«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers
Par Florian Ielpo, Head of Macro
En résumé:
- Quand l’économie ralentit, les taux ont tendance à baisser. Cette baisse reflète surtout un recul de la prime d’inflation, plutôt qu’un recul des taux réels.
- Ce fait stylisé se confirme historiquement dans différents pays : aux États-Unis, au Japon ou en Grande-Bretagne, cet effet semble revenir systématiquement.
- La compression de la prime d’inflation pourrait expliquer le pouvoir de diversification des obligations dans les semaines à venir.
Le marché des obligations, et plus particulièrement celui des obligations à long terme, a récemment retrouvé un élan plus soutenu. L’éloignement du spectre de l’inflation des préoccupations du marché explique en grande partie ce reflux des taux, une évolution qui trouve ses origines dans la seconde partie du pivot de la Fed. Cette dernière, ayant fait de l’emploi son nouveau cheval de bataille, laisse présager un ralentissement à venir. La perspective de ce ralentissement, dont l’ampleur reste encore inconnue, pourrait-elle pousser les taux encore plus bas? C’est ce que beaucoup espèrent, mais la question demeure entière. Et si une baisse des taux se produit, sera-t-elle due à un déclin des taux réels ou à une baisse de l’inflation? Cette question est essentielle pour toute allocation de portefeuille en cette fin d’année.
Que se passe-t-il en fin de cycle?
Il est assez courant de travailler avec l’hypothèse qu’en fin de cycle, les taux commencent globalement à baisser, à mesure que les allocations des grands investisseurs se déplacent des actions vers les obligations. Le recul des actions explique la baisse des taux, et ce même recul se produit généralement en raison d’une dégradation des perspectives de résultats des entreprises – le ralentissement du cycle explique ce chassé-croisé. Si le phénomène est bien connu des allocataires d’actifs, la baisse des taux peut survenir pour deux raisons différentes, déjà bien comprises par Irving Fisher en 1930: les taux nominaux peuvent se décomposer entre taux réel et inflation anticipée. Si, à l’époque de la publication de «The Theory of Interest», il n’existait pas de marché de l’inflation anticipée, c’est aujourd’hui le cas dans plusieurs pays ou groupes de pays, notamment depuis la fin des années 1990. Forts de cette situation, nous sommes désormais en mesure d’étudier non seulement la trajectoire des taux nominaux lors des récents ralentissements, mais aussi la décomposition de cette trajectoire. La Figure 1 compare les deux composantes qui forment les taux du Trésor américain à 10 ans, avec en arrière-plan l’évolution de notre indicateur de nowcasting de croissance pour les États-Unis. Le graphique montre assez clairement que si les taux baissent lorsque notre indice de croissance recule, c’est essentiellement en raison d’un repli de la prime d’inflation. Les taux réels ont, quant à eux, tendance à augmenter plus qu’à reculer durant ces périodes. L’année 2020 est à cet égard exceptionnelle: les taux réels n’ont pas progressé pendant la pandémie, pour une bonne raison. La Réserve Fédérale, on s’en souvient, est intervenue massivement pour empêcher les taux de monter après l’annonce du premier plan de relance fiscal de l’administration Trump. Ces phases de ralentissement s’accompagnent généralement de programmes de relance budgétaire, et c’est l’une des raisons qui explique la progression des taux réels durant de telles périodes: l’État draine du capital pour financer cette relance et, ce faisant, fait monter le coût du capital – un effet d’éviction bien connu des économistes. Est-ce le cas seulement aux États-Unis?
Inflation en baisse, taux réels en hausse
En vérité, nous manquons cruellement d’observations pour valider le point que nous semblions détecter dans le paragraphe précéden : s’il est clair que le ralentissement de 2008 a effectivement vu les taux réels progresser et les anticipations d’inflation s’effondrer, l’effet a été plus faible en 2000 et inexistant en 2020. S’il existe probablement de solides raisons expliquant ces différences, nous pouvons pallier le manque de données chronologiques par une analyse dans différents pays: c’est ce que s’efforce de proposer la Figure 2. Celle-ci montre les taux réels moyens et la prime d’inflation moyenne par niveau de notre indicateur de nowcasting local dans trois cas: les États-Unis (cas déjà évoqué), le Japon et la Grande-Bretagne. La conclusion empirique semble résister à cette analyse géographique: le ralentissement du cycle local, tel que mesuré par nos indicateurs pour chacun des pays, conduit en moyenne à un recul de la prime d’inflation mais à un accroissement des taux réels. L’effet est surprenant de cohérences entre les différents pays.
Cette conclusion nous semble particulièrement importante à ce stade du cycle ainsi qu’à un moment où nous avons considérablement modifié notre allocation vers le monde obligataire. Si les taux baissent dans les prochaines semaines et les prochains mois, il est vraisemblable que cela soit davantage du fait d’une contraction de l’inflation anticipée que d’une contraction des taux réels. Comme nous l’évoquions la semaine passée, les taux réels peuvent bien se replier de quelques 25 points de base, mais l’inflation anticipée peut, quant à elle, facilement se replier de quelques 100 points de base en cas d’accident de cycle (à 10 ans aux Etats-Unis) – le pouvoir de diversification des obligations semble avoir de beaux jours devant lui de ce point de vue.
