La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

La stratégie de Boris Johnson pour contourner le Parlement s’est révélée être un échec. Il n’est pas évident cependant qu’il y ait lui-même beaucoup crû, ayant probablement en tête depuis le début qu’un passage par les urnes était inévitable. Avec son revers, il a pu présenter l’image d’un premier ministre populaire, souhaitant mettre en œuvre la volonté du peuple, opposé à un Parlement qui la méprise ouvertement. Il est cependant confronté à plusieurs difficultés aujourd’hui:

La tenue des élections ne dépend pas de lui. Il a besoin, soit d’une motion de défiance (par définition de l’opposition), soit d’une majorité des 2/3, qui suppose un accord du Labour. Or, ce dernier a fait savoir qu’il ne se laissera pas forcer la main et qu’il préfère attendre que le no-deal soit garanti. Incidemment, il nuit à l’image d’homme fort de son rival en l’obligeant à demander un report, contre ses promesses répétées.

Sa position en interne se fragilise. Le renvoi des députés frondeurs est déjà contesté au sein même de son gouvernement et son attitude vis-à-vis des écossais va laisser des traces.

Pour espérer gagner, il doit passer un pacte de non-agression avec le Brexit Party. Or, l’alliance avec des populistes est un jeu dangereux pour un parti de gouvernement, qui peut ternir l’image de modération et de rigueur intellectuelle des Tories.

Le tenue d’élections n’est pas l’assurance d’un déblocage de la situation. Seul un référendum le serait mais il est évidemment exclu par les Brexiteers, pour son caractère anti-démocratique. Boris Johnson n’a pas tort quand il déclare que les Communes compliquent sa position de négociation. A supposer même qu’il en ait eu l’intention, il est dans l’incapacité aujourd’hui de prétendre avoir obtenu des concessions réelles de l’UE. Ces derniers développements diminuent bien sûr la probabilité d’un hard Brexit cette année, ce que l’évolution de la livre a immédiatement reflété, mais diminuent aussi la possibilité d’un accord. Il faudra attendre les élections pour espérer y voir un peu plus clair.

Nervosité des taux longs

Après une tendance à la baisse irrépressible depuis un an, les taux évoluent cette semaine de manière erratique. Ceci résulte de plusieurs facteurs:

Deux développements récents réduisent le risque en zone euro et pénalisent les valeurs refuge. La nouvelle coalition en Italie écarte du pouvoir les dernières forces anti européennes dans les Etats du Sud de l’UE et leurs spreads sont tous au plus bas depuis la crise de 2012. D’autre part, la situation au UK réduit la probabilité d’un hard Brexit rapide.

Les derniers indicateurs avancés montrent que la Chine, certes, ralentit mais résiste aux assauts américains, et ses moyens de politiques de soutien restent très importants.

L’activité manufacturière américaine donne des signes d’essoufflement. Déjà en campagne, le président ne peut se permettre de laisser la situation dégénérer et il devrait éviter de faire encore monter la pression sur les chinois. On peut aussi s’attendre à des dépenses publiques de séduction des électeurs, qui viendront soutenir la croissance.

D’un point de vue fondamental, avec toute l’incertitude entourant ces estimations, le niveau de la prime entre la croissance nominale attendue et les taux à 10 ans indique un taux d’accommodation (ou d’euthanasie du rentier) proche des plus bas déjà atteints. Les coûts associés pour les investisseurs institutionnels deviennent donc très élevés, la poursuite de l’écartement de cette prime semble plus difficile, sauf à ce que des mesures de grande ampleur soient annoncées par la BCE la semaine prochaine.

Les porteurs de dettes souveraines longues sont donc exposés aux risques croisés d’une reprise de la croissance, de l’inflation et de la timidité de la BCE.