La célèbre marque de chaussure suisse «On» vient de déposer un dossier pour une introduction en bourse de New York. Retour sur une vrai «success story» synonyme de qualité et d’innovation.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Charles-Henry MoncheauON AG, made in Switzerland!

De nombreuses sociétés au succès international ont vu le jour en Suisse. Mais jusqu’à 2010, aucune entreprise helvète n’avait osé s’attaquer au marché de la chaussure de sport, une industrie dominée jusqu’à lors par les géants Adidas, Nike et Asics.

Et pourtant, il s’agit bien d’une start-up zurichoise, ON AG, qui est en train de bouleverser le marché de la chaussure de «running». Aujourd’hui, plus de 7 millions de coureurs dans plus de 50 pays portent des «On shoes» aux pieds.

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Les trois fondateurs de On (source : site web de On) : Allemann, Bernhard et Coppetti

A la fin des années 90, le Suisse Oliver Bernhard, triple champion du monde de duathlon et multiple vainqueur d’Ironman, se retire de la compétition professionnelle. Il décide de se consacrer à la recherche d’une chaussure qui donnerait une sensation de course parfaite, une chaussure à la fois solide, adaptée au sport tout en étant d’une légèreté extraordinaire. L’atterrissage devait être aussi doux que possible, mais sans sacrifier la vitesse et l’explosivité. Objectif ultime: donner l’impression de «courir sur des nuages»…

Sur sa (nouvelle) route, Olivier Bernhard a la chance de croiser Caspar Coppetti, un ingénieur suisse qui partage la même ambition. Après quelques années de recherche, la symbiose parfaite entre expérience de course et expertise en ingénierie permet d’aboutir au projet et de breveter avec l’aide de Ecole Polytechnique de Zurich une nouvelle technologie d’amortissement. Le brevet obtiendra d’ailleurs le ISPO BrandNew Award, l’un des prix les plus importants pour l’innovation dans le sport.

C’est ainsi qu’est née il y a un peu plus de 10 ans la start-up zurichoise ON AG, David Allemann y apportant la touche marketing. L’entreprise a officiellement démarré en janvier 2010, et en juillet 2010, les premières chaussures étaient disponibles sur les étagères de certains magasins de sport.

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Aujourd’hui, ON AG est devenue une marque «premium» chez les coureurs aguerris mais aussi une chaussure privilégiée dans la vie courante et professionnelle. Les différentes générations veulent leurs chaussures On et il n’est pas rare d’en trouver une dizaine de paires dans les familles. ON AG a une part de marché de 40% dans les chaussures de «running» en Suisse et de 10% en Allemagne. Quelques 4’000 magasins dans plus de 50 pays vendent des chaussures On mais aussi des vêtements, très prisés par les sportifs. Les États-Unis sont désormais leur deuxième plus grand marché après la Suisse, grâce notamment à la vente en ligne.

Alors que Nike compte 76’000 employés et Adidas 57’000, On AG n’emploie actuellement que 400 personnes. Mais les 1’100 mètres carrés du nouveau quartier général à Zurich sont prêts à en accueillir davantage. 60 postes sont actuellement ouverts sur le site de On AG. L’entreprise suisse est devenue une multinationale avec des employés de 48 nationalités différentes et des bureaux dans six autres pays (Etats-Unis, Brésil, Japon, Australie, Allemagne et Chine). Même si la fabrique des chaussures est en partie délocalisée au Vietnam, les racines de On AG restent résolument suisses avec un focus sur la qualité, le respect des valeurs et une connaissance approfondie des fournisseurs avec lesquels ils travaillent.

Le soutien des athlètes

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Chaque chaussure est testée dans les Alpes en Engadine et tous les efforts de Recherche et Développements sont basés dans les «On Labs» à Zurich. Coppetti n’exclue pas un jour de fabriquer l’intégralité des chaussures en Suisse. Le style de management est également très suisse; les co-fondateurs sont tous les trois fortement impliqués dans la gestion et le développement de la société. Le processus décisionnel est «bottom-up» et collégial, chaque employé étant encouragé à partager ses idées avec les collègues.

