«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers
Par Florian Ielpo, Head of Macro et Philipp Burckhardt, Fixed Income Strategist et Portfolio Manager
En résumé:
- Les marchés sont actuellement à la recherche de qualité à mesure que le cycle décélère.
- Le crédit européen a récemment fait récemment preuve d’une meilleure qualité, celle-ci montrant mêmes des signes d’amélioration – celui-ci pourrait jouer dans le monde du crédit le rôle que les actions américaines jouent au sein des actions.
- La détérioration de la croissance en Europe semble moins prononcée qu’aux États-Unis, tandis que crédits américains et européens nous paraissent également chers : c’est le type position tactique que nous apprécions en ce moment.
Sur l’ensemble des marchés d’actions, le facteur « value » a connu une période faste alors le style « growth » est restée à la traîne tout au long de l’année 2022 et ce jusqu’en mars 2023. Cette tendance s’est récemment inversée. Ce différentiel de performance est souvent associé à la performance relative des actions américaines et européennes : Les États-Unis sont synonymes de qualité et l’Europe de valeur, pour ainsi dire. Si les marchés des actions ont récemment changé leur fusil d’épaule préférant les US à la zone Euro, en est-il de même pour les marchés du crédit ? Le spread transatlantique – c’est-à-dire la différence entre les spreads de crédit pour les obligations libellées en dollar et en euro – pourrait être affecté par la même tendance, les investisseurs préférant la qualité à la valeur. Or, la qualité ne se trouve probablement pas au même endroit que dans le cas des actions. Contrairement à une impression persistante, les marchés européens du crédit sont beaucoup plus résistants qu’ils ne l’étaient il y a quelques années. En outre, la situation macroéconomique européenne montre une plus grande résistance au cycle de resserrement qu’aux États-Unis, et les projections de défauts pour les deux zones soulignent clairement cette différence. Enfin, en termes de prix, le crédit européen et le crédit américain se négocient à des niveaux proches, ce qui justifie d’autant plus une préférence pour une qualité à prix raisonnable. Cette édition de Simply Put détaille ces différents éléments.
Le crédit européen: un crédit «qualité»
Pour répondre à la question «où est la qualité», il est nécessaire de s’intéresser aux noms et aux secteurs qui composent chaque univers d’investissement. Dans le cas du crédit européen et américain, les investisseurs pourraient encore avoir l’impression que le crédit européen s’apparent à ce qu’il était en 2011, au plus fort de la crise de la dette européenne. Rien n’est moins vrai aujourd’hui, et les marchés ont de plus en plus pris en compte ce changement de qualité. Lorsque l’on regarde la figure 1, c’est le message frappant qui ressort de l’étude des plus hautes valeurs atteintes par spreads au cours de chacune des 5 dernières crises de marché. En 2008 et 2011, le niveau le plus élevé des spreads des obligations européennes high yield a dépassé d’environ 100 points de base le niveau le plus élevé des spreads des obligations américaines. Depuis, l’inverse s’est produit, notamment en 2015 (avec le ralentissement chinois) et en 2020 (malgré les turbulences sur les dividendes des banques européennes). En 2022, en dépit du choc des taux, les spreads américains et européens ont plafonné à peu près à la même valeur: la résilience est du côté de l’Europe depuis maintenant près d’une décennie.
Cette qualité des spreads européens est-elle remise en cause ?
Les politiques de hausses de taux mises en œuvre par la BCE et la Fed aurait pu remettre en cause cette situation au cours des trois derniers chocs de marché. Avec un resserrement plus agressif de la part de la Fed que de la BCE, les spreads européens semblent moins souffrir des conséquences de ces politiques: c’est du moins ce que les agences de notation indiquent. La figure 2 donne une mesure de cette évolution, avec les prévisions de Moody’s concernant les taux de défaut attendus par zone monétaire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: Les faillites européennes devraient augmenter de 1% jusqu’en 2024, tandis que les défauts américains devraient augmenter d’environ 2,5%, avec un taux final de 5,8% (soit le double de la valeur actuelle). Cela reflète notre compréhension de la situation, en particulier après la crise des banques régionales américaines: avec un risque bancaire encore plus élevé aux États-Unis et une plus grande sensibilité aux matières premières (la classe d’actifs affichant les rendements les plus faibles cette année), le crédit américain n’a pas l’air très défensif. Une autre raison à cela est naturellement le fait que le complexe « tech » est composé d’entreprises « riches en liquidités », et qui sont donc sous-représentées dans les indices de crédit – à l’inverse de la situation des actions.
