La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

ndlr: cette analyse a été rédigée vendredi soir, soit avant le coup de théâtre de samedi lorsque les députés anglais ont suspendu le vote de l’accord négocié entre Boris Johnson et l’UE. Le vote n’ayant pas eu lieu, toutes les questions restent d’actualité et d’autres surgiront assurément dans les prochains jours.

 

L’optimisme qui a gagné les marchés la semaine dernière sur le dossier du Brexit était bien justifié. La concorde affichée entre Boris Johnson et Leo Varadkar s’est en effet traduite dans la rédaction d’un nouvel accord de divorce. La nouveauté par rapport à celui de Mme May tient au statut prévu pour l’Ulster, qui à la fois:

  • serait dans la zone douanière du UK mais
  • prélèverait des droits pour les marchandises entrantes (comme si elle était dans l’UE), droits remboursés pour la partie consommée localement et
  • respecterait les normes européennes, notamment en matière phytosanitaire, de sorte qu’il n’y aurait pas de frontière physique avec le sud.

Autre point important, l’UE a accepté une autodétermination de l’Irlande du Nord tous les quatre ans sur ce statut mais pas un véto de chaque camp, ce que demandait le DUP. Sur la déclaration politique, l’objectif visé ne serait plus qu’un accord de libre échange (solution dite «Canada»), avec une divergence possible des normes. Pour habile qu’il soit, cet accord peut-il emporter une majorité aux Communes?

Ayant négocié en écartant le DUP et plusieurs de ses lignes rouges, M. Johnson se trouve en porte-à-faux avec son allié. Celui-ci ne représente que 10 députés mais sa position est susceptible d’influencer un certain nombre de tories hostiles à toute concession à l’UE. Il faut considérer aussi que ces derniers perçoivent M. Johnson comme l’un des leurs, et deux d’entre eux sont ministres. En outre, on peut s’attendre au soutien de la plupart des dissidents anti-hard Brexit.

Du coté du Labour, un petit groupe appartenant à des circonscriptions très favorables aux Brexit, pourrait voter pour, dans la perspective des prochaines élections. M. Johnson bénéficie d’une tendance de l’opinion qui lui est favorable. En cas d’échec, une prolongation sera très certainement demandée et acceptée, et des élections devraient suivre assez rapidement. Sa solution sera perçue comme la meilleure chance de conclure ce dossier, qui empoisonne la vie politique britannique, de sorte qu’elle pourrait prévaloir dans tous les cas. Une motivation pour le DUP et certains travaillistes de la soutenir aujourd’hui.

Le FMI broie du noir

Le dernier rapport économique du FMI n’est pas, comme on pouvait s’y attendre, particulièrement optimiste. Il voit un ralentissement synchronisé, causé en grande partie par les obstacles politiques dressés contre le commerce, et conduisant à la plus faible croissance depuis la grande crise, soit environ 3%. Il se démarque par là, comme à son habitude, très peu du consensus (aujourd’hui à 3,1%).

Ses préconisations en matière de politique économique sont aujourd’hui le soutien budgétaire, par exemple en Allemagne, où les taux sont négatifs et le ratio d’endettement très bas, justifiant, au-delà même de l’effet de relance, l’investissement en capital social et en infrastructures. Dans son rapport sur la stabilité financière, l’accent est placé sur la dette des entreprises, la finance parallèle et les actifs peu liquides détenus par les investisseurs institutionnels. Les politiques monétaires expansionnistes sont pointées du doigt comme ayant encouragé cette situation.

La perspective d’un ralentissement est particulièrement peu réjouissante dans ce contexte. En cas de choc moitié moindre de celui de 2008, 40% de la dette des entreprises serait en défaut potentiel (intérêts non couverts par les revenus), plus encore qu’en 2008. Si ces éléments méritent évidemment l’attention, il est très difficile de leur donner une traduction en termes d’allocation, car ils sont une constante du contexte, déjà observables en début d’année, alors que les marchés allaient fortement progresser. La question cruciale porte plutôt sur les catalyseurs qui pourraient transformer ces déséquilibres en crise.