L’année dernière, la popularité de la marque s’est encore renforcée grâce à l’arrivée de Roger Federer en tant qu’investisseur et consultant en design. Mais le «GOAT» n’est pas le seul sportif d’élite à amener son support à la marque. De nombreux athlètes professionnels, convaincus par la qualité des chaussures On en font beaucoup de publicité. Frederik Van Lierde qui a remporté les championnats du monde Ironman à Kona en portant les Cloudracer 2014, Nicola Spirig, qui a remporté la médaille d’argent au triathlon féminin à Rio 2016, l’athlète Ironman d’élite Tim Don qui a battu le record du monde en portant les chaussures On ou encore Matt Hanson qui a battu le record juste derrière lui se «montrent» avec des chaussures On.

Le développement durable au cœur de la stratégie

Les grandes marques de chaussure telles que Nike ou Adidas ont dû faire face à des problèmes de réputation au cours des dernières décennies. Dans les années 90s, ces grandes marques internationales avaient été pointées du doigt concernant l’exploitation de leurs employés et le travail des enfants dans leurs usines délocalisées en Asie. ON AG a appris des erreurs commises par ses compétiteurs et applique un contrôle strict de ses fournisseurs.

Les chaussures et baskets sont également critiquées pour les ravages causés à l’environnement, du fait de leur forte empreinte carbone et de l’immense gaspillage créé par les millions de paires de chaussures abandonnées tous les ans.

Même si les grandes marques internationales ont mis en place des stratégies de développement durable, ON AG est précurseur dans le domaine d’utilisation des ressources renouvelables. La partie de la chaussure qui permet la propulsion est «bio» et des efforts particuliers sont consacrés au choix des colles.

Mais les co-fondateurs admettent que de plus grands efforts doivent être entrepris, car 80% à 100% des matériaux utilisés par les chaussures actuelles ne sont pas biodégradables. C’est ce constat qui a notamment mené à la création de leur dernier modèle, «The Cyclon», qui est entièrement recyclable et uniquement disponible sous la forme d’un abonnement mensuel…

La dernière innovation de On: vous n’achetez pas, vous louez.

Pour ON AG, le véritable tournant en terme durabilité pourrait en effet venir de leur tout dernier modèle de chaussure et du nouveau mode de distribution, tous deux planifiés pour cet automne.

Les co-fondateurs de ON AG ont créé la chaussure en complète économie circulaire. Pour seulement 29,99 dollars par mois, les coureurs peuvent utiliser leurs chaussures et les renvoyer pour en recevoir de nouvelles dès qu’ils en ressentent le besoin.

En quelque sorte, ON AG reprend un modèle qui s’applique à de nombreuses industries: remplacer la possession d’objets par la location. Pensez par exemple aux DVD remplacés par Netflix, le recours au leasing plutôt qu’à l’achat de voitures ou encore l’abonnement Spotify qui a remplacé l’achat de CDs. Ce modèle peut tout à fait s’appliquer à la confection de vêtements ou de chaussures.

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Nouvelles chaussures Cyclon, entièrement recyclables (Source : Sur le site web)

Pour les amateurs de course à pied, voici les caractéristiques techniques de la chaussure: «The Cyclon» sera exclusivement proposée en blanc et ce afin qu’aucun produit chimique ne soit utilisé pour la teinture du tissu. Elles seront fabriquées à partir d’un extrait d’huile de ricin, une plante qui ne fait partie de la chaîne alimentaire d’aucune espèce animale. Plus de 50% d’une chaussure « The Cyclon » sera fabriquée à partir de cette ressource, y compris le rembourrage, les lacets et la languette. N’oublions pas non plus le SpeedBoard, le mécanisme de propulsion à base de polymère breveté par On, qui assure une poussée dynamique malgré les atterrissages en douceur.

Tout le reste de la chaussure sera recyclable, bien que certaines pièces soient encore fabriquées à partir de plastique issu d’hydrocarbures. Cependant, la société a assuré qu’elle travaillait dur afin de développer sa technologie et trouver des alternatives dès que possible.

