Les micropolluants (MP) sont les conséquences du confort de la vie moderne. Ces petits composés chimiques et biologiques sont disséminés dans les millions de produits des économies avancées.

Dieter Küffer, CFA
Gérant de portefeuille senior, Robeco

Les technologies actuelles de traitement de l’eau ne sont pas conçues pour traiter les MP et la concentration de ces derniers augmente dans les eaux souterraines et les milieux aquatiques. La vie marine en subit déjà les effets négatifs. Les humains pourraient être les prochains.

Heureusement, des technologies rentables existent.

De l’inconnu à l’omniprésence

Bien que microscopiques, les micropolluants ont le potentiel de causer des ravages considérables sur les écosystèmes et la santé humaine. Ces minuscules particules chimiques et biologiques, conséquences de la vie moderne, se développent dans les cours d’eau d’un monde développé de plus en plus sophistiqué. Les experts les désignent par des noms obscurs tels que aténolol, clarithromycine, diclofénac, diéthyltoluamide, isoproturon, acésulfame et méthylbenzotriazole.

Nous les connaissons à travers leurs produits finis, à savoir bêta-bloquants, antibiotiques, anti-inflammatoires, engrais, insecticides, édulcorants artificiels ou encore détergents de lessive. Ils permettent de sauver des vies, de soulager la douleur, d’améliorer le goût, de protéger les cultures et d’accroître le bien-être, entre autres avantages de la vie moderne. Plus de 143 000 composés chimiques ont été enregistrés pour un usage commercial rien que dans l’UE.1,2 Le Toxicology Program aux États-Unis a recensé 80 000 produits chimiques, avec environ 2 000 nouveaux produits chaque année.3 La liste des composés s’allonge lorsqu’ils se mélangent à nouveau après leur rejet dans la nature.

Principales sources de micropollution

Les ménages rejettent à eux seuls 70 % des MP issus de produits pharmaceutiques présents dans les eaux urbaines.4 De la même manière, des substances chimiques issus des produits d’hygiène personnelle et de nettoyage entrent dans le système. Les autres sources de micropollution sont notamment les herbicides et les insecticides des effluents agricoles ainsi que les eaux usées de sources industrielles servant à fabriquer des produits tels que des textiles, des pneus, des peintures, des plastiques, des carburants et des parfums.

Les ménages rejettent à eux seuls 70 % des MP issus de produits pharmaceutiques présents dans les eaux urbaines.5

Les systèmes conventionnels de traitement des eaux usées n’ont jamais été conçus pour détecter et filtrer ces polluants de taille microscopique, ce qui signifie que les concentrations en MP dans les océans, les eaux souterraines, les estuaires, les autres écosystèmes et même dans l’eau potable augmentent. Compte tenu de la raréfaction des ressources en eau propre, le recyclage et la réutilisation de l’eau sont voués à augmenter, de même que la micropollution.

Effets négatifs

Les MP biologiques peuvent être rendus responsables de la résistance croissante aux antibiotiques des organismes, des animaux et des êtres humains. Cela n’est pas négligeable si l’on considère que les décès humains dus à des infections résistant aux médicaments s’élèveront à 10 millions d’ici 2050.6 D’autres micropolluants comme les perturbateurs endocriniens présents dans les eaux usées sont responsables de l’œstrogénicité (ou « féminisation ») des poissons dans les milieux marins et des mutations génétiques d’origine chimique. Ils altèrent également l’intégrité génétique de l’ADN des organismes, une affection connue sous le nom de génotoxicité. Les perturbateurs endocriniens sont généralement présents dans les pesticides, les métaux, les additifs alimentaires et les produits d’hygiène personnelle.

Chez l’humain, bien que les études ne soient pas encore concluantes, les perturbateurs endocriniens peuvent potentiellement altérer la santé reproductive, augmenter l’incidence des cancers, affecter les systèmes immunitaires et retarder le développement neuronal des enfants.7 L’Organisation mondiale de la santé estime que les risques des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine sont largement sous-estimés.8

Si les effets connus des MP sur la vie marine et l’environnement sont préoccupants, les effets inconnus le sont d’autant plus. Nombreux sont ceux qui craignent que nous rejetions dans l’eau potable et les écosystèmes des composés mortels susceptibles d’avoir des conséquences catastrophiques sur la santé humaine et les écosystèmes.9

Situation actuelle

Les stations d’épuration et de traitement des eaux usées traditionnelles ont été conçues pour traiter des polluants à grandes particules. Par conséquent, la plupart de ces stations ne sont pas équipées pour filtrer et prévenir le rejet de MP de plus en plus petits dans les milieux aquatiques. Ainsi, les stations de traitement des eaux usées sont-elles devenues à leur tour des sources majeures de MP dans les pays industrialisés. Si rien n’est fait, les concentrations en MP et les niveaux de pollution augmenteront au fur et à mesure de la croissance démographique et économique.

De plus, de nombreux pays industrialisés ne sont pas capables de gérer des polluants aquatiques plus traditionnels. Les services britanniques de distribution d’eau ont récemment été rappelés à l’ordre suite à la mise en évidence de niveaux de pollution accrus dans les rivières, les eaux souterraines et l’eau potable.10 En comparaison, les micropolluants représentent un défi d’autant plus grand.

