Il y a peu, une proposition visant à étendre Medicare (le régime public d'assurance-maladie américain) et à éliminer l'assurance privée aux États-Unis a durement frappé les valeurs du secteur de la santé. Andy Acker, gérant de portefeuille et Rich Carney, Analyste dans l’équipe dédiée aux sciences de la vie en explorent les conséquences pour les investisseurs.

Les dernières semaines ont été éprouvantes pour les valeurs du secteur de la santé

Andy Acker

Le 10 avril, le sénateur Bernie Sanders, candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine de 2020, a présenté un projet de loi pour un régime d’assurance-maladie universel: «Medicare pour tous». En vertu de ce régime, l’assurance privée aux États-Unis serait éliminée au profit de Medicare, le programme fédéral d’assurance-maladie pour les personnes âgées de 65 ans et plus, qui serait, lui, étendu à tous les Américains.

Sans surprise, les titres d’entreprises spécialisées en gestion intégrée des soins ont plongé d’environ 10% entre le 10 et le 18 avril. La correction s’est également propagée à d’autres sous-secteurs, notamment la biotechnologie et les produits pharmaceutiques, qui ont respectivement perdu 7% et 4% sur la période. Au 18 avril le secteur de la santé ressortait à l’équilibre par rapport au début de l’année, une performance à comparer au rendement total de plus de 16% pour l’indice S&P 500 (Source : Bloomberg, au jeudi 18 avril 2019. Rendements calculés en dollars américains).

Analyse de la correction

Il va sans dire que les investisseurs peuvent s’inquiéter de l’avenir du secteur des soins de santé. Ce projet de «Medicare pour tous» n’est pas le premier régime de santé à payeur unique à être évoqué aux États-Unis, mais, Bernie Sanders est actuellement l’un des principaux candidats démocrates, et le projet de loi a été soutenu par d’autres candidats démocrates importants, dont les sénateurs Kirsten Gillibrand, Elizabeth Warren et Cory Booker, ce qui suggère qu’une réforme de la santé pourrait occuper une place centrale dans les prochains 12 à 18 mois du cycle électoral. De plus, UnitedHealth Group, l’un des assureurs privés les plus importants aux États-Unis, a utilisé la présentation consacrée aux résultats trimestriels d’avril pour traiter de la question, ce qui semble avoir effrayé encore plus les investisseurs.

Toutefois, nous estimons qu’il est peu probable que le «Medicare pour tous» se concrétise aux États-Unis, pour plusieurs raisons essentielles.

Manque de soutien bipartisan

Malgré l’enthousiasme de certains candidats, les principaux leaders démocrates à la Chambre et au Sénat ont été réticents à appuyer la proposition, y compris la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, qui a déclaré qu’elle préférait essayer d’améliorer la loi sur les soins abordables (Affordable Care Act). En parallèle, les sociétés du secteur de la gestion intégrée des soins disposent d’un fort pouvoir de lobbying et d’importants moyens financiers pour lutter contre ce projet de loi.

Coûts considérables

Le coût d’un passage à un système de soins de santé à payeur unique aux États-Unis reste incertain à l’heure actuelle. Selon certaines estimations, les dépenses totales en soins de santé en pourcentage du PIB pourraient augmenter de milliers de milliards de dollars au cours des dix prochaines années, en fonction de la structuration des prestations et des taux de remboursements aux hôpitaux et autres prestataires. Selon d’autres estimations, les coûts pourraient en revanche diminuer.

La conception des prestations et les taux de remboursement sont des questions cruciales. Aujourd’hui, les remboursements effectués par les régimes d’assurance privés aux hôpitaux et à d’autres fournisseurs aident à subventionner les taux plus bas négociés dans le cadre du Medicare. Si des tarifs du même niveau que ceux de Medicare étaient imposés aux fournisseurs pour l’ensemble de leurs services, de nombreux praticiens pourraient être forcés à accepter une baisse de salaire voire même un licenciement, et bon nombre d’hôpitaux – dont la grande majorité n’est pas à but lucratif – seraient probablement amenés à mettre la clé sous la porte du jour au lendemain.

Par ailleurs, si le régime public d’assurance-maladie est très apprécié, il n’est pas sans quelques faiblesses. Ainsi, le fonds d’affectation spéciale couvrant les services de Medicare aux personnes hospitalisées devrait commencer à manquer d’argent d’ici 2026. Un renflouement et une augmentation du fonds nécessiteraient une augmentation considérable des charges sociales ou une réduction des prestations aux patients.