Le processus de recyclage sera très simple: les chaussures seront envoyées dans des centres de recyclage régionaux, déchiquetées et reconverties dans le matériau d’origine qui a servi à les fabriquer.

On a annoncé que la chaussure Cyclon serait disponible à l’achat à l’automne 2021. La société s’attend à un nombre décent de clients, environ 200’000 au moment du lancement. Les fondateurs ont insisté sur le fait qu’il leur fallait un certain nombre de clients pour réaliser des économies d’échelle et faire fonctionner le système.

La localisation des clients est également importante. Ils devront être répartis de manière égale sur le globe afin de s’assurer une livraison dans les différentes zones géographiques. L’objectif est d’avoir environ 5’000 clients par pôle de distribution et de ne pas livrer avant d’avoir atteint cette masse critique. L’objectif du projet est d’être durable – dès lors, ON AG veut éviter d’annuler les bienfaits du recyclage par une logistique inefficiente qui ferait augmenter l’emprunte carbone.

IPO de ON AG: pourquoi les Etats-Unis?

2021.08.26.FlowBank ON AG Suisse USA

Sur la base de la dernière levée de fonds auprès de sociétés de capital-risque, ON AG était évaluée à plus de 2 milliards de dollars. La société de venture capital Stripes détient 12.4% des actions ordinaires de la société. Les co-fondateurs et Roger Federer font bien entendu parti de l’actionnariat.

Les rumeurs d’une entrée en bourse de ON AG se faisaient de plus en plus persistantes et ont donc été confirmées lundi 23 août lorsque la SEC (Securities Exchange Commission) aux Etats-Unis a annoncé avoir reçu un dossier d’IPO sur le New York Stock Exchange de la part de ON AG (sous le symbole boursier ONON). L’objectif initial avoué est de lever jusqu’à 100 millions de dollars, un montant qui pourrait être ajusté à un niveau bien supérieur une fois que l’évaluation aura été affinée.

Mais au fait, pourquoi une entreprise suisse dont le siège est à Zurich privilégie une cotation à New York? Et pourquoi pas sur la bourse Suisse?

ON AG n’est de loin pas la seule entreprise basée sur le continent européen à privilégier la bourse américaine. Il s’agit d’ailleurs d’une tendance observée auprès d’un grand nombre de sociétés européennes depuis le début du siècle. Il y a, bien sûr, l’avantage d’une meilleure liquidité sur le NYSE que sur le SIX (le marché boursier suisse). Mais il y a également la possibilité de bénéficier d’un multiple d’évaluation plus avantageux, le marché américain se traitant avec une prime par rapport aux autres marchés, en particulier pour les entreprises pas encore profitables.

A ce sujet, certaines sources indiquent que l’introduction en bourse pourrait permettre à On AG d’être valorisée entre 4 et 6 milliards de dollars…

Les détails du dossier F-1 d’introduction en bourse

La performance financière de ON AG telle que rapportée dans le Formulaire 1 est assez spectaculaire. En 2020, les ventes nettes se sont élevées à 425 millions de francs suisses, avec des marges brutes de 54,3%. L’entreprise a certes subie une perte nette de 27 millions de francs suisses mais avec la hausse des ventes au premier semestre 2021 et l’amélioration des marges brutes au-dessus de 60% pourraient permettre à On AG de sortir des chiffres rouges dès cette année. Au 1er semestre, les ventes ont atteint 315 millions de francs suisses (+85% par rapport au 1er semestre 2020) avec un bénéfice net positif à 3,8 millions de francs suisses. Le taux de croissance annuel moyen des ventes entre 2018 et 2020 s’élève à 66%. Des chiffres exceptionnels qui devraient attirer la convoitise des investisseurs suisses et internationaux lors de l’introduction à la bourse de New York…

2021.08.26.FlowBank ON AG chiffre d'affaires

 

NB : Il ne s’agit pas d’une recommandation d’achat ou de souscription

 

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