Bakkt n'a pas eu autant de chance que de nombreuses sociétés technologiques lors de son introduction en bourse le 18 octobre dernier. Mais une semaine plus tard, le vent tourna en faveur de l'entreprise.
Par Esty Dwek, CIO
Si vous n’avez pas encore entendu parler de Bakkt, vous avez certainement entendu parler des fondateurs de l’entreprise. L’Intercontinental Exchange (ICE) qui détient la bourse de New York (NYSE) et d’autres bourses d’options et de contrats à terme aux Etats-Unis, a créé Bakkt il y a trois ans en tant que nouvelle société d’actifs numériques.
L’épouse du PDG d’ICE était d’ailleurs la première PDG de Bakkt, puis Gavin Calvin qui a dirigé les départements d’actifs numériques de JPMorgan Chase et de Citigroup a pris la tête. Bakkt n’est donc pas n’importe quelle start-up qui a émergé d’un garage, la société est née «sur un plateau d’argent».
Une plateforme pour échanger TOUT ce qui est digital
Bakkt a été créé pour servir un objectif précis: faciliter l’échange de toutes sortes d’actifs numériques, les rendre plus liquides et plus échangeables.
Il ne fait aucun doute que les crypto-monnaies constituent la majeure partie des revenus de l’entreprise, mais l’activité englobe également l’échange d’autres actifs numériques, tels que des points de fidélité de compagnies aériennes, d’hôtels, ou de magasins – bref, tous ceux qui offrent des points de fidélité à leur clientèle.
Selon Fortune Magasine, les consommateurs américains ont 1’600 milliards de dollars d’actifs numériques à ce jour, et Bakkt veut leur permettre de troquer ces points de fidélités entre eux, ou encore contre des crypto-monnaies. L’idée est bonne d’un point de vue des clients, elle l’est peut-être moins dans une perspective de business.
Acheter Bitcoin contre des points de fidélité Starbucks?
Les investisseurs ne sont donc pas fous de l’idée des points de fidélité échangeables, car il y a quelques obstacles. Avant tout, les entreprises émettent ces points de fidélité pour fidéliser leurs clients, qui ensuite retourneraient vers elles pour dépenser plus d’argent pour acquérir plus de leurs services. Pouvoir échanger ces points de fidélité contre de l’argent ou d’autres points de fidélité irait à l’encontre de l’idée même du concept. Par conséquent, Bakkt ne sera peut-être pas en mesure d’attirer le nombre critique de partenaires à bord de son programme d’échange de points de fidélité. Or, l’idéal serait d’en avoir autant que possible pour rendre l’univers d’échange séduisant pour les utilisateurs.
La bonne nouvelle est que Bakkt accepte tous les émetteurs de points numériques sur son application, et pas seulement ceux qui sont prêts à laisser leurs points de fidélité circuler. Le fait que la société vise à fournir une plateforme où les utilisateurs pourraient voir tous leurs actifs numériques rassemblés en une application unique est attrayant, mais attention! Si Starbucks laisse ses points de fidélité s’échanger contre Bitcoin, alors que son concurrent Costa Coffee ne le fait pas, ça pourrait pousser les consommateurs à choisir le café Starbucks et non celui de la compétition. Il pourrait donc y aurait un certain malaise pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu des ‘points échangeables’, et ça pourrait basculer dans les deux sens: les entreprises accepteraient d’échanger leurs points contre ceux d’autres, ou alors elles quitteraient la plateforme.
Pour l’instant, Choice Hotels, Starbucks et Google sont parmi les partenaires les plus connus de Bakkt, néanmoins la liste reste courte.
Les points de fidélité ne sont qu’une garniture, la vraie valeur réside dans les cryptos
Dans tous les cas, le véritable potentiel de croissance de Bakkt n’est bien sûr pas la plateforme d’échange qu’elle fournit pour les points de fidélité, mais c’est le potentiel d’impliquer le trading de crypto-monnaie dans cet écosystème, la possibilité d’échanger les points de fidélité contre des crypto-monnaies ou la possibilité d’émettre des points de fidélité en crypto-monnaies.