Malaise des consommateurs

Le passage de l’Affordable Care Act nous a appris que la plupart des consommateurs ne souhaitaient pas mettre en péril leurs prestations de santé existantes ou leurs relations avec les praticiens. Selon la Kaiser Family Foundation, plus de huit Américains sur dix bénéficient déjà d’une couverture par un employeur, Medicaid ou Medicare. La mise à plat de ce système serait très perturbatrice et serait probablement confrontée à beaucoup de résistance.

Conséquences pour les investisseurs

Tout bien considéré, la probabilité de passage du «Medicare pour tous» nous semble extrêmement faible (sans doute moins de 5%). Or, les valeurs du secteur de la santé se sont comportées comme si cette probabilité atteignait 20 voire 30% (le secteur a depuis effacé certaines pertes). À notre avis, cet écart a donné de l’attractivité aux valorisations de nombreux titres du secteur. Ainsi, de nombreuses entreprises que nous considérons comme étant de bonne qualité et dont nous pensons qu’elles ont un potentiel de croissance important s’échangent désormais avec des décotes importantes par rapport au marché.

Mais le plus important est que les fondamentaux du secteur de la gestion intégrée des soins nous paraissent solides. Dans les dernières années, les fournisseurs de régimes de santé ont pu accroître leur part de marché en développant des services intégrés à l’aide de la technologie, offrant ainsi une valeur ajoutée aux patients tout en réduisant les coûts. De telles initiatives ont entraîné une croissance régulière des revenus pour de nombreux assureurs, ce qui a favorisé la croissance des dividendes, les rachats d’actions et les performances positives des titres.

Par ailleurs, le secteur de la santé dans son ensemble traverse une période d’innovation sans précédent, tirée par une meilleure compréhension du génome humain et de nouvelles approches du traitement des maladies humaines allant des techniques à base d’anticorps aux thérapies géniques. Dans le domaine de la technologie médicale, de nouveaux dispositifs permettent désormais de réparer les valves cardiaques défectueuses sans opération à cœur ouvert et l’utilisation de robots permet des interventions moins invasives et plus précises que jamais. L’an dernier, la Food and Drug Administration des États-Unis a approuvé 59 nouveaux traitements – le record pour une année civile – et nous prévoyons de nouvelles approbations de médicaments prometteurs en 2019.

Les investisseurs devraient se préparer à une phase de volatilité accrue.

Malheureusement, l’incertitude entourant la réforme des soins de santé pourrait, à court terme, influer davantage sur les rendements du secteur que les fondamentaux. Les investisseurs devraient se préparer à une phase de volatilité accrue. Mais il existe, selon nous, des moyens d’en minimiser l’impact, notamment en se concentrant sur les sociétés qui développent des médicaments innovants qui répondent à des besoins médicaux importants et non satisfaits, ou encore des thérapies qui améliorent sensiblement les niveaux de soins actuels et sont susceptibles d’être remboursées, quel que soit le contexte politique. En outre, certaines entreprises échappent au débat sur les assurances, notamment celles qui génèrent des revenus importants à l’extérieur des États-Unis, celles qui fabriquent des produits payés comptant, comme les lentilles de contact ou les traitements cosmétiques, et celles de l’industrie de la santé animale.

Privilégier le long terme

Nous sommes convaincus que l’assurance privée aux États-Unis n’est pas en passe de disparaître. Des réformes sont toutefois probables. L’administration Trump a d’ores et déjà annoncé une réglementation pour Medicare imposant aux fabricants de médicaments de partager les remises avec les personnes âgées au moment de la vente, au détriment du système actuel, où les économies sont transmises aux gestionnaires des services pharmaceutiques, aux distributeurs et aux autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement en médicaments. L’administration étudie également une proposition qui exigerait que les prix négociés entre les hôpitaux et les régimes de soins de santé soient rendus publics.

À plus long terme, nous croyons que de telles initiatives pourraient apporter une transparence bienvenue dans un système complexe et coûteux, qui, à juste titre, suscite un vif mécontentement de la part des consommateurs. Dans ce contexte, les entreprises qui s’adaptent à ces réformes – que ce soit en mettant l’accent sur l’innovation, en améliorant l’efficacité, en réduisant les coûts ou en élargissant l’accès aux soins médicaux – pourraient être bien positionnées.


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