Après une période au cours de laquelle les thèmes de l’inflation et de la hausse des taux ont régné en maître, les bénéfices devraient désormais être au centre de l’attention des investisseurs en actions. Axelle Pinon, membre du comité d’investissement de Carmignac, met en lumière les principaux thèmes à suivre pour cette saison des résultats.

2022 n’a pas été une année facile pour les investisseurs en action. Nous avons assisté à un supercycle de hausse des taux de la part des Banques centrales à travers le monde sous la pression de l’inflation. Ces mouvements ont entraîné une baisse significative de la valorisation des principaux indices, en particulier de certains segments de croissance spéculatifs. Mais en dépit de cet ajustement, il ne faut pas croire que  les marchés actions dans leur ensemble sont désormais bon marché.

Si, en 2022, les entreprises se sont montrées dans l’ensemble résilientes malgré le choc d’inflation, nous nous attendons à ce que les bénéfices de nombreuses d’entre elles se réduisent en 2023, les marges étant comprimées par des conditions financières plus resserrées, des coûts de production toujours élevés et une demande plus faible.

Nos trois thèmes pour cette saison des résultats sont les suivants:

1. Les résultats du T4 2022 devraient afficher le premier trimestre de croissance négative depuis le T3 2020

Si la croissance des résultats du dernier trimestre de 2023 devrait se contracter,  cela ne devrait pas être une surprise pour les marchés qui, au cours des derniers mois, ont revu leurs attentes à la baisse (de plus de 10% pour le S&P 500). L’attention des investisseurs ne devrait donc pas se concentrer sur les chiffres du 4e trimestre, mais sur les commentaires des entreprises concernant leurs perspectives pour 2023.

2. Les prévisions de bénéfices pour 2023 restent trop élevées

Compte tenu des perspectives macroéconomiques difficiles pour l’année à venir, les précisions de bénéfices du S&P500 semblent encore optimistes, avec une croissance de 4 % (à 229 dollars par action estimé). Selon nous, la probabilité d’une récession reste élevée, et en ce début d’année, le scénario d’un rallye boursier fondé sur l’espoir d’un atterrissage en douceur de l’économie mondiale semble s’éloigner.

En effet, nous estimons que les bénéfices devraient être négatifs cette année même si cette baisse ne sera pas aussi sensible que celle qui est observée lors d’une récession classique. Elle devrait être due à une pression croissante sur les marges des entreprises.

3. Les perspectives de marge et la maîtrise des coûts au cœur des préoccupations des investisseurs 

Au cours des 12 derniers mois, l’inflation a contribué positivement à la profitabilité des entreprises. Leur capacité à augmenter leurs prix sans entraver la demande grâce à la bonne santé de la consommation leur ont permis de préserver leurs marges malgré la forte hausse des coûts de production.

Cependant, à mesure que l’élasticité des prix se fait sentir et que les perspectives s’assombrissent, la demande va s’affaiblir. Le pouvoir de fixation des prix devrait donc se réduire, laissant les entreprises coincées entre des coûts de main-d’œuvre toujours en hausse et un ralentissement des prix à la production ou de la demande.

Dans ce contexte, selon nous, seules les entreprises présentant des marges bénéficiaires saines et un endettement relativement faible sont susceptibles de résister à l’impact négatif de la compression des marges. Au sein de nos portefeuilles actions, nous privilégions la diversification, en trouvant un équilibre entre des secteurs offrant des valorisations raisonnables et/ou un bêta faible et une sélection très rigoureuse de valeurs de croissance qui devraient bénéficier d’une stabilisation des taux d’intérêt.

Sur le plan géographique, les investisseurs pourraient détourner leur attention de l’Ouest pour se concentrer sur l’Est, à savoir la Chine et, dans une moindre mesure, le Japon. Ces deux pays connaissent des changements majeurs : l’un avec la réouverture de son économie, l’autre avec l’inversion de sa politique monétaire. Au sein de « l’Occident », nous considérons le marché américain comme moins attrayant en raison d’une valorisation relativement plus élevée et d’un risque plus important pour les bénéfices. L’Europe, en revanche, offre des valorisations raisonnables et un potentiel de révision à la baisse des perspectives de bénéfice plus limité en raison d’un risque réduit sur le front énergétique.

Deux secteurs attirent notre attention

Consommation

Les économistes du monde entier examinent l’état de la consommation pour déterminer l’ampleur de la récession imminente. Jusqu’à présent, les consommateurs se sont montrés résilients malgré des hausses de prix généralisées, préservant ainsi la santé des entreprises du secteur de la consommation, qui ont tenté de répercuter leurs coûts. Mais l’année 2023 a débuté sur un ton plus pessimiste.