Ce que cela signifie pour All Roads
Le pivot récent de nos allocations All Roads vers davantage d’obligations s’inscrit dans ce contexte de pouvoir de diversification accru des investissements obligataires: l’expérience du début du mois d’août a démontré combien les obligations peuvent protéger les portefeuilles contre les incertitudes du cycle. C’est désormais un portefeuille composé de plus de la moitié d’actifs de couverture (obligations et stratégies de volatilité) qui constitue la recette des fonds All Roads. Cette diversification accrue (qui ne délaisse pas pour autant les actifs cycliques) a souvent été récompensée lors des semaines précédant les élections américaines, comme détaillé dans une chronique précédente. A ce stade du cycle, prudence rime avec diversification, et non avec désinvestissement.
Pour dire les choses simplement, si le ralentissement se confirme, il pourrait voir la prime inflation reculer plus vite que les taux réels, soutenant la valorisation des obligations.
Macro/Nowcasting Corner
Cette section rassemble l’évolution la plus récente de nos indicateurs de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises en matière d’inflation mondiale et les surprises en matière de politique monétaire mondiale. Ces indicateurs permettent de suivre les évolutions macroéconomiques les plus récentes qui font bouger les marchés.
Nos indicateurs de nowcasting indiquent actuellement:
- En dépit de nombreuses publications économiques, nos indicateurs de nowcasting de croissance restent notablement inchangés cette semaine: ils continuent de pointer vers une phase de ralentissement.
- Nos signaux d’inflation demeurent en zone neutre pour le moment tout en continuant leur progression: 62% des données collectées montrent une progression des pressions inflationnistes.
- Nos signaux de politique monétaire placent toujours Fed et BCE dans des conditions propices à des baisses de taux courts.
Source: Bloomberg, LOIM
Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawish.
A l’usage exclusif des investisseurs professionnels
Ce document est publié par Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited, autorisée et réglementée par la Financial Conduct Authority (la « FCA »), et inscrite au registre de la FCA sous le numéro 515393.
Lombard Odier Investment Managers (« LOIM ») est un nom commercial.
Ce document est fourni à titre d’information uniquement et ne constitue pas une offre ou une recommandation d’achat ou de vente d’un quelconque titre ou service. Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait illégale. Ce matériel ne contient pas de recommandations ou de conseils personnalisés et n’est pas destiné à remplacer les conseils d’un professionnel en matière d’investissement dans des produits financiers. Avant de s’engager dans une transaction, l’investisseur doit examiner attentivement l’adéquation de la transaction à sa situation particulière et, si nécessaire, obtenir un avis professionnel indépendant sur les risques, ainsi que sur les conséquences juridiques, réglementaires, fiscales et comptables. Ce document est la propriété de LOIM et est adressé à son destinataire exclusivement pour son usage personnel. Il ne peut être reproduit (en totalité ou en partie), transmis, modifié ou utilisé à d’autres fins sans l’autorisation écrite préalable de LOIM. Ce document contient les opinions de LOIM, à la date d’émission.
Ni ce document ni aucune copie de celui-ci ne peuvent être envoyés, introduits ou distribués aux États-Unis d’Amérique, dans l’un de ses territoires ou possessions ou dans les zones soumises à sa juridiction, ou à ou au profit d’une personne des États-Unis. À cette fin, l’expression « personne des États-Unis » désigne tout citoyen, ressortissant ou résident des États-Unis d’Amérique, toute société de personnes organisée ou existant dans un État, un territoire ou une possession des États-Unis d’Amérique, toute société constituée en vertu des lois des États-Unis ou d’un État, d’un territoire ou d’une possession de ce pays, ou toute succession ou fiducie assujettie à l’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis, quelle que soit la source de ses revenus.
Source des chiffres : Sauf indication contraire, les chiffres sont préparés par LOIM.
Bien que certaines informations aient été obtenues de sources publiques jugées fiables, sans vérification indépendante, nous ne pouvons pas garantir leur exactitude ou l’exhaustivité de toutes les informations disponibles auprès de sources publiques.
Les points de vue et opinions exprimés le sont à titre informatif uniquement et ne constituent pas une recommandation de LOIM d’acheter, de vendre ou de détenir un quelconque titre. Les vues et opinions sont à jour à la date de cette présentation et peuvent être sujettes à des changements. Ils ne doivent pas être interprétés comme des conseils d’investissement.
Aucune partie de ce document ne peut être (i) copiée, photocopiée ou dupliquée sous quelque forme que ce soit, par quelque moyen que ce soit, ou (ii) distribuée à toute personne qui n’est pas un employé, un dirigeant, un administrateur ou un agent autorisé du destinataire, sans le consentement préalable de Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited. Au Royaume-Uni, ce matériel est un matériel de marketing et a été approuvé par Lombard Odier Asset Management (Europe) Limited qui est autorisée et réglementée par la FCA. ©2022 Lombard Odier IM. Tous droits réservés.