Une perspective qui s’obscurcit
La figure 3 ne manquera pas d’être révisée par les agences de notation au fur et à mesure que nous découvrirons l’ampleur de l’intensité des défauts. L’inspection de la tendance de la révision de ces notations est également essentielle: on y constate une légère faiblesse du côté américain et c’est le message de la figure 3. Les révisions des notations européennes montrent clairement une résilience plus importante, alors qu’aux Etats-Unis celles-ci affichent une détérioration continue depuis novembre 2021. Même si l’amélioration du sentiment de marché actuel a poussé les investisseurs à à accroitre leur exposition crédit de façon indiscriminée sur fond de marché primaire affichant une attrayante stabilité, nous pensons que l’heure est venue d’être plus sélectif dans nos expositions crédit avec une préférence pour l’Europe, plus défensive. L’analyse de la cherté relative des deux univers est loin de nous faire changer d’avis.
Des qualités différentes pour un prix similaire
Si la différence de qualité devrait maintenant sembler désormais évidente pour le lecteur, la valorisation de cette différence nous semble absente des marchés du crédit. La figure 4 compare les spreads de crédit américains et européens dans le cas de l’investment grade et du high yield. Si le crédit américain semblait cher jusqu’à la première partie du choc de taux (été 2022), depuis, il est devenu moins cher que le crédit européen. Avec la crise bancaire de mars, la situation s’est inversée jusqu’à ce que les deux crédits paraissent aussi chers l’un que l’autre. Aujourd’hui, nous avons atteint un point où – selon nos mesures – les deux régions sont au même prix, alors que subsiste une différence en termes de qualité.
En prenant en compte les yields plutôt que les spreads purs et en couvrant ces yields contre le risque de change, le crédit en Europe parait même encore plus attractif. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles les investisseurs ont commencé à investir dans cette classe d’actifs ces derniers temps.
Où va la macro ?
Il est probable que l’un des principaux éléments déclencheurs de la décision d’adopter enfin une attitude positive à l’égard du crédit européen se situe dans la sphère macroéconomique. Les spreads sont un phénomène cyclique et une détérioration relative entre les deux zones pourrait expliquer une préférence pour l’une ou l’autre. La figure 6 montre une comparaison entre nos indicateurs de nowcasting de croissance relative (États-Unis vs. zone euro) et les spreads transatlantiques à haut rendement. Le message qui se dégage de ce graphique ne va pas dans le sens du crédit américain. Selon notre indicateur, les conditions de croissance aux États-Unis sont beaucoup plus détériorées que dans la zone euro, ce qui est cohérent avec la détérioration des notations attendue par Moody’s. Historiquement, cette situation s’est accompagnée de spreads plus élevés aux États-Unis qu’en Europe, mais ce n’est pas le cas actuellement. Le fait que le marché n’ait pas encore intégré cette différence en termes de cycle peut faire de la situation actuelle un point d’entrée intéressant. L’ensemble des arguments nous semble assez convaincant : une meilleure qualité en Europe (qui est l’objectif actuel des investisseurs) et une détérioration macroéconomique relative, deux éléments qui n’ont pas été reflétés dans les spreads.
Pour dire les choses simplement, l’opposition entre US/Europe dans le cas des actions devrait se refléter à l’inverse dans les spreads de crédit, avec une préférence pour les obligations européennes, qui affichent une meilleure qualité.
Macro/Nowcasting Corner
L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs de nowcasting indiquent actuellement:
- Notre indicateur de croissance est resté stable au cours de la semaine. L’enquête de la Commission européenne sur la zone euro indique toutefois une moindre croissance dans la zone euro – enfin.
- La normalisation de l’inflation se poursuit et notre indicateur de nowcasting indique une période de stabilisation.
- Depuis le 15 juin, notre indicateur a franchi à la marge son seuil inférieur de 45% et s’y maintient depuis lors: l’image parfaite de ce que les marchés tentent d’évaluer, des taux marginalement plus élevés, avec la tentation de baisses à l’horizon 2024.
Source : Bloomberg, LOIM
Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).
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