Il fallait s’y attendre la journée d’hier aura été des plus attentistes et aujourd’hui, ça ne sera pas mieux, à moins que vous ayez posé des micros dans la salle de réunion de la FED. Heureusement, l’Europe nous a un peu occupé alors que la Société Générale se faisait démonter pour commencer la semaine, mais pour le reste ; tout le monde est en train de faire des incantations afin de connaître les intentions de Jerome Powell. Et pour être très franc, on va dire que l’on s’attend quand même à un discours des plus consensuels qui ne devrait pas traumatiser les marchés. Et puis de toutes manières, nous sommes tellement confiants que rien ne peut nous arriver, que rien ne nous arrivera.
L’Audio du 19 septembre 2023
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Les attentes, encore les attentes
En ce qui concerne la FED, nous avons donc tous passé la journée dans le marc de café pour essayer d’anticiper ce qui pourrait se passer demain soir. Il semble évident que personne n’en sait rien et que tout ce que l’on dit n’est que « spéculation ». Néanmoins à quelques heures de l’échéance qui est encore une fois censée changer nos vies, le marché à l’air de s’être accordé sur le fait qu’il ne fallait pas s’attendre à de grandes manœuvres demain soir, que les taux devraient rester où ils sont et que ce que racontera Powell ne sera qu’une version remasteurisée de ce qu’il a dit dans le Wyoming à la fin du mois d’août. Il devrait tout faire pour ne se fâcher avec personne et ne pas déranger – jouer au bon Suisse, en résumé – le patron de la FED devrait laisser entendre qu’il pourrait tout de même monter les taux d’ici la fin de l’année.
Ce qui serait cohérent avec ses intentions de maintenir la pression sur l’inflation, que des choses que nous savons déjà. En revanche, là où le patron de la FED sera attendu au virage, c’est au sujet des « baisses de taux » à venir en 2024. S’il laisse planer l’éventualité que ça pourrait éventuellement se produire, c’est une bonne nouvelle – s’il botte en touche en disant « on verra », on pourrait supporter la chose et prendre ça pour une bonne nouvelle – en revanche, s’il nous annonce que l’on peut se gratter pour avoir une baisse de taux en 2024 ; je ne suis pas certain que ça se passe bien. Mais la probabilité qu’il nous fasse une annonce du style est tellement improbable – puisque lui non plus ne sait pas où nous allons – que ça serait de la science-fiction…
Mis à part l’attente
Alors que tout le monde peaufinait ses opinions et ses attentes pour demain soir, le management de la Société Générale a décidé d’annoncer sa stratégie pour 2024-2026. Alors avant d’aller plus loin, je dois dire que je suis fasciné de voir qu’une banque (comme toutes les banques) qui a tendance à surfer sur la vague et vivre au jour le jour, ait l’envie de venir sur un podium pour expliquer à tout le monde ce qu’ils vont faire dans les trois prochaines années, alors qu’ils ne savent même pas ce qu’ils feront demain.
Toujours est-il qu’ils ont quand même décidé de se lancer dans l’exercice et je pense sincèrement qu’ils auraient mieux fait de se taire. Je peux me gourer, mais faire une présentation sur la stratégie future et se prendre 12% dans les dents, ça donne déjà une idée sur la stratégie et que globalement, tu ne sais pas où tu vas. Bref, la Soc Gen a commencé la semaine en fanfare et a entrainé le CAC avec elle. C’est bien, parce que ça nous aura donné au moins des trucs à raconter, sinon je ne serais même pas parvenu à boucler cette première page de chronique.
Même pas peur
Pour le reste, il y avait encore trois sujets qui monopolisait l’attention des traders. Le premier c’est le fait que « l’indice de la peur » – autrement dit : la volatilité soit toujours dans un coma profond. La chose interpelle de plus en plus de monde à Wall Street alors que nous faisons face à de plus en plus d’inconnues sur le marché et l’économie mondiale, la volatilité refuse de monter la moindre. On en parlait pas mal hier et la conclusion finale, c’est que les intervenants sont TELLEMENT confiants sur la solidité des entreprises américaines et sur le fait qu’il n’y aura aucune récession ces deux prochaines années, qu’il n’y aucun rationnel qui justifierait le fait de vouloir protéger son portefeuille. Pour un marché qui n’a jamais réussi à voir plus loin que trois jours depuis des mois, je dois dire que je suis impressionné.