De l’autre côté de la Manche, les gouvernements s’inquiètent également de la qualité de l’eau. La Commission européenne a entrepris une révision de ses directives obsolètes sur l’eau potable, impliquant une qualité supérieure, des contrôles plus stricts et un meilleur accès du public aux données sur l’eau.11 Même la Suisse, qui dispose probablement de la meilleure eau au monde, a réalisé une étude entre 2006 et 2010 qui s’est traduite par des changements réglementaires et des investissements dans les technologies d’élimination des MP.12

Marchés émergents: un naufrage plus grave… et plus rapide

À mesure que les pays en développement s’industrialisent, et alors qu’ils sont déjà confrontés à une pénurie et à une pollution de l’eau, leurs perspectives s’aggravent en termes de volume métrique3. Selon Global Risk Insights, plus de 90 % des aquifères souterrains de Chine, qui fournissent l’eau potable du pays, sont pollués. En Inde, un autre pays à forte croissance, les perspectives sont tout aussi alarmantes.13

… plus de 90 % des aquifères souterrains de Chine, qui fournissent l’eau potable du pays, sont pollués.

Les tendances à long terme, comme la croissance démographique, l’urbanisation et l’industrialisation, impliquent des pénuries d’eau durables dans les marchés émergents. Le traitement des eaux usées constitue déjà une stratégie clé pour réduire le stress hydrique dans ces marchés. Cependant, comme dans les marchés développés, les charges actuelles de MP dans les eaux usées viendront augmenter la toxicité de l’eau si des investissements dans les technologies appropriées ne sont pas réalisés.

La solution réglementaire

Compte tenu de leur omniprésence et de leurs avantages évidents pour la santé, le commerce et la société, une interdiction totale de ces substances chimiques n’est ni politiquement ni économiquement viable. Les MP sous forme d’engrais, d’herbicides et autres matières organiques protègent efficacement les cultures et le bétail, assurant ainsi la sécurité alimentaire de milliards de personnes. De même, l’interdiction de composés chimiques priverait également des milliards de patients et de consommateurs à travers le monde de médicaments sauvant des vies et de produits améliorant le bien-être.

De plus, les obstacles réglementaires sont difficiles à mettre en vigueur et le processus s’avère long et complexe. On peut citer à titre d’exemple les récentes tentatives d’interdiction du micropolluant désormais tristement célèbre: le glyphosate.14

Conscients des risques, les gouvernements ont commandé de nouvelles études, cependant les résultats seront connus dans plusieurs années et la mise en œuvre d’une réglementation effective prendra encore plus de temps. En attendant, un nombre croissant de composés à une concentration supérieure continueront à s’accumuler dans les eaux.

Solutions avancées pour réduire la micropollution

Une meilleure approche consiste à réduire les MP et à empêcher leur pénétration dans les eaux naturelles et urbaines à la source (au niveau des stations de traitement des eaux usées). Heureusement, les technologies de traitement des eaux ont progressé au cours des dix dernières années et plusieurs alternatives (utilisées seules ou en association) sont désormais disponibles, notamment: l’osmose inverse (OI), l’oxydation avancée (ozonation), les bioréacteurs à membrane, l’adsorption sur charbon actif, la nanofiltration (NF) et la désinfection par ultraviolets (UV), à savoir le traitement par UV des polluants environnementaux.

Parmi toutes ces solutions, les études scientifiques et industrielles privilégient l’adsorption sur charbon actif et l’ozonation présentées comme les technologies les plus rentables et technologiquement réalisables pour cette tâche.

À court terme, les investissements requis pour mettre à niveau les infrastructures d’eau existantes entraîneront des coûts. Cependant, une mise à niveau de maintenance des systèmes actuels, même en l’absence de MP, serait également nécessaire, bien que nettement moins efficace, pour réduire la toxicité de l’effluent. Vu sous cet angle, les investissements dans les technologies de réduction des MP comme l’ozonation et l’adsorption sur charbon actif sont extrêmement rentables.

En revanche, le coût de l’inaction sur la vie marine et la vie terrestre est bien trop élevé pour que nous puissions l’ignorer.

Nous investissons dans les entreprises assurant la fluidité du cycle de l’eau afin de favoriser un fonctionnement optimal de la société et l’épanouissement d’une vie abondante sur la planète.

Le thème de l’eau offre des opportunités de croissance à long terme qui sont déjà en train de se concrétiser. La pénurie de l’eau dans de nombreux marchés émergents nécessitera des investissements accrus dans le secteur de l’eau.


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Notes
1. Micropollutants in Wastewater: Fate and Removal Processes, S. Das, N. Mitra Ray et al., chapitre du livre, Physico-chemical Wastewater Treatment and Resource recovery
2. Pour une liste complète des substances chimiques enregistrées au sein de l’UE
3. US National Toxicology Program, US Department of Health and Human Services
4. Reducing the Discharge of Micropollutants in the Aquatic Environment: The Benefits of Upgrading Wastewater Treatment Plants, Environmental Science & Technology, 2014, 48, 7683-7689
5. Antibiotic waste is polluting India and China’s rivers; big pharma must act, 25 octobre 2016
6. Report on the State of Science of Endocrine Disrupting Chemicals 2012, World Health Organization
7. Ibid, p. 22
8. UN Environment Programme (UNEP), Global Chemicals Outlook: Towards sound management of chemicals, 2012
9. Water companies warned on failure to reduce pollution incidents, Financial Times, 19 février 2018
10. http://ec.europa.eu/environment/water/water-drink/review_en.html
11. Reducing the Discharge of Micropollutants in the Aquatic Environment: The Benefits of Upgrading Wastewater Treatment Plants, Environmental Science & Technology, 2014, 48, 7685-86
12. Water Wars: China’s new weapon against India, 26 septembre 2017, Global Risk Insights
13. Glyphosate, Top-selling Weed Killer, Wins EU Approval for 5 years, New York Times, 27 novembre 2017
14. Reducing the Discharge of Micropollutants in the Aquatic Environment: The Benefits of Upgrading Wastewater Treatment Plants, Environmental Science & Technology, 2014, 48, 7686