L’accumulation d’obligations offrant un rendement négatif est devenu colossal, pour avoisiner 17 trillions de dollars.

Dans un monde où les taux sont extrêmement bas, les portefeuilles obligataires ont perdu mécaniquement une partie de leur élasticité / capacité de compenser entièrement la baisse des actifs à risque comme les actions, les obligations à haut rendement ou les matières premières pendant la crise. Très logiquement, les obligations sont par conséquent devenues la classe d’actifs détestée par excellence.

Leur futur parait également incertain, poussant certains – et non des moindres – à annoncer le bear market (B. Gross en 2018, J. Bianco en 2020). En effet, une reprise de la croissance mondiale aura lieu en 2021. Elle s’accompagnera d’une certaine résurgence – cyclique – de l’inflation, résultant du rebond des matières premières (pétrole) et d’effets de base (par exemple, la réduction de la TVA en Allemagne). Aux Etats-Unis, les Démocrates assureront la relance budgétaire et l’émission ad nauseam de dette publique.

Sans surprise, un fort consensus se dégage parmi les grands allocateurs d’actifs pour réduire massivement leur pondération dans les portefeuilles globaux en faveur d’actions ¨défensives¨, de placements alternatifs, voire de liquidités.

En fait, selon les derniers sondages auprès des gestionnaires de fonds de Bank of America, plus de 75% s’attendent à une courbe des taux plus pentue (c’est-à-dire à des taux à long terme supérieurs à ceux à court terme). Il s’agit du consensus le plus élevé dans l’histoire de cette enquête. Comme ces dix dernières années, les arguments pour des taux plus élevés semblent convaincants. Sauf que ce scénario s’est systématiquement avéré faux!

Il se pourrait bien que nos grands dirigeants occidentaux, si prodigues, se mobilisent pour faire mentir le consensus. En effet, l’intense répression financière a enfanté moult entreprises zombies et, soyons francs, bien des gouvernements sur-endettés ne pourraient certainement pas se permettre des taux – beaucoup – plus élevés… Donc, ils feront tout pour contenir une hausse débridée du loyer de l’argent. Après avoir mis en œuvre la politique de taux d’intérêt zéro (ZIRP) et d’énormes QE, ils n’hésiteront pas à expérimenter « l’helicopter money » et la nouvelle théorie monétaire.

Le contrôle de la courbe des taux est déjà en vigueur au Japon et en Australie. Pour l’instant, la Fed s’en méfie. Elle devrait préférer la réorganisation son bilan, en effectuant des arbitrages de duration de ses avoirs.

Le chemin n’est pas connu, mais la destination nous semble est claire: les taux longs américains ne dépasseront pas un seuil ¨raisonnable¨ – disons 1,5% – en 2021. Tactiquement, pareille hausse des taux longs du Trésor américain ouvrirait une fenêtre permettant de remettre plus de duration dans les portefeuilles. En effet, malgré leur faible rendement nominal, les obligations continuent d’offrir une diversification et une réduction de la volatilité des portefeuilles multi-actifs.

Corrélation glissante sur 3 ans entre le rendement des actions et des obligations

Cette caractéristique sera bénéfique au cours des prochaines années, compte tenu des changements séculaires de l’économie mondiale et d’une volatilité attendue plus élevée que celle de la dernière décennie. Leur liquidité est incomparablement supérieure à leurs ¨concurrents¨ . Au sein de la poche obligataire, l’agilité sera la clé. Les fonds d’obligations peu ou pas contraints ont le profil pour éviter d’être l’exposition à des segments obligataires trop chers. Ils peuvent allouer davantage aux investissements à taux variable ou liés à l’inflation. Certains d’entre eux peuvent même avoir une duration négative! Dans un récent document de travail, Pimco, le poids lourd des obligations américaines, a présenté une proposition simple de type barbell:

«En déconstruisant la poche obligataire en deux sous-composantes – 1. un actif de couverture et 2. un actif de rendement – les investisseurs peuvent créer un portefeuille bien diversifié qui peut encore apporter un énorme équilibre aux portefeuilles multi-actifs.»

Intéressant même si, en pratique, cette approche convient mieux aux portefeuilles institutionnels / fonds de pension qu’à ceux des clients privés.

A retenir

  • La fin probable du Bull Market obligataire n’annonce pas pour autant le début d’un Bear Market!
  • En dépit (ou à cause!) du très fort consensus, on ne réduira pas à l’excès la poche obligataire
  • On privilégiera plutôt sa gestion active et une structure barbell (cf. Pimco)

 

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