà de la gestion de la pandémie, la composante sanitaire est une variable incertaine, susceptible d’influer fortement sur les scénarios économiques des prochains mois.

Olivier de Berranger

Différentes études font état de doutes sur le développement d’une immunité durable pour les personnes infectées. Si la production d’anticorps assurant une solide immunité à court terme semble attestée, il n’y a pas de certitude sur la pérennité de cette immunité. Ce qui rend la mise au point rapide d’un vaccin d’autant plus cruciale pour éviter la résurgence de la pandémie année après année. A court terme, les risques de seconde vague commencent à se concrétiser. Après l’apparition, fin mars, de nouveaux cas dans une partie de la province chinoise de Henan, conduisant à la mise en quarantaine du district de Jia, et alors que nouveaux cas apparaissent à Pékin, c’est Singapour qui subit de plein fouet une deuxième vague de contamination, plus importante et rapide que la première. Cela laisse craindre un redémarrage de la pandémie si les stratégies de déconfinement des Etats ne sont pas appropriées.

Le potentiel de surprises positives n’est toutefois pas nul. Jeudi soir, l’action du laboratoire pharmaceutique américain Gilead s’est envolée de 16%, après la diffusion, depuis un forum interne de l’Université de Chicago, de résultats très encourageants sur l’efficacité d’un médicament expérimental, le remdesivir. Actuellement en phase III, le laboratoire attend des résultats complémentaires sur un plus large panel de patients atteints du Covid-19 fin avril. A ce stade, nulle raison de crier victoire. Les résultats sont parcellaires et la méthodologie de l’étude clinique assez éloignée des standards habituels (échantillon réduit, absence de «double aveugle», une étude placebo sur des malades sévères étant inenvisageable). De plus, même en cas de confirmation de l’efficacité du médicament par des protocoles plus académiques, la capacité de Gilead à le produire rapidement et en masse est inconnue. Il n’en reste pas moins que la mise au point rapide d’un traitement aisément productible aurait un impact direct sur l’économie et les marchés: les stratégies de déconfinement en seraient grandement facilitées et permettraient un retour à la normale plus rapide. D’ailleurs, au-delà de la hausse compréhensible du titre Gilead, ces informations ont alimenté un regain d’optimisme sur les marchés actions en fin de semaine dernière.

Moins regardée ces dernières semaines par des marchés focalisés sur les annonces de banques centrales et des Etats et sur les résultats des entreprises, la variable sanitaire peut donc s’avérer cruciale. En l’état actuel des choses, bien que le mot «déconfinement» soit de plus en plus prononcé–notamment par D. Trump qui estime que certains Etats américains peuvent rouvrir «littéralement dès demain»–le retour à la normale de l’activité des entreprises et des échanges mondiaux promet de prendre du temps et donc d’avoir un impact durable sur l’économie. Adossée à des valorisations rendues peu attractives par le récent rebond–qui de plus n’intègrent qu’une révision modérée des anticipations de bénéfices et font abstraction du risque de seconde vague–, cette perspective est peu attrayante. Elle milite en tout cas en faveur d’une certaine prudence à moyen et long terme.

L’étude clinique de Gilead laisse néanmoins entrevoir un scénario dans lequel la variable sanitaire et pharmaceutique s’avèrerait être un game changer notable. Le sujet est donc à suivre de près, notamment en cas de confirmation à court terme.

 

Rédaction achevée le 17.04.2020


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