Une des autres choses qui aura attiré également l’attention des traders, c’est le pétrole. Alors que personne n’en a plus rien à faire depuis des mois – surtout depuis que ça monte, soudainement on note un regain d’intérêt assez massif sur la chose. On commence à parler des 100$, on commence à se dire que « ça ne baissera plus » et hier, même le CEO de Chevron est venu nous dire que le baril ALLAIT à 100$, mais qu’il n’y avait pas de problème parce que l’économie US pouvait largement le supporter. Le gars il est passé de CEO d’une des plus grosses boîtes de pétrole à analyste et économiste, la même journée. Personnellement, je ne sais pas si l’économie peut supporter la chose, ce que je sais en revanche – c’est qu’un baril à 100$ ne peut pas faire de mal aux profits et aux actionnaires de Chevron. En revanche, pour ce qui est de l’économie, j’en suis moins sûr. Par contre, il y a un truc qui commence à me gêner, c’est que tout le monde est en train de tourner bullish alors que l’on ne voulait pas y croire il y a encore trois mois. Alors même si tout pointe en direction de la hausse, je commence à me dire qu’il est peut-être temps de tourner la veste et de devenir contrariant – vous pouvez aller jeter un œil au graphique du jour en provenance du SAMT, ça peut donner des idées. Le lien est ICI
Les downgrades du jour
Pour le reste, une fois que nous eûmes passé par-dessus le sujet du pétrole, de la FED et de la volatilité qui ne veut pas monter, nous avons pu nous concentrer sur les deux « downgrades » du jour. Tout d’abord il y a eu Goldman Sachs qui a tourné « prudent » sur Tesla, estimant que les baisses de prix successives pourraient faire mal aux marges – sans blague ?? On l’avait pas vu venir celle-là. Et puis il y aussi une banque d’affaire américaine, mais pas Goldman Sachs qui a entamé la couverture de ARM avec une recommandation de VENDRE. Ça commence bien. On notera aussi qu’hier soir aura eu lieu le pricing de l’autre IPO à la mode, celle d’Instacart qui sera cotée pour la première fois ce soir à New-York. Le prix d’émission a été fixé à 30$.
Ce matin en Asie, le Japon est en baisse de 0.95%, Hong Kong ne fait rien et la Chine non plus. Le pétrole est toujours strong et se traite à 91.28$, l’or est à 1953$ et le Bitcoin est à 26’850$.
Nouvelles du jour
Côté nouvelles du jour, il faudra se souvenir qu’en ce lundi 18 septembre 2023, Nouriel Roubini est revenu ramener sa fraise pour nous annoncer qu’il se mettait short sur le marché pour la fin de l’année. Pariant sur une baisse de 10%. Le mec est devenu tellement faux sur le long terme, que maintenant il se met à faire des calls sur les trois prochains mois. Dans six mois il se lance dans les signaux de trading et dans un an il se lance dans le high-frequency trading. Autrement, on retiendra que les prix de l’huile d’olive ont explosé de 100% ces derniers temps – ça va sûrement calmer l’inflation et si jamais j’ai trois bidons de 5 litres à vendre s’il y a de l’intérêt.
Pendant ce temps, les fabricants de voitures américaines sont sous pression à cause de la grève des ouvriers du secteur, grève qui continue. Les Américains ont retrouvé leur F-35 qui se baladait dans le ciel sans pilote. Trudeau s’en prend au gouvernement indien pour une histoire d’assassinat sur un leader sikh. Et Yellen était à la télé hier pour annoncer qu’elle n’avait peur de rien concernant un éventuel « shutdown » du gouvernement US. Comme elle s’était montrée confiante sur la non-récession à venir et sur la non-crise du plafond de la dette. Après tout, comme Madame Yellen sait tout, je ne vois même pas pourquoi on réfléchit, suffit juste de lui poser la question.
Chiffres du jour
Côté chiffres du jour, dans les nouvelles hyper-intéressantes, nous aurons le CPI en Europe, histoire de tergiverser sur l’avenir des taux selon Lagarde. Puis aux USA il y aura les nouveaux permis de construire, plus les mises en chantier. Et puis la FED commencera sa réunion et le chrono commencera à faire « tic-tac-tic-tac » jusqu’à demain soir.
Pour le moment, les futures sont inchangés et moi je retourne me coucher jusqu’à demain soir. Passez une excellente journée et on se voit demain à la première heure, entre deux siestes. Que la force de la FED soit avec vous.
Thomas Veillet
Investir.ch
“Don’t walk in front of me, I may not follow. Don’t walk behind me, I may not lead. Walk beside me and be my friend.”
– Albert Camus