Depuis le «Battery Day» de lundi, le titre Volkswagen ne cesse de s’apprécier. Retour sur la stratégie adoptée par le constructeur allemand pour rattraper son retard dans la voiture électrique par rapport au géant américain Tesla.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

En ce début d’année 2021, Tesla reste le leader incontesté des voitures électriques. Mais ce marché extrêmement porteur fait évidemment des envieux. De nouveaux spécialistes font leur chemin, notamment en Chine (Nio, Xpeng, etc.). Et chez les constructeurs automobiles «traditionnels», la riposte se met en place.

En Europe, de nouvelles exigences en matière de durabilité et de généreuses incitations gouvernementales pour les acheteurs poussent les grands groupes automobiles à se réinventer, alors que le vieux continent est en train de devenir le plus grand marché d’e-mobilité au monde.

En tant que deuxième plus gros constructeurs automobile mondial, Volkswagen ambitionne de se positionner comme l’un des leaders de la transformation électrique. Le groupe allemand – qui regroupe les marques VW, Audi, Porsche mais aussi Seat, Bentley, Lamborghini, Bugatti. etc. – cherche depuis plusieurs années à rattraper le géant de la voiture électrique, Tesla. Et il pourrait bien être en passe de remporter son pari. En effet, Volkswagen a vendu 231’600 voitures électriques en 2020. Même si ce chiffre représente moins de la moitié des ventes de Tesla, il est en hausse de 214% par rapport à 2019. Parmi les Volkswagen électriques, quelques «best-sellers» tels que l’ID.3, écoulé à 56’500 unités, les SUV Audi (47’300 unités l’e-Golf compact (43’300 unités), l’e-up (22’200 unités), ou encore 20’000 Porsche Taycans électriques. À noter que les véhicules hybrides ont également enregistré une hausse inédite de leurs ventes avec 190’500 unités écoulées l’année dernière, soit une augmentation de 175% sur un an.

Nous sommes donc très loin du «diesel gate» qui avait entrainé il y a quelques années la démission du PDG de l’époque. Souvenez-vous: nous sommes en septembre 2015 et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) révèle que le groupe Volkswagen a utilisé entre 2009 à 2015 différentes techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes (de NOx et de CO2) de certains de ses moteurs diesel et essence lors des essais d’homologation. Plus de 11 millions de véhicules de ses marques sont concernés à travers le monde. A cette époque, l’image de Volkswagen est désastreuse. Le groupe porte alors l’étiquette du champion de la pollution.

Mais les temps ont bien changé. Volkswagen a désormais un objectif on ne peut plus clair: devenir le numéro un mondial des voitures électriques. La marque allemande a annoncé son intention d’investir 35 milliards d’euros dans les véhicules électriques d’ici 2025. 70 modèles électriques devraient également voir le jour d’ici 2030 avec un seul but: rattraper le retard de Volkswagen sur Tesla.

Pour Ralf Brandstätter, le PDG de Volkswagen Passenger Cars, «2020 a été un tournant pour le groupe et a marqué une percée dans la mobilité électrique»

Il estime que le groupe est en bonne voie pour atteindre son objectif de devenir un jour le numéro 1 de l’électrique.

Pour mener à bien cette mission, le géant allemand a une stratégie très différente de celle de Tesla. Alors que l’entreprise dirigée par Elon Musk veut maîtriser l’ensemble de la chaine de valeur, le groupe Volkswagen adopte une stratégie basée sur les partenariats. Cela concerne aussi bien les chaînes de montage (partenariat avec Ford), les stations de recharge (BP) ou encore les usines de production de batteries. C’est d’ailleurs ce dernier élément de leur stratégie qui a retenu toute l’attention des investisseurs lors de la dernière conférence organisée par Volkswagen.

Ces partenariats pourraient permettre au groupe allemand de gagner en rapidité mais aussi de produire à plus bas prix. Ci-dessous, nous passons en revue les principaux éléments de cette stratégie qui pourrait bel et bien transformer Volkswagen en Volt-wagen.

Six usines de batteries en Europe d’ici à 2030

«Notre objectif est de nous assurer une position de leader dans le secteur mondial des batteries», a déclaré Herbet Diess, PDG du groupe Volkswagen, lundi, lors du «Power Day», un événement destiné à annoncer les derniers projets du groupe. Le nom de cette conférence ne doit d’ailleurs rien au hasard lorsque l’on sait que Tesla organise tous les ans un «Battery Day».

Alors qu’Elon Musk va prochainement attaquer directement le géant automobile allemand sur ses terres en créant un gigantesque site de production de véhicules électriques près de Berlin, Volkswagen riposte en annonçant vouloir opérer jusqu’à six gigafactories en Europe d’ici à 2030.

Face à la législation européenne plus contraignante sur les émissions de CO2, la part de voitures purement électriques parmi les ventes de Volkswagen devrait ainsi doubler à près de 60% en moins de 10 ans. C’est pourquoi «les capacités de batteries doivent croître en parallèle», a expliqué Herbert Diess.

Parmi les six usines, qui auront une capacité totale de 240 gigawattheures (GWh), un site en Allemagne a d’ores et déjà été sélectionné. Il s’agit de celui de Zalzgitter, un important site de Volkswagen. Une deuxième est en cours de construction en Suède en partenariat avec l’entreprise Northvolt, une start-up suédoise spécialisée dans les batteries haut de gamme. Volkswagen doit parallèlement augmenter sa participation dans l’entreprise. «Pour les autres usines, la localisation et des partenaires possibles sont en cours d’évaluation», précise le constructeur dans son communiqué.

