Je suis vieux et fatigué. Enfin, dans la tête j’ai l’âge mental d’un ado qui n’est pas encore majeur, mais disons qu’en années boursières, parfois j’ai le sentiment de dépasser la date de péremption et quelques regrets pointent à l’horizon. Par contre, il y a au moins une chose pour laquelle je suis assez content, c’est d’avoir pris parti pour le camp des Bulls dès le premier jour. Le premier jour où j’ai mis les pieds dans une salle de trading, je me suis dit que j’étais obligé de viser les étoiles, parce que la dépression et envisager la fin du monde, ce n’était pas trop mon truc. Oui, car s’il y a un truc que j’ai appris, c’est que de toutes façon, à la fin, c’est les Bulls qui gagnent et si l’on parie sur l’inverse, autant aller acheter un bout de terrain et faire pousser des tomates en attendant la fin du monde.

L’Audio du 9 juillet 2020

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L’angoisse « light »

Comme je l’écrivais dans ma chronique d’hier, mardi on avait eu comme un coup de froid au milieu de l’été. On avait commencé à se dire que ça sentait mauvais, que l’on était peut-être monté trop haut trop vite et que ce « fameux » recovery économique pourrait peut-être, finalement, prendre plus de temps que prévu. Que les écueils sur le chemin seraient peut-être plus nombreux et douloureux que l’on voulait ou que l’on pouvait bien le penser. Ne vous méprenez pas, je pense sincèrement que l’on va se remettre de cette pandémie, que l’économie mondiale va repartir un jour et qu’un autre jour – probablement pas le même – on aura presque oublié que ça s’est passé, un peu comme toutes les galères qui nous sont tombées dessus depuis que l’homme est sur la planète, mais là tout de suite j’aurais quand même préféré que l’on baisse un peu plus que 14 heures avant de repartir à la hausse.

Mais bon, visiblement le monde entier semble d’accord avec la FED et les médias d’état en Chine : il faut acheter le marché pour soutenir l’économie. Je reste toujours dubitatif et peu convaincu que l’on relance l’économie uniquement en achetant des actions, mais visiblement c’est ce que tout le monde semble croire et accepter une fois pour toute. Une fois que l’on a intégré qu’il n’y a plus qu’un sens dans le marché on a qu’à acheter et attendre. Parfois j’ai presque le sentiment que l’on a enfin trouvé cet équilibre idéal où tout est facile, cet endroit dans le monde de l’investissement où le marché ne fait plus que monter et où la bourse devient ENFIN facile. Je vous rassure, en général quand je commence à penser ça, c’est que c’est la fin de la hausse. Quoi que là tout de suite, je ne sais plus trop quoi penser.

En Europe ; la peur

Durant la première partie de la séance d’hier, nous étions encore en mode « la trouille ça ne se commande pas » – plus communément appelé également « ce moment où tu comprends que vaut mieux être un trouillon vivant qu’un héros mort ». C’était surtout le cas en Europe qui continuait de surfer sur la vague déprimante amorcée à Wall Street la veille. On avait toujours cette angoisse liée aux contaminations aux USA et au fait que l’on se disait que l’on n’était pas encore au bout de nos peines – surtout lorsque l’on observe la courbe des contaminations aux States – une courbe qui ressemble plus à celle du fonds de Madoff AVANT que l’on se rende compte qu’il y avait un truc de pourri à l’intérieur, qu’à une courbe qui signale que ça va mieux.

Cette angoisse et ces doutes que l’on avait perçu mardi soir à NewYork continuaient donc de se vaporiser dans l’esprit des investisseurs européens – sans compter que la faiblesse des futures et l’ouverture merdique de New York, corroborait cette trouille un peu partout en Europe. En fin de journée sur le vieux continent, la plupart des indices européens finissaient dans un marasme ambiant qui était presque palpable. Le Dax abandonnait 1%, la France baissait de 1.2%, l’Italie reculait de 0.6% et l’Espagne remportait la cession avec 1.6% de baisse. En Suisse, comme on a toujours tendance à être « neutre », on ne perdait que 0.29%. La suite de l’histoire, vous la connaissez.

Les Américains ont soigneusement attendus que les traders européens aient éteint leurs ordinateurs, mis leurs masques et soient montés dans le métro, avant d’entamer leur remontée parce que soudainement, on se disait que : oui, mais avec la saison des résultats qui arrive, on arriverait peut-être à mettre le pire de la pandémie derrière nous et redevenir constructifs…

Aux USA,à deux balles les théories 

Non mais sérieusement, y a des gens qui ont « acheté le marché » hier soir à New York, parce que, je cite : « avec la saison des résultats qui arrive, on arriverait peut-être à mettre le pire de la pandémie derrière nous et redevenir constructifs » – je vous avoue que rien que d’avoir lu ça dans les journaux ce matin, je n’arrive plus à m’arrêter de rire. Il y a donc sérieusement des types qui se disent que la publication des chiffres du trimestre va nous « motiver ». Non, parce que moi je croyais que l’on était déjà pas mal motivés sur pas grand-chose depuis 2 mois. Mais bon, je dois être un peu con, parce que visiblement y a encore pas mal de trucs qui peuvent nous motiver – comme fumer la moquette par exemple. Fumer la moquette en se disant qu’en observant des chiffres trimestriels qui ne manqueront pas d’être immondes, ça allait nous soulager et nous donner envie d’investir.

Je crois que l’on est en train de vivre un truc formidable au niveau des marchés financiers et que dans quelques années on se rappellera de cette période un peu comme la génération de mes parents se souvenaient affectueusement du Festival de Woodstock, la seule différence c’est que nous on n’a pas pris de drogues. Quoi que quand je vois le comportement de ce marché, je me dis qu’il y a quand même quelqu’un quelque part qui a dû déverser de l’ecstasy dans l’eau potable et que l’on vit un « trip » sans qu’on s’en rende compte.

