Les valorisations sont devenues plus attractives qu’en début d’année 2018.
Sur la base des fondamentaux qui ont cours aujourd’hui, quel est le potentiel de performance dans les marchés émergents?
Nous gérons un portefeuille globalement diversifié qui se concentre sur la dette souveraine des marchés émergents, libellée en devises locales et en monnaies fortes, ainsi que sur leurs obligations d’entreprises.
Nos principaux thèmes d’investissement en 2017 ont intégré une hausse de l’allocation du fonds dans les obligations libellées en devises locales mais la correction des derniers mois sur les obligations émergentes en dollar a quelque peu changé la donne car elles offrent des valorisations plus attractives qu’en début d’année 2018. Les spreads de crédit se sont beaucoup écartés à la fin du premier semestre 2018 et de nouvelles opportunités ont apparu, tel que les obligations d’entreprise a haut-rendement en Chine, même si les facteurs techniques restent difficiles en raison de récents défauts.
Sur le plan des devises, quel est votre sentiment du moment?
Nous continuons à trouver de la valeur dans les obligations en devise locale car d’une part les devises émergentes sont en majorité sous-évaluées, et d’autre part les rendements réels – c’est-à-dire les rendements ajustés des attentes d’inflation – des obligations en devise locale continuent d’être attractifs en comparaison avec les rendements sur la dette des pays développés. Cet écart (ou prime) est d’ailleurs bien plus important qu’avant la période dite du «taper tantrum».
Au premier trimestre, nous avons acheté des emprunts d’Etat malaisiens libellés en ringgit, la devise locale. En tant que producteur de pétrole, nous pensons que la Malaisie est bien placée pour profiter de la vigueur des cours de l’or noir. Ailleurs, sur des marchés plus restreints, nous avons relevé notre allocation en peso dominicain, car nous pensons que la valorisation du marché obligataire en République dominicaine est aujourd’hui attrayante.
Pour illustrer la façon dont nous exploitons des périodes de plus forte volatilité, nous avons ajouté au fonds une exposition de 1,5% à des emprunts d’Etat argentins en monnaie locale car avec des taux à 40% et une inflation de 25% les rendements réels étaient tout à fait intéressants. Nous en étions sortis au cours du premier trimestre, tout en maintenant les positions que nous avons sur d’autres segments en Argentine, ce qui a permis de limiter l’impact de la récente dépréciation du peso sur la performance du fonds.
Selon vous, quel impact pourraient avoir sur les économies émergentes l’aplatissement de la courbe des taux US et l’appréciation du dollar?
La hausse des taux d’intérêt et d’une augmentation de l’inflation aux Etats-Unis est l’un des principaux thèmes ayant émoussé les rendements sur les marchés obligataires mondiaux depuis le début de l’année. Dans ce contexte, les rendements ont pourtant augmenté sur plusieurs segments du marché des grandes obligations souveraines, dont les bons du Trésor américains. Or, la hausse des Treasuries est susceptible de peser sur les marchés obligataires émergents, d’autant que l’appréciation du dollar a également suscité quelques inquiétudes liées à l’alourdissement des coûts de financement pour les émetteurs émergents d’obligations libellées en dollars. Les marchés ont certainement raison d’intégrer ces éventuelles implications, mais nous pensons que d’autres éléments favorisent aussi bien la dette émergente libellée en monnaie forte que celle libellée en devises locales. Parmi ces éléments figurent par exemple la tendance à une croissance synchrone de l’économie mondiale et le relèvement des prix sur le marché des matières premières, à commencer par le pétrole.
De plus, les obligations émergentes continuent d’offrir un rendement additionnel attrayant, comparées à leurs homologues des marchés développés où les taux restent particulièrement bas, comme en Europe et au Royaume-Uni. Nous constatons que les taux plus élevés proposés par les obligations émergents, comparées encore une fois à leurs homologues des pays développés, offrent des rendements réels bien solides dans de nombreux cas. Dans les marchés émergents, la grande diversité à la fois de la dette souveraine et des obligations d’entreprises constituent un autre élément favorable.
Alors que le resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis monopolise toujours l’attention, nous notons qu’un environnement de taux d’intérêt plus élevés est moins problématique pour beaucoup d’économies émergentes par rapport aux cycles précédents.
Cela s’explique largement par les améliorations qu’elles ont apportées à leurs comptes courants, ainsi qu’à un volume moins élevé de dette libellée en dollars. Toutefois, les hausses des taux américains créent toujours des turbulences pour les économies émergentes qui sont plus dépendantes de leur financement en dollars, comme par exemple la Turquie. Point tout aussi pertinent, les hauses de taux de la Réserve fédérale ont été graduelles et largement anticipées. Une attitude plus agressive de la Fed vis à vis de l’inflation, avec des hausses de taux plus importantes que prévu, pourrait commencer à avoir une incidence négative sur les flux à destination des marchés émergents.
Au-delà du rythme auquel sera menée la normalisation de la politique monétaire américaine, les risques à considérer dans les perspectives des marchés émergents incluent un possible ralentissement de la croissance mondiale sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et le reste du monde (pas seulement la Chine), ainsi que des épisodes spécifiques à chaque pays comme ce fut le cas en Argentine, est le cas en Turquie, et pourrait être le cas à tout moment de nouveau en Russie.
Lorsque nous nous concentrons sur les opportunités propres aux marchés émergents, nous constatons de manière générale que leurs fondamentaux se stabilisent et nous pensons que les risques de défaut diminuent.
Dans la mesure où vous êtes investi sur les marchés locaux, comment intégrez-vous dans la gestion des risques les complexités du droit local notamment en ce qui concerne les lois sur les faillites?
Lorsque nous investissons dans l’univers fixed-income des pays émergents, nous regardons pays par pays et nous évaluons tous les risques spécifiques en nous assurant que nous sommes suffisamment compensés pour les prendre. Nous sommes convaincus qu’une approche sélective est essentielle pour investir dans les obligations émergentes, à partir d’une recherche crédit prudente et approfondie, y compris l’analyse des risques de juridiction. Nous construisons notre portefeuille de telle sorte qu’il soit le reflet de nos meilleures idées sur l’ensemble de la classe.