Même si un accord a permis de mettre fin temporairement au plus long shutdown de l'histoire, il faudra un certain temps pour que les choses rentrent dans l'ordre.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

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US : durée des shutdowns
Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities

Seule une modeste partie du gouvernement est affectée, l’impact économique est donc faible à court-terme. Mais le coût croît avec le temps qui passe, sans doute de manière non-linéaire. L’estimation est rendue d’autant plus hasardeuse que beaucoup de statistiques macro ne sont pas publiées. Bref, l’économie US est dans le brouillard et les instruments de pilotage sont presque tous HS. Le chef économiste de la Maison-Blanche a estimé que si le shutdown se poursuivait jusqu’en mars (rien que de songer à cette hypothèse fait frémir), la croissance au T1 2019 pourrait tomber à zéro.

Donald Trump qui aime les records peut en revendiquer un nouveau. Son shutdown écrase par sa durée tous les précédents. Un accord permettant d’y mettre fin temporairement a été trouvé après 35 jours (graphique). 800.000 employés fédéraux ont été affectés, et indirectement 1.2 millions de sous-traitants. C’est peu dans une économie qui compte 150 millions d’employés, dont 22 millions dans le secteur public.

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US : claims des employés fédéraux durant les shutdowns
Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities

A première vue, le dommage sur l’économie paraît limité, d’autant que le shutdown a commencé durant la période des fêtes quand l’économie tournait au ralenti. Mais les effets négatifs ne pourront que s’amplifier si un accord n’est pas trouvé d’ici mi-février. Normalement payés à la quinzaine, les employés concernés ont été privés vendredi pour la deuxième fois de leur salaire. Un nombre croissant d’entre eux se sont inscrits au chômage (graphique). D’autres se sont déclarés malades pour ne pas avoir à venir travailler sans recevoir de rémunération. Cela concerne en particulier les employés de la TSA, ce qui a affecté la sécurité du transport aérien.

Les anecdotes se multiplient montrant qu’en l’absence de documents administratifs, des activités sont suspendues ou perturbées. Cela concerne par exemple les travaux de la SEC, des transactions immobilières, la commercialisation de nouveaux produits.

L’impact sur l’activité est très difficile à chiffrer, d’une part à cause de la pénurie de statistiques, d’autre part à cause de la durée inédite de ce choc. Cet événement commence à laisser sa marque sur les enquêtes de confiance auprès des ménages. Quant aux entreprises, elles avaient déjà bien d’autres sujets de préoccupations, de l’état de la croissance mondiale jusqu’aux frictions commerciales (sur ce dernier point, beaucoup de rumeurs, mais toujours aucun signe tangible d’une avancée dans les discussions US-Chine).

Le chef économiste de la Maison-Blanche avait estimé que si le shutdown se poursuivait jusqu’en mars (!!!), la croissance pourrait être nulle au T1 2019. L’accord mettant fin au shutdown n’étant que temporaire, un tel risque n’est pas encore écarté. Même s’il y aurait un fort rattrapage au T2, hypothèse raisonnable mais pas certaine, il est évident que cette prise en otage de l’économie par la sphère politique n’apporte que des inconvénients.

 

A suivre cette semaine

La 1ère estimation des comptes nationaux du T4 était officiellement prévue pour le 30 janvier, mais, même avec l’accord mettant fin temporairement au government shutdown, il sera impossible pour le Bureau of Economic Analysis de produire ce rapport. Il lui faudra d’abord compléter l’ensemble des données manquantes à savoir les ventes au détail, le commerce extérieur, les dépenses de construction, le revenu des ménages, etc.

C’est une situation inédite quand le pays ayant l’appareil statistique le plus développé est incapable de fournir la donnée la plus observée: le taux de croissance du PIB. Le Bureau of Labor Statistics de son côté est ouvert et devrait être à même de fournir les statistiques du marché du travail (1er février). La méthodologie du BLS traite différemment les employés touchés par le shutdown dans l’enquête-entreprises (qui donne les payrolls) et dans l’enquête-ménages (qui donne le taux de chômage). On pourrait donc se retrouver avec une forte croissance de l’emploi et, en même temps, un bond du chômage de quelques dixièmes.

L’ISM qui est un organisme privé publiera aussi son indice-phare pour le secteur manufacturier. Sur la base des données régionales, le consensus attend une relative stabilité (54.3 v 54.1), après la chute de 5.2pts le mois précédent. Le FOMC tiendra sa première réunion de l’année le 30 janvier. Jerome Powell devrait répéter le message de « prudence + patience + flexibilité » qui a déjà été délivré à jets continus ces dernières semaines.