Les marchés semblent se stabiliser cette semaine, après un vif rebond, en réaction au fort déploiement des supports publics et monétaires des derniers jours. En résumé, les deux principales incertitudes, évidemment liées, sont la durée de la pandémie, et les coûts associés, humains, économiques et politiques.

Par Gildas Hita de Nercy, Président du Directoire d’ELLIPSIS AM et Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation

 

Gildas Hita de Nercy

En négatif, les menaces (s’il faut n’en retenir que trois)

Les US s’enfoncent dans une crise sanitaire qui va avoir des impacts très importants sur l’économie et les élections à venir. Difficile de parier dès aujourd’hui sur une recovery «rapide». Un délai allongé accentuerait le coût humain, social, politique et la baisse du PIB au Q2 (-15% ? -20% ?).

Les difficultés de mise en œuvre opérationnelle des supports publics (sans précédent) qui sont déjà annoncés. Il faut en effet conduire ces flux là où ils sont indispensables, pas simplement dans la sphère financière (comme depuis 2008) mais aussi et surtout dans la vie réelle:

  • mettre en place et vérifier l’efficacité des nombreux et indispensables canaux de transmission, en particulier vers les ménages et les petites et moyennes entreprises
  • en Europe: clarifier le rôle de la BCE et de la mutualisation dans le financement des relances budgétaires (Corona bonds, mécanisme de stabilité débloqué? …)
  • aux USA, la FED va distribuer 0.5t$ vers les ménages, en «helicopter money» pour faire face à la violente remontée du chômage

En Europe, comme aux US, la pérennité du rebond sera aussi fonction de la détente du marché du crédit, car il passera par beaucoup de nouvelles dettes, publiques et privées. Tous les taux doivent rester aussi bas que possible, du souverain au corporate.

En positif, les espoirs

Nicolas Blanc

En Europe, les jours et semaines qui viennent devraient apporter des signes de ralentissement de la pandémie, en conséquence des mesures de confinement. La prochaine étape serait alors le déploiement de tests «en quelques semaines» pour permettre à une partie de la population de retrouver rapidement une vie professionnelle «normale».

Les signaux positifs dans le marché obligataire, depuis plusieurs jours:

  • la poursuite de la baisse de l’Itraxx depuis son pic de 740pb (au 27/03/2020)
  • après un premier mouvement de tension, généré par l’annonce de déficits budgétaires sans précédent, les programmes des banques centrales ont permis aux taux souverains de revenir vers leurs plus bas
  • le marché primaire obligataire « investment grade » est ré-ouvert

Le temps passe et la contagion aussi, avec son catastrophique coût humain. L’avenir va aussi dépendre du temps nécessaire pour envisager une sortie de confinement maitrisée:

  • le cas de référence, à confirmer vs le risque potentiel d’une deuxième vague, reste la Chine: 7 semaines de confinement et trois mois de trou d’air pour la croissance, équivalent sans doute à une baisse de 15% du PIB sur un trimestre annualisé
  • si ce schéma était confirmé pour l’Europe et les US, cela permettrait d’envisager un rebond du PIB au troisième trimestre 2020
  • selon nos économistes chez Exane BNP Paribas, les marchés actions anticipent statistiquement entre 2-5 mois avant la fin de la récession, ce qui laisserait espérer un raffermissement des marchés financiers au T2

Quelle situation technique pour les marchés?

Le contexte, caractérisé par un soutien marqué au crédit et par une forte pression sur les business models, est très favorable à la discrimination des performances et des risques et donc au travail de sélection des gestions actives.

Crédit

Les efforts déployés par les pouvoirs publics visent à éviter que la baisse violente du PIB ne déclenche des dommages irréversibles au travers de : 1/ d’une explosion du nombre de défauts par manque de liquidité (une crise très contagieuse elle aussi pour toutes les chaines de valeur ajoutée), et 2/ d’une catastrophe sociale (faillites, licenciements, contestations, …).

  • favorable aux marchés obligataires, et aux planchers obligataires des convertibles
  • spécifiquement favorable à des secteurs essentiels à la sortie de crise: santé, infrastructure digitale, banques de financement …

Action

Les différents pays et régions du Monde vont devoir tirer les leçons de la pandémie et s’y adapter. Cette crise va certainement provoquer une révision des priorités dans les investissements publics, confirmer le recul de la mondialisation, et conduire à renforcer la discrimination entre les modèles d’affaires.

  • relocalisation d’activité stratégique, pour raison de souveraineté régionale
  • dynamique accrue pour les activités essentielles en cas de crise
  • planification / réglementation accrue favorable aux développements durables
  • retour probable de nationalisation et du rôle de l’Etat

Valorisations

Elles restent comparables à celles observées lors des pics de stress de 2008/2009 et 2011/2012. Ces supports, très différents entre les planchers obligataires et les actions, sont favorables selon nous à la diversification Crédit/Action, pour le pilotage d’une reprise progressive de risque: du risque obligataire, vers le risque obligataire convertible en actions et enfin vers le risque actions.