«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers
Par Florian Ielpo, Head of Macro
En résumé:
- Les données d’enquête auprès des banques montrent un durcissement dans l’attribution des prêts aux agents économiques.
- Tous les prêts ne sont pas logés à la même enseigne et avant prise en compte de l’impact de la crise bancaire, les prêts immobiliers n’ont pas subi de durcissement particulier.
- Si leurs normes d’attribution se durcissent, l’impact économique pourrait bien se faire sentir, allant de -0.25% à près de -1%, d’après données américaines.
La crise bancaire semble derrière nous, mais sa principale raison subsiste: les taux sont hauts, et l’inflation qu’ils combattent ne fait que ralentir, sans baisser réellement. Dans sa lutte contre l’inflation, la banque centrale pourrait cependant bien compter sur un allié de poids, quelque peu indésirable: une baisse de l’attribution des prêts par les banques de second rang aux agents économiques. Il est essentiel à ce stade du cycle de tenter de mesurer quel peut être l’impact potentiel sur la croissance économique de la rupture potentiel de ce canal du crédit qui a tant préoccupé la BCE récemment. Si le barrage cède, quelles conséquences pour l’économie elle-même – car si nos estimations sont justes, il se pourrait bien que nous regrettions collectivement l’inflation face à l’impact en termes de croissance de la contraction du crédit bancaire.
L’offre de prêt a déjà commencé à se contracter
Le point de départ de notre analyse ne se situe pas du côté de la demande de prêt – une démarche tout aussi intéressante – mais bien du coté de l’offre de prêt. On l’a déjà mentionné dans ces chroniques régulièrement, le principal impact de la crise bancaire de mars n’est plus à rechercher du coté micro, mais bel-et-bien du côté «macro». Le canal du crédit qui transmet la politique monétaire à l’économie elle-même s’appuie sur la capacité à la banque centrale à contraindre les banques à prêter moins, en renchérissant le cout du crédit, faisant progresser les probabilités de défaut, et en faisant également baisser la valeur du collatéral que ces mêmes banques utiliser pour trouver le financement nécessaire à leur opération de transformation bancaire.
Avec la montée du risque systémique bancaire, le travail a été fait, et probablement même trop bien fait. Les banques les plus vertueuses du système, celles qui sont les mieux capitalisées et les plus prudentes, vont désormais servir l’exemple à l’ensemble du secteur, et l’offre de prêt ne manquera pas de se réduire – le fameux effet «macro». Plusieurs données d’enquêtes permettent de suivre cette velléité des banques à prêter de l’argent, et aux Etats-Unis, les observateurs du cycle macro suivent généralement l’évolution de la «Fed Loan Officer Survey» qui recense et mesure l’évolution du durcissement des normes de prêts (« tightening standards »). Le graphique 1 présente l’évolution de cette enquête pour différents types de prêts, avec des données s’entendant jusqu’en janvier 2023, laissant donc de côté l’impact de la crise bancaire. A cette date, la velléité des banques à prêter de l’argent s’était d’ores-et-déjà largement détériorée pour la plupart des motifs de prêts: crédit à la consommation, crédit aux entreprises ou crédit auto. Seul le crédit hypothécaire n’avait pas subi une telle détérioration – on peut aisément imaginer à quel point cette dernière série de donnée devrait se détériorer ces prochains mois à présent que la frilosité va soudainement gagner le secteur. La question qui se pose est maintenant: quel impact sur la croissance?
Source : Bloomberg, LOIM
Cette contraction peut couter jusqu’à 1% de croissance
Il existe des techniques économétriques standard permettant de simuler l’impact dynamique d’une série économique sur un groupe de variables, et nous y avons régulièrement recourt dans cette chronique (les fameuses «impulse response function»). Le graphique 2 présente l’impact d’une augmentation d’une écart type standards (ces valeurs sont reportées en Figure 1) de chaque enquête du Fed Loan Officer Survey, sur chaque sous-composante de la croissance américaine en termes réels, sur la période 1990-2022. Deux conclusions essentielles peuvent être tirées de ce graphique:
- Sans surprise, le gros de l’impact du durcissement des conditions d’attribution de crédit impacte l’investissement résidentiel et non-résidentiel. Quel que soit le motif de prêt, l’investissement est la variable la plus négativement affectée. La consommation, elle, ne souffre que marginalement: on durcit les conditions de prêt quand l’économie va trop bien, reflétant ainsi le commandement de la banque centrale à prêter moins. Dans de telles circonstances, la demande se porte bien.
- Parmi les motifs pour lesquels on emprunte de l’argent, il n’en est qu’un seul dont le durcissement amène un recul de l’ensemble des éléments qui font la croissance américaine : le prêt hypothécaire. C’est précisément ce dernier qui n’a pas encore montré de durcissement de ses pratiques dans les données, comme la figure 1 l’illustre bien. Il en ira bien autrement dans les mois qui viennent, et c’est probablement «la» série de données à suivre dans ce grand rapport de la Fed.
Ainsi, historiquement, un durcissement des conditions de prêts hypothécaire d’un écart-type coutent environ 25 points de base de croissance à l’économie américaine sur une année. En 2008, la variation de l’indicateur avait atteint les 3 écart-types, coutant un peu moins de 1% de croissance réelle aux Etats-Unis. Gageons que si l’offre de prêts immobiliers se tarit à nouveau, la direction de l’impact ne devrait pas différer – son ampleur reste à mesurer.
Source : LOIM, Bloomberg
Pour dire les choses simplement, avec la crise bancaire, si l’est un type d’offre de prêt dont on devrait se méfier, ce sont les prêts immobiliers. La crise bancaire pourrait durcir les conditions de leur attribution et couter en termes de croissance économique.
Macro/Nowcasting Corner
L’évolution la plus récente de nos indicateurs propriétaires de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs nowcasting indiquent actuellement:
- La croissance mondiale ralentit mais notre indicateur a progressé au cours de la semaine, les données chinoises montrant une reprise en cours.
- Les surprises en matière d’inflation devraient encore être négatives, car notre indicateur reste profondément ancré à des niveaux inférieurs à 50%.
- La politique monétaire devrait refléter une certaine modération aux États-Unis et dans la zone euro principalement: quelques hausses supplémentaires sont probablement prévues, mais leur ampleur devrait être limitée et conforme aux attentes.
Note de lecture: L’indicateur de nowcasting de LOIM rassemble des indicateurs économiques de manière ponctuelle afin de mesurer la probabilité d’un risque macroéconomique donné – croissance, surprises d’inflation et surprises de politique monétaire. Le Nowcaster varie entre 0% (faible croissance, faibles surprises d’inflation et politique monétaire dovish) et 100% (forte croissance, fortes surprises d’inflation et politique monétaire hawkish).
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