Si une partie de la forte hausse des marchés de ce début d’année s’explique par une correction des excès du dernier trimestre 2018, il est incontestable que le tournant accommodant pris par les principales banques centrales en a constitué le catalyseur.

Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier

Le vieil adage «don’t fight the Fed» semble ainsi de nouveau fonctionner. D’autant que la banque centrale américaine a tenu un discours plus «dovish» encore la semaine dernière.

Jerome Powell a commencé par indiquer que les membres de la Fed avaient été surpris par la récente forte dégradation des indicateurs économiques, alors que la banque centrale avait par ailleurs revu à la baisse ses objectifs de croissance pour 2019 (2,1% vs 2,3%) et 2020 (1,9% vs 2,0%). Il a également précisé percevoir plusieurs risques à même d’affaiblir encore davantage l’économie américaine, notamment les conflits commerciaux et le ralentissement économique mondial. Une prudence, couplée à une anticipation de ralentissement de l’inflation, qui justifie la révision à la baisse des projections de mouvements sur les taux directeurs en 2019. Une nette majorité des membres du FOMC (11 sur 17) n’anticipe ainsi plus aucune hausse de taux pour cette année. Certes, personne au sein de la Fed n’attend de baisse des taux directeurs, mais c’est là un important changement de cap puisque seuls deux membres envisagaient ce statu quo lors de la réunion de décembre. De plus, M. Powell a indiqué que le programme de réduction de la taille du bilan de la Fed serait interrompu à la fin du mois de septembre, au terme d’une diminution progressive.

Une Fed qui met un terme, temporairement en tout cas, à sa politique de normalisation monétaire, une Banque centrale européenne qui ne prévoit pas de la mettre en œuvre avant au moins 2020, une Banque du Japon et une Banque Populaire de Chine au diapason de ce ton très accommodant… une aubaine pour les marchés? En termes de réaction immédiate, incontestablement, les derniers mois l’ont démontré. A plus long terme, la donne est moins évidente. Les marchés actions ont d’ailleurs terminé la semaine nettement dans le rouge malgré ce nouvel assouplissement du discours de la Fed. Deux raisons essentielles à cela. D’une part,la politique et la géopolitique, avec une navigation à vue sur le Brexit et les conflits commerciaux, après les dernières déclarations de Donald Trump. Le président américain a en effet durci le ton envers Pékin, en expliquant que les tarifs douaniers instaurés sur les produits chinois resteront «en place pour une période conséquente». Il affirme vouloir être sûr que si un accord est conclu avec la Chine, «celle-ci le respectera».

D’autre part, et surtout, la macroéconomie. La journée de vendredi dernier a, de ce point de vue, été exécrable. Les indicateurs PMI préliminaires pour le mois de mars ont nettement déçu, aux Etats-Unis, au Japon comme en zone euro. Sur le Vieux Continent, ils ont même été très mauvais, avec un PMI manufacturier allemand qui s’est effondré à 44,7, à quelques encablures de ses plus bas de 2012. Cette nouvelle rechute inquiète, alors qu’on pouvait espérer, sinon une nette amélioration, du moins une stabilisation. Certes, ce ralentissement est la principale raison du tournant «dovish» des banques centrales et celles-ci disposent encore de nombreux outils pour agir sur l’économie. Mais dans le contexte macroéconomique et géopolitique actuel, imaginer que l’accommodement monétaire suffise à éviter les risques de choc majeur paraît bien trop optimiste.

 

Le retour des taux négatifs

Après la très décevante publication des PMI préliminaires de mars en zone euro, en France et en Allemagne, les taux longs européens ont nettement reculé. Pour la première fois depuis juin 2016, le taux allemand à 10 ans, le fameux Bund, est même repassé en territoire négatif, clôturant la semaine à -0,015%. Tout un symbole.

L’Allemagne en berne

En plus d’indicateurs PMI très décevants, l’Allemagne a vu le comité des conseillers économiques du gouvernement revoir sa prévision de croissance pour 2019. Alors qu’en novembre, il tablait sur 1,5% de croissance, il estime à présent que la première économie européenne ne devrait croître que de 0,8% sur l’année. Les «sages» notent en particulier qu’une escalade du protectionnisme dans le monde pourrait précipiter le pays dans la récession.