Il n’est donc pas surprenant que les nouvelles d’un partenariat avec Mastercard et Fiserv aient suscité autant d’intérêt pour l’entreprise et donné une impulsion au cours de son action.
Mastercard par exemple veut travailler avec Bakkt pour permettre à ses propres partenaires d’offrir des points de fidélité en crypto-monnaies et d’émettre des cartes de débit et de crédit en crypto-monnaies.
Il est certain qu’il y a un bon potentiel de croissance. D’ailleurs, suite aux nouvelles, les actions de Bakkt ont bondi de $8, le plus bas depuis qu’elles se traitent en bourse, à $50 en quelques séances seulement, ainsi inversant la tendance baissière qui a suivi une introduction en bourse qui s’est avérée moins qu’idéale pour la société. Le cours est revenu vers les $35 depuis lors.
Cependant, les investisseurs restent quelque peu sceptiques dû au fait que Bakkt arrive un peu tard sur le marché et rencontrerait des difficultés à se tailler une place décente dans cet environnement concurrentiel.
Bakkt en chiffres
Bakkt génère la plupart de ses revenus de deux manières. La société prélève 2% sur chaque paiement en tant que frais de transaction et gagne un spread de 2% sur chaque achat de crypto-monnaie ou sa reconversion en monnaie traditionnelle.
La société s’attend à générer près de 900 millions de dollars de revenus cette année, dont 94% provenant des transactions de crypto-monnaie. Mais il ne faut pas s’attendre à des bénéfices de sitôt; l’entreprise prévoit une perte de 169 millions de dollars en servant 9 millions d’utilisateurs actifs d’ici la fin de l’année. Mais, ce chiffre devrait plus que tripler pour atteindre 31 millions d’utilisateurs d’ici 2025.
Donc, si la croissance se déroule comme prévu, la société pourrait générer 6,6 milliards de dollars de revenus d’ici 2025, dont la plupart proviendront toujours des transactions de crypto-monnaie, et générer un EBITDA ajusté positif de 285 millions de dollars.
Les prévisions sont ambitieuses, mais la société pense pouvoir atteindre ces objectifs de croissance en sécurisant davantage de partenariats clés du type Mastercard, en se développant à l’étranger et en surfant sur la croissance exponentielle du marché des crypto-monnaies et leur acceptation accélérée dans les systèmes de paiements traditionnels.
Nord ou sud?
Bakkt fait face à une sérieuse compétition. Comme cité plus haut, la société souffrira certainement du fait d’être un retardataire sur le marché des applications d’actifs numériques. Et fournir l’échange entre les points de fidélité ne semble pas faire chavirer le cœur des investisseurs. Ce qui pourrait sauver Bakkt, c’est son offre de solutions en crypto, et bien sûr le potentiel de partenariat avec de grands noms qui voudraient également s’aventurer dans les crypto-monnaies.
Cependant, parce que le potentiel de profit dans le secteur de la crypto-monnaie est énorme, la concurrence est féroce. L’un des plus grands concurrents de Bakkt, Square, comptait 41 millions d’utilisateurs actifs sur sa plate-forme au deuxième trimestre et PayPal, qui est un autre concurrent sérieux, compte 361 millions d’utilisateurs actifs. Les concurrents dans l’espace crypto incluent Coinbase et Bitstamp, des noms qui sont déjà bien établis, donc Bakkt ne peut pas sortir du lot avec son offre d’échange de points de fidélité. La société devrait idéalement activer ses connections et annoncer plus de partenariats à faire saliver les investisseurs. Et l’entreprise a de bonnes connections pour le faire; tout le monde n’est pas fondé par le très établi Intercontinental Exchange.
L’avenir nous dira si Bakkt arrivera ou non à se tailler une place dans le marché des avoirs digitaux, mais pour attirer d’avantage d’investisseurs, la société doit annoncer des chiffres encourageants.
Les prochains résultats sont dus le 12 novembre. À l’heure actuelle, les actions Bakkt se négocient à environ dix fois les ventes de cette année, une valuation plutôt dans le bas de l’échelle. L’entreprise a donc intérêt à briller lors de sa première annonce de résultats en tant que société cotée en bourse.
NB : Il n s’agit pas de recommandations d’investissement