Mais à la fin…

Quoi qu’il en soit, comme je le disais, à la fin c’est les Bulls qui gagnent et hier soir, ils ont encore gagné. Le Nasdaq terminait au plus haut de tous les temps et quand on regarde le S&P500, on dirait un chat qui s’apprête à bondir pour faire les 10 derniers pourcents qu’il lui reste avant le plus haut de tous les temps. Mais finalement, ce qui résume peut-être le mieux la mentalité du marché c’est ce qui s’est passé sur Nikola. Pour ceux qui ont oublié, Nikola c’est la boîte qui fait des camionnettes et des pick-ups électriques. Alors oui, ils n’ont encore pas vendu la queue d’une voiture électrique, mais selon la rumeur, ça ne saurait tarder. Du coup, ensuite ils vont aller sur la lune en fusée et trouver un vaccin contre le COVID, puis une fois que ça sera fait, ils vont cloner Tony Stark et fabriquer le costume d’Iron Man pour de vrai.

Graphique de Nikola – Source : Tradingview.com

Nikola est donc en plein délire depuis son IPO, puisque sans avoir rien vendu, la boîte vaut déjà pratiquement 20 milliards de capitalisation boursière, soit pas loin de Ford qui eux…ont déjà vendu 2-3 voitures durant leur histoire. Après l’ultra-spéculation que l’on a vécu sur Nikola depuis quelques temps, le titre s’était calmé pour revenir à, je cite : « des valorisation normale » – oui, parce que quand tu ne vends rien, que tu es en cash burning à full power, avec une capitalisation de 15 milliards, c’est une valorisation « normale ». Enfin bref, heureusement, hier un analyste (qui apparemment a fait des études) a déclaré que la récente correction sur Nikola rendait le titre « à nouveau attractif ». Je répète : 15 milliards, zéro vente, zéro revenus est égal à « valorisation attractive ». Sur la nouvelle, sur la simple déclaration d’un analyste que l’on ne connait ni d’Ève, ni d’Adam, le titre est remonté de 31%… Je crois donc que le comportement de ce titre hier, résume assez bien le délire dans lequel nous sommes. Mais heureusement, les banques centrales sont là pour nous aider. Nous soutenir, nous rassurer et nous donner confiance. C’est vite vu, ce matin je me sens même beau, intelligent et j’ai presque envie de voter à gauche, c’est dire si ça va bien.

Et ça continue en Asie

Côté Asie, tout va bien, tout est en hausse, la Chine grimpe encore de 1% de plus et le reste suit. En Australie une partie du pays annonce qu’il repart en confinement, mais tout le monde s’en fout : après tout, les banques centrales sont là et Nikola est « attractif ». Pendant ce temps l’or s’échappe discrètement et se rapproche toujours un peu plus des records historiques. Le métal jaune est à 1822$ et le pétrole est à 40.85$. En fait, je me demande ; est-ce qu’il y a un truc qui ne monte pas ?

Dans les superbes nouvelles du jour, en dehors du fait que l’Australie est en train de retourner en confinement ; on notera que les cas de contaminations continuent d’exploser aux USA – on est à 62’000 nouveaux cas pour la journée d’hier et que la Californie ne sait plus comment faire pour les lits d’hôpital – heureusement que le virus ne supporte pas la chaleur de l’été, sinon on serait vraiment dans la merde. Mais surtout la bonne nouvelle c’est que le mouvement antiraciste a prévu des manifestations monstres dans pour la fin du mois dans 25 grandes villes américaines. On peut donc raisonnablement penser que nous – en bons toutous dans les villes Européennes, on va faire de même, ce qui va sûrement aider à calmer l’évolution de la contamination – puisque toutes les personnes équilibrées le savent, si vous faites marcher 10’000 personnes main dans la main à hurler des slogans toute la journée, c’est hyper-recommandé par les autorités sanitaires. C’est même encouragé.

Autrement il faudra retenir qu’un expert sur le Brésil pense que le fait que le Président soit contaminé signifie le début de la fin de son gouvernement. Pas sûr que ça change la face du monde, mais la bonne nouvelle c’est que le COVID fait aux poumons de Bolsonaro ce que lui-même fait à la forêt amazonienne, comme quoi, le karma, ça existe. Enfin, peu importes les news, ce qu’il faut retenir, c’est qu’à la fin, c’est toujours les mêmes qui gagnent. Les Bulls.

Économie

Côté chiffres économiques, nous aurons le Trade Balance en Allemagne et les Jobless Claims aux USA. La journée promet d’être excitante, je ne vous raconte même pas. Pour le moment, pour le retour du confinement en Australie et le bordel total aux USA, l’Asie est en hausse et les futures aussi.

Avant de vous souhaiter une bonne journée, je vais profiter de faire un peu de pub.

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Je terminerai encore en vous signalant que ce matin j’ai également publié ma dernière interview en date, cette fois je suis allé voir le fondateur de la société AtonRâ – Stefano Rodella – et nous avons parlé « haute-technologie » et de son nouveau fonds qui vient de sortir – vous trouverez l’interview complète en audio et en écrit en « scrollant un peu plus bas » ET N’OUBLIEZ PAS de liker !!!

Voilà, tout est dit. Je vais vous laisser vaquer à vos occupations, moi je vais aller m’acheter un pick-up électrique chez Nikola. Au moins ça fera une vente. Excellente journée à tous et à demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“The difference between ordinary and extraordinary is that little extra.”

 

– Jimmy Johnson