VW veut réduire le prix des batteries de 50%

Volkswagen, qui a d’ores et déjà investi plus de 30 milliards d’euros dans sa transition vers l’électrique, se fixe désormais pour objectif de réduire «jusqu’à 50%» les prix des batteries d’ici à 2030. Rappelons que la batterie est l’élément le plus coûteux sur une voiture électrique et qu’une telle baisse permettra de faire passer le prix des véhicules électriques en-dessous de ceux des voitures à essence ou hybride.

L’objectif pour l’entreprise est de rendre l’e-mobilité plus abordable, en faisant passer le coût des batteries sous la barre des 100 dollars par kilowattheure. Ceci grâce à une nouvelle cellule de batterie unifiée – le MEB (Modular Eletric Drive Matrix) – qui sera lancée en 2023 et installée dans jusqu’à 80% des véhicules électriques du groupe. La plateforme MEB, développée en partie dans le centre de Recherche & Développement d’e-mobilité basé en Chine, est un pack de batteries modulaire qui pourra s’adapter à des véhicules de différentes tailles, avec un moteur et une électronique intégrée. Elle sera également utilisée pour d’autres marques du groupe, comme Audi, SEAT et Skoda. Une seule motorisation pour des dizaines de véhicules, voilà de quoi simplifier la chaine de production et réduire les coûts.

«Nous voulons réduire le coût de la batterie tout en augmentant son autonomie et ses performances», a déclaré Thomas Schmall, membre du conseil d’administration de l’entreprise chargé de la technologie et des composants

Avec la nouvelle plateforme MEB, une voiture VW sera connectée aux maisons, et pourra même transférer de l’énergie à l’habitation, permettant aux utilisateurs de faire des économies et réduire leurs émissions de CO2.

Investissement massif dans les stations de recharge

La difficulté de trouver des points de recharge des batteries reste l’une des principales barrières à l’adoption massive du concept de voitures électriques.

Une autre partie du plan très ambitieux de Volkswagen consiste à développer un gigantesque système de recharge. Volkswagen va investir 400 millions d’euros dans le réseau de recharge européen d’ici 2025. Cela permettra à l’entreprise allemande d’exploiter 18’000 stations publiques de recharge rapide en Europe d’ici à cette échéance, multipliant ainsi par cinq les points de recharge. Ces stations devraient couvrir environ 33% de la demande totale une fois déployées. À l’exception de Tesla, peu de sociétés de voitures électriques ont installé un tel système.

Comme mentionné dans l’introduction, la stratégie de Volkswagen est de travailler avec des partenaires. Le constructeur a d’ores et déjà signé des partenariats avec le groupe britannique BP, l’espagnol Iberdrola et l’entreprise italienne Enel.

Volkswagen prévoit également de construire 3’500 de ces stations d’ici la fin de l’année aux États-Unis, par le biais de leur coentreprise: Electrify America. Volkswagen vise également l’installation de 17’000 de ces stations en Chine, par le biais de sa coentreprise CAMS. À titre de comparaison, Tesla exploite actuellement environ 20’000 stations de recharge.

Il faut également noter la volonté de Volkswagen d’améliorer également le confort des conducteurs de voiture électrique. D’ici à 2030, le temps de recharge des batteries ne devrait pas dépasser plus de 12 minutes.

Le groupe Volkswagen peut-il rattraper Tesla?

Les marchés financiers semblent avoir apprécié la conférence du PDG de Volkswagen car le titre s’est fortement apprécié dans les heures et les jours qui ont suivis. Certes, Tesla a l’avantage du premier entrant et possède une avance sérieuse sur la partie des logiciels – un domaine dans lequel Volkswagen a également l’intention de s’améliorer puisque le groupe allemand emploie désormais 10’000 développeurs, faisant du constructeur automobile la plus grande société de logiciels en Europe après SAP. Mais c’est bien dans le domaine des batteries que Volkswagen pourrait bâtir son avantage compétitif. Ce composant représente 30% du prix d’une voiture électrique et une réduction de moitié de ce coût à partir de 2025 pourrait changer la donne. Avec 70 modèles électriques en développement, Volkswagen pourrait rattraper Tesla en termes du nombre d’unités de voitures électriques vendues dès 2022. Selon UBS, Volkswagen pourrait même dépasser Tesla de 300’000 unités d’ici à 2025.

Conclusion

Le marché des voitures électriques a un potentiel de croissance très important, qui pourrait profiter à la fois à Tesla et à Volkswagen. Du fait du profil de ces sociétés et des différentes stratégies adoptées, on pourrait se risquer à une analogie à la téléphonie mobile, où Tesla serait le Apple de la voiture électrique (produit haut de gamme avec une technologie intégrée) alors que Volkswagen serait l’équivalent de Samsung (produit de masse dont la technologie se base sur des partenariats).

D’un point de vue boursier, rappelons que malgré l’envolée récente du titre, Volkswagen se traite sur un multiple de P/E à 12 mois de 14x contre 127x pour Tesla. Une dichotomie d’évaluation qui n’aurait pas échappé aux forums de Reddit, d’après certaines sources…

 

NB : Il n s’agit pas de recommandations d’investissement

 

Rendez-vous sur www.flowbank.com