Nous avons déjà assisté à des licenciements massifs chez Amazon, à une mise en garde concernant le risque de faillite de Bed Bath & Beyond, à la publication d’une perte trimestrielle de 3,7 milliards de dollars par Walgreens, sans oublier l’annonce de fermetures chez Macy’s et la révision à la baisse du chiffre d’affaires du quatrième trimestre.

Cependant, aucune de ces annonces n’a constitué de réelle surprise pour les investisseurs. Les positions vendeuses étant très nombreuses sur ces titres – comme sur l’ensemble des noms de consommation de moindre qualité et à fort effet de levier – ces nouvelles ont déclenché des mouvements techniques de «short covering» entraînant une surperformance significative de ces valeurs sans réel lien avec les fondamentaux.

Au-delà de la riche actualité de ce début d’année, nous avons identifié trois points d’attention principaux pour le secteur de la consommation en cette saison des résultats:

  1. Les sociétés de consommation les plus à risque sont celles dont les problèmes de stocks excédentaires ne sont pas encore résolus, ainsi que celles dont la capacité de fixation des prix est limité.
  2. Lors des publications de résultats, il sera question de comparer les attentes à la réalité. Jusqu’à présent, pour le quatrième trimestre 2022, la décélération de l’économie a été modeste,  et les attentes des investisseurs faibles, tout comme le positionnement du marché. Par conséquent, en l’absence de mauvaises surprises, cela pourrait suffire pour que certaines valeurs rebondissent (restauration, compagnies aériennes, automobile etc.).
  3. La force de la marque et/ou l’innovation produits seront nécessaires aux sociétés de consommation pour sortir du lot dans un contexte plus difficile.
  4. Un segment devrait émerger de la morosité: le secteur du luxe, en raison:
  • Du pouvoir de fixation des prix: des entreprises comme Hermès ont déjà augmenté leurs prix dans toutes les catégories de produits. Ces hausses devraient soutenir la croissance en 2023.
  • De la reprise de la consommation chinoise (stimulée par l’important excédent d’épargne des ménages), qui devrait profiter aux ventes en Chine continentale et dans le reste du monde.

Technologie

Le modèle de la plupart des entreprises technologiques – d’importants programmes d’investissement visant à alimenter la croissance à long terme au détriment de la rentabilité à court terme – a été complètement remis en question par les investisseurs au cours de l’année dernière. En effet, la fin des politiques monétaires accommodantes a conduit les investisseurs à se concentrer davantage sur la rentabilité que ces entreprises peuvent dégager à court terme. L’exemple du groupe Meta, qui continue à investir de façon trop agressive dans des initiatives à long terme en dépit d’une forte décélération de la croissance de ses revenus, a parfaitement illustré ce que les investisseurs ne veulent plus.

Cet état d’esprit axé sur la rentabilité au détriment du potentiel de croissance de long terme devrait prévaloir en 2023. La plupart des entreprises technologiques commencent à l’intégrer, comme en témoignent les premières annonces de licenciements et de coupes budgétaires. Néanmoins, nous prévoyons que ce changement de mentalité mettra du temps à s’installer réellement.

Des mesures d’économies sont nécessaires au sein des entreprises technologiques car une grande partie d’entre elles souffrent encore d’un besoin d’ajustement post-Covid. En effet, elles ont été nombreuses à extrapoler les tendances Covid. Elles sont, maintenant, à bout de souffle. Pour Meta, même après l’annonce des licenciements, les effectifs sont encore supérieurs de 50 % à ce qu’ils étaient début 2020.

Soulignant cela, le PDG de Microsoft, Satya Nadella, a déclaré la semaine dernière qu’il y aura encore deux années de douleur avant un rallye technologique « massif ».

Ces réductions de coûts, notamment dans la big tech (Meta, Salesforce, Microsoft, etc.), auront un effet de ricochet sur l’ensemble du secteur puisque ces entreprises étaient celles qui dépensaient le plus.

L’ensemble de ces menaces devrait peser sur le secteur technologique au cours de cette saison des résultats et en 2023. En outre, les expansions des multiples de valorisation devraient être beaucoup plus limitées pour ces titres qu’au cours des dix dernières années. La raison principale est qu’il est peu probable que nous revenions à un cadre d’inflation de 0 à 2%, ce qui implique des taux durablement plus élevés et donc des multiples plus faibles

Toutefois, certaines actions, comme Meta, se négocient à des niveaux particulièrement élevés (13x P/E à un an), de sorte que la réaction du cours de l’action dépendra des résultats réels par rapport aux prévisions. En somme, toute nouvelle positive sur le front des Capex/Opex pourrait entraîner un fort rebond.

 

Fonds Carmignac à chf 9 sur la plateforme Swissquote


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